Phantom of the Paradise : un chef d’oeuvre intemporel

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Certaines injustices donnent parfois naissance aux plus grandes créations. Phantom of the Paradise, fruit du travail de Brian De Palma et de Paul Williams, en est une belle illustration. Il est sorti sur les écrans américains le 31 octobre 1974 à l’occasion d’Halloween.

Phantom of the Paradise fête aujourd’hui ses 50 ans d’existence…

A la fin des années 60, Brian De Palma fait partie d’une génération de jeunes cinéastes enfants de la nouvelle vague comme Martin Scorsese et Francis Ford Coppola . Il se fait un nom avec la comédie satyrique “Greetings”, film indépendant sorti en 1968 mettant en scène le jeune et débutant Robert De Niro. Ses talents attirent l’attention d’Hollywood, et la Warner l’engage pour le tournage d’une autre comédie, “Get to know your Rabbit”.

tournage du film
Brian De Palma

Une histoire de propriété intellectuelle

Jeune réalisateur, il bataille auprès de la production pour imposer ses idées, et notamment, faire admettre au casting le vieillissant Orson Welles. Pour ne rien arranger, on lui impose en vedette un acteur de série très populaire à l’époque. Malgré l’implication du réalisateur, ce dernier est remercié avant la fin du tournage. Ayant le sentiment de s’être fait déposséder de son oeuvre, De palma vit la chose comme un véritable traumatisme. Cette expérience douloureuse va avoir une influence considérable sur le futur scénario de Phantom of the Paradise

L’histoire raconte les mésaventures d’un compositeur, Winslow Leach, dont le talent n’a d’égal que son physique ingrat. Auteur d’une cantate folk, il se rend chez Death Records afin de signer un contrat d’exclusivité. Il y fait la connaissance de Phoenix, chanteuse au timbre de velours dont il s’éprend. Mais le patron de Death Records, le mystérieux Swan, ancienne icône pop, règne désormais sur l’industrie musicale. Tel un roi soleil, tyrannique et vaniteux. Sans scrupules, il décide de voler la musique de Winslow, et s’arrange pour le faire enfermer. Swan souhaite s’en servir pour accompagner son ultime création, le Paradise, le suprême palace rock. Winslow parvient à s’échapper. Défiguré, il dissimule son visage derrière un masque, et revient semer la terreur dans le Paradise…

Comme le précise la voix du narrateur dans la scène d’ouverture du film :

« Ce film est l’histoire de la quête de cette musique, de celui qui l’a créé, de celle qui l’a chantée… et du monstre qui l’a volée ! »

Paul Williams – Goodbye Eddie Goodbye ( par les Juicy Fruits)

Comme c’est le cas pour d’autres films du cinéaste (Pulsions, Blow Out, Body Double) les clins d’oeil à son maître Alfred Hitchcock sont nombreux. Le premier dans la scène d’ouverture (images psyché façon Sueurs Froides). Le second au milieu du film (attaque dans la douche façon Psychose). Et le troisième dans le final (meurtre filmé façon L’homme qui en savait trop).

Au niveau du scénario, même si les références sont clinquantes, c’est un véritable pastiche qui d’ordinaire sied parfaitement à un film de série B. De Palma s’inspire en grande partie du Faust de Goethe, et du Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux. Mais on retrouve également des traces du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, et du Frankenstein de Mary Shelley, dans une version hard-rock…

Ray Kennedy – Life at Last

Nous sommes en 1974, et l’industrie du rock est florissante. Elle vient d’enterrer le rêve hippie sous une tonne de surproductions et de shows dantesques où le visuel occupe une place toujours plus importante. Un business qui ne fait pas grand cas de la propriété intellectuelle et des droits d’auteurs. Autant de thèmes que souhaite développer De palma au coeur d’une tragédie exaltant le rock, et flirtant avec le surnaturelle. Un projet ambitieux, dans lequel la musique de Paul Williams va jouer un grand rôle. Tout comme ses talents de comédiens…

Paul Williams – Faust

Un film musical et une bande-son inoubliable

A cette époque, Paul Williams est alors l’auteur de trois albums de pop-folk, et de nombreuses contributions (Monkees, Streisand, Bowie). En tant qu’acteur, il figure dans deux films, La poursuite Impitoyable, et La Bataille de la Planète des Singes. Très remarqué pour son rôle de Virgil dans ce dernier, il ignore qu’il va devenir le maléfique Swan pour plusieurs générations de fans…

En effet, tout bon thriller ou film d’épouvante comporte un “méchant” de grande classe. C’est le cas de Swan, petit bonhomme effrayant au sourire mutin, personnage fourbe et impitoyable inspiré par le producteur Phil Spector. Une prestation exceptionnelle de Paul Williams, moins encore que la partition écrite pour le film…

« Il y avait quelque chose de complètement fou à l’idée de composer des chansons en se disant que les personnages du film devaient les trouver assez bonnes pour s’entre-tuer afin de les obtenir »

Paul Williams – The Hell of it

Car c’est bien le nerf de Phantom of the Paradise. La musique ! Que ce soit la caméra virtuose du cinéaste, la présence magnétique de Paul Williams, ou la voix envoûtante de Jessica Harper, tous servent la musique de ce film au rythme imparable. Ici, les titres ne sont jamais écourtés et constituent des scènes majeures du film. D’ailleurs, l’essentiel de l’histoire se déroule entre la scène, et les coulisses…

Jessica Harper – Old Souls

Et malgré leurs différences, c’est bien leur passion commune pour la musique qui va finir par unir, puis dévorer les trois protagonistes. Cette musique est intégralement composée, et en bonne partie interprétée par Paul Williams. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au milieu d’une discographie honnête mais souvent inégale, la bande originale de ce film est son chef d’œuvre absolu.

Paul Williams – Phantom’s theme

Bien que le narrateur de la scène d’ouverture soit le grand Rod Serling ( The Twilight Zone – La Quatrième Dimension), que le film ait été primé au festival d’Avoriaz, et que son appartenance au genre Fantastique soit indéniable, Phantom of the Paradise est plus proche d’une tragédie grecque à la sauce glam-rock que d’un film axé sur le paranormal. Un peu comme ce titre qui puise autant dans l’impressionnisme allemand, que dans les shows du groupe Kiss

Harold Oblong/ The Undead – Somebody Super Like you

A l’instar de West Side Story, l’amour, la mort et la trahison occupent une place importante dans le film. Ils font de lui, non seulement le premier du genre rock, mais aussi un modèle pour des cinéastes, et des musiciens en devenir. Comme son successeur The Rocky Horror Picture Show, sorti un an plus tard, il est fréquemment rejoué dans les salles de cinéma, mimé par des fans costumés, entretenant la légende du pauvre Winslow, de la belle Phoenix, et du maléfique Swan.

Serge Debono

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