La symphonie des brigands (1936)

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L’un des chefs-d’œuvre inconnus de l’histoire du cinéma !

Invisible depuis 1952… à quand un DVD avec les deux versions ?

 

La Symphonie des brigands
La Symphonie des brigands

Car il en existe deux versions, une anglaise, une française, avec de notables différences. Il faut vraiment être collectionneur mordu pour posséder les deux ; dès lors on se régale à remarquer les différences de l’une à l’autre, notamment cette scène de danse complètement hallucinée. Dans le VF elle ne fait que 3’18 » contre 4’53 » dans la VO (VOUS POUVEZ COMPARER!).

Synopsis

Dans les années 30, un trio de chanteurs ambulants composé du petit Gianinno, de sa mère et de son grand-père, accompagnés d’un funambule et de musiciens (les Dupont – Dupond de service !), arrivent dans un village d’Europe Centrale. L’auberge du village est tenue par un homme étrange, l’une de ses clientes est une cartomancienne réputée pour son avarice. Au cours d’un incendie, la cartomancienne se fait lui dérober son magot et porte plainte en laissant entendre que le voleur est le petit Gianinno. Celui-ci s’enfui durant la nuit avec son orgue de Barbarie et son âne. Le vrai voleur, un certain « Diable Noir », ayant caché le butin à l’intérieur du piano du jeune garçon, se lance à sa poursuite à travers les Alpes…

Deux rôles sont accordés, dans la version française, à Alexandre RIGNAULT et à Françoise ROSAY (comparez les versions).
Mélange d’opérette, de conte pour enfants, de pochade burlesque, d’esthétique expressionniste et de comédie viennoise, LA SYMPHONIE DES BRIGANDS fut un échec commercial à sa sortie, avant de devenir culte. Michael Powell fut tellement impressionné par la méthode de Friedrich Feher qui composa la musique avant de bâtir le film dessus qu’il s’en inspira pour créer LES CONTES D’HOFFMANN (1951).

Présenté dans sa version anglaise, il fut sélectionné au Festival de Venise 1936. Il n’obtint pas la « Mussolini Cup » (l’ancêtre du Lion d’or entre 1934 et 1942) pour le meilleur film étranger (Duvivier l’a reçu en 1937 pour Carnet de bal) mais bénéficia d’une mention spéciale du jury ; le film fut quelque temps considéré comme perdu : le négatif aurait été détruit lors d’un bombardement de Londres en 1943. Une copie fut plus tard refaite aux Pays-Bas, avec des sous-titres hollandais.

Carl Vincent écrit :

« C’est une œuvre très originale et personnelle. Et, chose extrêmement rare, Feher en fut vraiment le seul auteur. Il imagina, non seulement le thème, mais il composa encore la musique d’accompagnement qui fait si bien corps avec lui, et il mit en scène les aventures burlesques, féeriques et plaisamment fantaisistes des musiciens ambulants, des bandits mélomanes et de la mégère travaillée par l’amour de l’or qui en sont les héros. Une curieuse atmosphère enveloppe ces aventures : le décor composé et, à certains moments, presque expressionniste, y voisine avec le décor naturel : la montagne, la forêt. Dans leurs enchaînements se succèdent des effets comiques originaux, une pure poésie, une observation rejoignant parfois l’outrance et des trouvailles à travers lesquelles le mystère se double d’une inspiration débridée. »

« La Symphonie des brigands paraît née d’une imagination en proie au rêve. Elle commence par une sorte d’ouverture lyrique dans laquelle naissent les principaux thèmes musicaux. Cette aventure est jouée par des bandits mélomanes groupés à l’avant-plan d’un paysage de montagnes et tous affublés du même petit chapeau rond. Toutes les tendances de l’ouvrage sont en puissance dans ces détails. L’intrigue se noue alors par les voies du mystère, puis se développe dans la fantaisie musicale, puis dans la fantaisie purement cinématographique. À plus d’un moment, la musique est le seul langage par lequel s’expriment les acteurs. Parfois les deux fantaisies se rejoignent et l’on se trouve devant un accent neuf dans lequel on ne sait ce qu’il faut admirer le plus : l’imagination, la poésie burlesque, l’originalité ou l’étonnante réussite de leur dosage ».

