1939 : Les aveux d’un espion nazi

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1939 : Les aveux d’un espion nazi – Un dangereux tournage

Anatol LITVAK risqua sa peau

En 1939 fut publié un article terrifiant qui mérite d’être reproduit aujourd’hui dans son intégralité :

ANATOL LITVAK
ANATOL LITVAK

Dans les studios de Hollywood, des agents hitlériens ont semé la terreur

PENDANT des mois, la croix gammée a semé la terreur en Amérique, comme elle la jette en Europe, où cette svastika est devenue le symbole d’une nation vaincue, lisons-nous dans Picture Play. Des milliers de fois vous vous êtes peut-être agenouillés pour remercier le Ciel de vivre en un pays libre où de telles choses ne pouvaient pas arriver. Et pourtant, c’est en plein coeur de Hollywood que le second règne de terreur a eu lieu, dès qu’une maison de production a commencé de tourner le film dévoilant les activités des espions allemands dans notre propre pays.

Qui dirigerait le film? Qui aurait le courage d’y tenir un rôle? Chaque acteur à qui une place dans le film était offerte savait ce qu’il risquait: non seulement sa propre vie et sa carrière, mais la vie de ceux qui lui étaient chers.

Ceci vous semble un peu fort de café? Certainement vous pensez que j’exagère, et pourtant voici des faits aisément contrôlables qui se sont produits pendant les prises de vues de cette œuvre:
De prime abord, le consul d’Allemagne protesta à l’office de la censure. Si on réalisait le film, le gouvernement allemand riposterait… Mais on refusa de se laisser intimider.
Ensuite, on fut obligé de filtrer minutieusement la figuration, des enquêtes furent faites soigneusement afin d’éviter que le moindre extra soit un espion nazi.

LES AVEUX d'un espion nazi
LES AVEUX d’un espion nazi

Du jour où le film commença, on interdit à tout visiteur de pénétrer sur le set. Myriam Hopkins elle-même, femme du metteur en scène Anatol Litvak, fut obligée de l’attendre dehors.

Malgré toutes ces précautions et la présence de policiers en civil et de trois détectives surveillant le set, des choses inquiétantes se produisirent :
– un portrait de Hitler, qui devait être vu dans le film, fut trouvé un matin complètement lacéré, bien qu’il ait été soigneusement emballé, et personne ne put trouver l’auteur de ce méfait.

– des menaces et des symboles nazis furent reçus par tout le monde, pour ainsi dire.
– Edward G. Robinson, qui joue le rôle de Léon Turrou, le G. man qui arrêta la bande des espions nazis (et qui écrivit aussi le livre sur lequel est basé le film) trouva dans son chapeau une grosse croix gammée, de même qu’Anatol Litvak et les principaux acteurs.
– Environ 60 % des membres de la distribution étaient d’origine allemande et reçurent des lettres menaçant les membres de leur famille résidant en Allemagne.

espion nazi
Les aveux d’un espion nazi

– Un jour Litvak reçut une menace des nazis écrite sur un mémo de la direction et apportée par un garçon de bureau dans une innocente enveloppe ! On pensa qu’un visiteur avait pu pénétrer dans les bureaux ou qu’un espion travaillait dans lesdits bureaux.

Litvak annonça à tous les extras et petits rôles que s’ils voulaient lâcher le film, en raison de la possibilité des représailles, ils pouvaient le faire librement sans qu’on retînt cela contre eux dans l’avenir.
Tous refusèrent, sauf un… Mais lui, c’était pour une cause différente. Il devait, jouant le rôle d’un membre de l’équipage d’un bateau transatlantique allemand, saluer Hitler «à la nazi», en criant : «Heil Hitler!».

Cet acteur, nommé Horace Brown, cornélien comme son prénom, quitta le studio en disant:
—« Que je sois damné si je salue ce… même si c’est du cinéma ».
Ce fut donc le seul qui abandonna son rôle, et l’on ne peut guère dire que ce fut par peur de ses opinions.

LES AVEUX d'un espion nazi
LES AVEUX d’un espion nazi

Une douzaine d’acteurs tenant des rôles secondaires demandèrent à vivre au studio pendant le film, ce qui fut accordé. Pas un seul ne quitta le studio pendant la durée de la prise de vues. Malgré toutes les précautions, cependant, il y eut des «accidents» qui manquèrent de peu d’avoir de tragiques suites. Un énorme amplificateur tomba un jour à quelques centimètres à peine de la tête de Robinson, et l’on s’aperçut que son bras d’accrochage avait été scié. En tombant sur un bureau d’acajou devant lequel était assis Robinson, il fendit en deux ce lourd bureau. Tout cela parce que les autorités n’avaient pas pensé à faire garder le set pendant les heures du déjeuner ! Après cela, Robinson garda quand même le sourire, mais il avait une telle peur pour son fils qu’il avait une garde spéciale à la maison et aussi des gardes du corps pour l’accompagner quand il sortait. Il ne voulait même pas qu’on prenne de nouvelles photos du petit, ni qu’on en reproduise d’anciennes.

Robinson avait des raisons personnelles pour vouloir jouer dans le film.

Il a connu, étant enfant, la terreur qui traque les juifs dans les pays nazis aujourd’hui. En Roumanie, quand il y avait des pogroms, il se cachait, effrayé pendant que les ennemis des juifs lapidaient ses fenêtres en passant devant la maison de ses parents.
Francis Lederer, qui joue un des espions principaux, est depuis des années un des plus grands champions du pacifisme mondial. En fait, il abandonne plutôt le cinéma, ne faisant que très peu de films l’an dernier pour se consacrer à son activité de pacifiste militant. Etant Tchèque lui-même, quand il sut qu’il pourrait démasquer le nazisme dans ce film, il n’eut de cesse d’obtenir un rôle.

Celia Sibelius

De nombreux autres acteurs, comme Celia Sibelius, se firent inscrire au générique sous de faux noms. Elle demanda même au maquilleur de lui camoufler les traits le plus possible pour éviter d’être reconnue sur l’écran.
L’acteur qui joue le rôle de Goebbels et qui lui ressemble comme un frère jumeau, à peu de chose près, se fit inscrire sous le nom de Varec Yoshkin, mais ce n’était pas son vrai nom, seulement il a encore des parents et des amis au pays de Hitler et il ne voulait pas les mettre en danger.

Ferdinand, le fils de Mme Schumann-Heink, qui joue le rôle d’un comptable du paquebot allemand, refusa de se laisser intimider par les menaces délivrés contre le restant de sa famille demeurée en Allemagne.

Même aujourd’hui que le film est terminé, ceux qui y ont eu un rôle sont tout de même inquiets. Ils se demandent quelle pourrait bien être la forme des représailles nazies. Et ceux qui ont des liens en Allemagne tremblent pour leurs êtres chers.
Mais Hollywood a risqué ce règne de terreur en Californie dans l’espoir que cela pourrait éviter à l’Amérique d’être soumise à la terreur et des dangers plus grands encore, tels que ceux qui nous entoureraient tous si les agents nazis et les espions hitlériens réussissaient jamais à planter en Amérique le symbole de la svastika.

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