Dummy – 1er album de Portishead – 1994.
Une véritable découverte musicale suscite généralement en nous un flux d’émotion: une rage vous traverse, une frisson jailli, larmes, joie intense, sensation inexplicable… ?
La découverte du groupe Portishead est restée à ce titre gravée au rang des découvertes déroutantes. Tout d’abord, ce petit single Glory Box à la pochette rouge, comprenant le succès incroyable et déconcertant du groupe. La découverte pour nombre d’entre nous de la voix poignante de Beth Gibbons, sensible et déchirée, toujours à la limite de la rupture, vibrant de cesse au travers d’une tension émotionnelle aussi sombre qu’exaltante. La version française donnait d’ailleurs la tonalité du travail en studio de Portishead. Glory Box en version single radio accompagné de deux autres remix du même titre, et un ultime remix époustouflant du Wild Wood de Paul Weller. Ils avaient osé toucher à Weller, et en plus, c’était génial.
Portishead – Wild Wood (Paul Weller)
Bien sûr, nous avions déjà sombré dans la tension et la froideur envoûtante… Mais avec Portishead, il y avait quelques chose d’inédit et d’imprévisible. Difficile d’admettre à l’époque que ces enregistrements, nourris de samples, de sons électroniques, de trafficages ingénieux pouvaient à ce point toucher le cœur de la bête. La claque.
Dummy, l’album magistral, avec ses sons de basses compressés à l’extrême et ces sonorités inclassables. Guitares wah wah et orgues hypnotiques, se confondent au milieu de samples malsains aux rythmiques langoureuses. Des boucles sonores entêtantes avec en projection, cette atmosphère angoissante et tendue, propre à faire resurgir les démons de l’oubli.
Portishead – Roads – Live
L’histoire raconte que la genèse de Portishead aurait pris racine dans une file d’attente d’une agence pour l’emploi. Geoff Barrow et Beth Gibbons s’y rencontrent en 1992. Lui est assistant ingé son, il a notamment travaillé en tant que petite main, aux sessions du premier album de Massive Attack. Elle, est alors actrice… leurs aspirations communes vont naturellement se relier. Le nom du groupe est rapidement trouvé: Portishead, du nom de leur ville natale.
Une BO de film … To kill a dead man
En vérité, ce sont au départ les aspirations cinématographiques qui vont réunir ces deux là autour d’un projet commun. Geoff Barrow rêve d’enregistrer une BO de film, et au lieu d’attendre une hypothétique demande, il décide avec Beth de réaliser leur propre court métrage. Les acteurs principaux sont les membres du groupe, et le film de onze minutes intitulé To Kill a Dead Man apparaîtra d’ailleurs dans le DVD Roseland NYC Live de 2002. Le projet cinématographique enclenche bien entendu le projet musical, et chemin faisant, ils sont rejoints en studio par le guitariste Adrian Utley.
La photo de pochette de Dummy est d’ailleurs extraite de ce court métrage (à 3 min et 7 secondes, précisément!).
Portishead – Glory Box
L’album Dummy sort en août 1994 et déclenche un ras de marée de succès des plus inattendus. A l’époque, les techniques d’enregistrements de Geoff Barrow font figures d’amateurisme parmi ses confrères. Qu’importe, le son est fulgurant. Il suscite un résultat époustouflant et une intensité émotionnelle à son comble. Dummy transcende le genre naissant et ouvre au tout public, une voie de choix pour la découverte de l’éphémère courant Trip-Hop déjà bien amorcée par Massive Attack depuis 1991.
Auguste Marshal
[…] Portishead : Glory Box et l’album Dummy […]