« Les morceaux de valeur abondent. C’est tantôt le rassemblement des pianos mécaniques, tirés par des ânes récalcitrants et leur périple échevelé, puis leur ensevelissement dans les chemins neigeux de montagne. C’est tantôt le solo ironique dans le silence de la forêt d’un piano enseveli, invisible, ou bien enfin la symphonie moqueuse de l’ensemble des pianos, mystérieuse symphonie qui ouvre les portes du domaine de plaisants sortilèges. C’est grâce à ce film de Feher que l’école anglaise a, elle aussi, son œuvre de folie généreuse et inspirée, de cette folie si proche de l’imagination poétique ».

Henri Colpi  écrit :

« Les premières images de ce film étrange tourné à Londres en 1936 présentaient un orchestre insolite : les exécutants étaient accoutrés à la manière de brigands endimanchés issus en droite ligne de la tradition des clowns anglais, frac élimé, haut de forme, mines patibulaires. Les timbales débutent, les divers instruments s’agglutinent et, lorsque éclate le thème principal, le générique de The Robber Symphony s’inscrit sur l’écran. La Symphonie des brigands contait une histoire d’enfant, la poursuite d’un magot caché dans un piano mécanique, avec intervention de brigands et d’un bon génie. Le ton rappelait la manière de l’avant-garde, la fantaisie le disputait à la cocasserie, le traitement voulait que le dialogue fût pratiquement inexistant. La partition couvre la presque totalité de la bande. Il s’agit somme toute d’images montées sur la musique ».

Permettez-nous de n’être plus, ensuite, d’accord avec Colpi qui écrit : « Assurément, Friedrich Feher n’est pas un compositeur de premier ordre et il n’y a rien de tellement symphonique dans sa symphonie axée sur deux motifs agréables à l’oreille, surtout Patria, celui affecté au piano et pourvu de couplets ».
Heureusement il se ravise, terminant par : « Il n’empêche que la tentative était originale d’écrire une partition et de tourner ensuite les images adéquates. La Symphonie des brigands est un des rares longs métrages qui s’apparente au dessin animé ».

Le film sort à Paris en 1937

Le public est désorienté – comme il venait de l’être avec Drôle de drame -, les critiques sont partagés.

Les uns contre : « prétentieux, ennuyeux, vaseux… réalisé par M. Feyder » ; « Une farce d’atelier qui se prolongerait exagérément, que son auteur aurait prise au sérieux… De la musique filmée… un pensum » (Georges Champeaux)
D’autres sont pour : « Une espèce de conte musical, poétique, décousu, burlesque et dansant… étrange, burlesque, un peu absurde, à la façon d’un rêve ou d’une légende, pleine d’animation et d’inventions… le goût de l’invention gratuite de certains films surréalistes » (Pierre Bost).

Repris en 1952 au Studio 28,mêmes avis partagés !

Contre : « Surestimé… caligarisme bon marché » (Lotte Eisner) ; « Symphonie ratée… la mayonnaise n’est pas prise… le point faible de ce film, c’est assurément sa mise en scène confuse, brouillonne, jamais rythmée et surtout, c’est plus grave, lestée de fautes de goût qui mettent du plomb dans l’aile de la poésie » (André Bazin).

Pour : « On songe à L’Opéra de quat’ sous. Mais aussi aux meilleurs Chaplin… Une poésie au plus haut point désorientante, comme dirait André Breton » (Claude Mauriac) ; « Une poésie merveilleusement pure et cependant parfaitement charnelle, terrestre… Une poésie incarnée ». (Paule Sengissen) ; « C’est un paradis hoffmannesque, avec des nuits étoilées et, malgré tout, lugubres, des cauchemars, un Père Noël hilare, la hotte des jouets, la barbe blanche comme un linceul – bref le domaine du délire onirique qui est aussi, à certains moments, celui de l’enfance ». (Pol Vandromme).

 

 

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