Iggy et Bowie – Récit d’un live historique – 13 Mars 1977
Iggy Pop et David Bowie… laissez moi vous raconter un concert historique. Car si je ne m’abuse, c’était la 1ère visite d’Iggy Pop à Montréal. Vous pouvez être sûr que ce show était attendu par les quelques punks garage rockers que la ville comptait à cette époque! C’était encore le prog et le jazz rock qui régnaient en maître sur le Québec en ce temps là. Depuis le glitter rock des années 72-73, ceux qui écoutaient les Stooges, le Velvet, New York Dolls, T-Rex, Bowie, Roxy Music, The Sweet etc. Ceux-là étaient classés comme des idiots. Et ceux qui s’habillaient glam, on les traitait de FAG, de fifi, des demeurés pas très peace… Voyez le topo?
La vague Punk
Et voilà qu’en pleine vague disco, surgissent les punks: Ramones, Jam, Clash, Stranglers, Damned, Dead Boys, Saints, etc. Les bâtards des deux accords comme on se faisait appeler… Des fous furieux qui étaient une insulte à la « vraie » musique. On était à peine quelques centaines de sauvages, méprisés et ridiculisés, des « Taches » quoi… 😉
Iggy Pop David Bowie – The Idiot
Comment décrire l’effet que l’album The Idiot a eu sur moi? J’ai adoré ce chef d’oeuvre, cette musique du réel underground comme les textes géniaux d’Iggy. Tous mes ami-es pensaient que je faisais une sévère dépression, que j’avais perdu la boule. Moi je trippais full! C’était tellement connecté avec le présent et même le (no) futur à venir. Comment les gens pouvaient ne pas « voir » ou ressentir l’ambiance de cette pépite irradiante? J’aimais déjà les Stooges mais là, Iggy et Bowie élevaient le débat à un autre niveau. Celui de la mystérieuse « steam » sous pression, qui fuit des tuyaux surchargés en sifflant, qui nous pète en pleine face, comme David Lynch avec Eraserhead…
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David Bowie sur scène… rumeurs!
On avait entendu les rumeurs. David Bowie devait accompagner Iggy pour la tournée en Europe. Mais allait-t-il faire le voyage en Amérique, au Canada? On était tous fébrile. D’autant plus que Bowie était déjà une énorme star ici à cette époque, qui attirait des dizaines de milliers de fans à ses concerts.
Alors nous n’étions qu’à peine 300-400 excités qui se sont pointés à l’auditorium du Plateau, au centre d’un des plus beaux parc de Montréal, appréhendant quel genre « d’évènement » nous allions assister…
Blondie en ouverture
C’est Blondie qui a ouvert le bal. Le poster n’annonçait pas de première partie, donc on ne savait pas qui chaufferait la salle en ouverture. Nous n’avons pas été déçus. Le groupe était dans une forme splendide! Debbie, belle, sexy pas possible, affriolante dans sa petite jupe, nous faisait saliver avec ses can-cans de jambes en l’air. Le band rockait solide. Wow la soirée décollait en trombe! La seule autre chanteuse que j’ai vu faire rugir les mâles autant qu’elle dans un concert, c’est Muriel Moreno avec Niagara, vingt ans plus tard.
Wow, la barre était déjà assez haute pour la suite. On était bien « énervés » comme on dit dans la belle province. Que nous réservait ce nouvel Iggy, sans les Stooges, 4 ans après Raw Power, des séjours en institutions, suivi de ce voyage désintox avec David dans le Trans Europe Express jusqu’à Berlin…?
Iggy Pop David Bowie – L’iguane en folie
Une prestation époustouflante de l’iguane en contorsion qui laissa plus d’un des membres de l’auditoire sidéré! L’entrée de Ricky Gardiner aux guitares, des frères Sales à la basse et batterie, et OUI, Bowie au piano et back vocals, assis à l’avant scène côté droit, qui fumait ses Gitanes l’une derrière l’autre, fut magistrale. Le voir si près, si relax et enjoué d’être là, comme simple musicien, humblement, sans jouer à la vedette, c’était vraiment cool! On a tout de suite eu une pensée pour tous les gens qui manquaient ça ce soir…
Les Frères Sales
Un mot sur les frères Sales. Je jubilais déjà de voir Hunt à la batterie, que je connaissais par sa participation au groupe Paris avec Glen Cornick à la basse et Bob Welch à la guitare et chant, qui venait de quiter Fleetwood Mac. J’aimais bien leurs deux albums, surtout Big Town 2061, au son très funky-future qui annonçait la new wave à venir… Un super drummer, qui rock solide mais qui peut être aussi très funky. Je voyais pour la première fois son frère Tony qui non seulement triturait la basse avec un son d’enfer mais avait un look à faire mouiller les filles dans la place! Vêtu d’une chemise blanche avec une veste rouge, le collet relevé, il avait l’air d’un comte Dracula full charmeur à qui toute milady aurait généreusement offert son cou innocent… Non seulement le band.
Iggy Pop David Bowie – Une complicité qui crevait la scène
La claque qu’on s’est pris ce jour là. Iggy entre ensuite, plus en forme qu’un kid, surexcité, l’immense sourire aux lèvres. Il est complètement dingue ce gars! Tellement fun! Sa complicité avec Bowie crevait la scène! Deux larrons en totale foire qui se paient la traite! Le plaisir du groupe sur scène est d’une intensité que j’ai rarement vue en concert.
Iggy chante bien, j’adore sa voix et sa présence. Il nous regarde dans les yeux, il nous toise de haut en bas. Il est totalement avec son public, le provoque pour l’amuser, prend un plaisir sur scène qui donne plaisir à voir. C’est un des meilleurs entertainer que j’ai vu. Il semble être fou à lier et pourtant c’est un pro avec qui tu ne t’ennuies pas une seconde. Il sort toutes ses pitreries, saute haut dans les airs pour retomber sur ses genoux, monte dans les poteaux d’éclairage qui tanguent au dessus de Bowie, qui rock son piano et qui se marre d’aplomb! Quel spectacle! Tellement généreux pour ces 300 aficionados en délire qui n’en reviennent tout simplement pas, qui n’ont jamais vu un tel huluberlu de leur vie de rockers!
Les membres de Blondie étaient dans la salle. Des fans de rock’n’roll en admiration… subjugués, tout comme nous. Un souvenir que nous chérirons longtemps, et dont nous seront toujours hyper fiers.
Quelques mois plus tard, sans Bowie ni Gardener
Iggy est revenu quelques mois plus tard, sans Bowie ni Gardener. Il jouait toujours avec les frères Sales et en plus Brian James des Damned à la 6 cordes, ce qui ne semblait guère plaire à Iggy… C’est cette fois là, les Ramones dont c’était la première venue à Montréal, assurèrent la première partie. Encore là, soirée mémorable. Quel groupe incroyable les Ramones à cette époque! 40 chansons en 1 heure! Le mur de son, c’était géant!
Comment expliquer aux jeunes d’aujourd’hui l’ambiance et la puissance de cette culture à l’époque? Cette fébrilité communicative, ce sentiment d’être là, ensemble, au bon moment, en synchronicité parfaite avec l’histoire! Nous sommes des privilégiés d’avoir pu vivre et participer à une de ces merveilleuses pages de l’âge d’or du rock!
Alain Karon
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