It’s All Over Now, Baby Blue, la graine fertile de Bob Dylan

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Une grande composition, et 60 ans de reprises

A l’image de nombreux standards écrits de sa main, It’s All Over Now, Baby Blue, titre somptueux de Bob Dylan, fut popularisé par d’autres. Cette graine fertile semée par le Pape de Greenwich Village, fête ses 60 ans.

It's all over now

© Val Wilmer

Et il n’y a pas plus dylanesque que It’s all over now baby blue. Pour commencer, ce titre publié en mars 1965 sur l’album Bringing it all Back Home n’a pas connu la gloire du single.

De plus, son instrumental épuré, guitare folk et harmonica (à peine surmonté d’une ligne de basse), est dans la droite lignée des productions de Bob Dylan.

.“The empty handed painter from your streets
Le peintre aux mains vides de tes rues
Is drawing crazy patterns on your sheets
Dessine des motifs fous sur tes draps
The sky too, is fallin’ over you
Le ciel aussi te tombe dessus
It’s all over now, baby blue”
Et c’est fini maintenant, bébé bleue

Comme souvent avec Dylan, le texte est codé, mais on comprend qu’il formule un conseil que l’on devine bienveillant. S’il fallait encore le démontrer, la mélodie qui l’accompagne sur les couplets, pour ensuite atteindre une divine mélancolie, presque inquiétante sur le refrain, constitue à elle-seule, la preuve d’un immense talent de compositeur.

Bob Dylan – It’s All Over Now, Baby Blue (1965)

Un élément secondaire venant grandir le morceau réside dans le mystère entourant le personnage de Baby Blue, qui a suscité bien des rumeurs chez les fans. Comme ce fut le cas un an plus tôt avec le titre It Ain’t Me Babe, certains aiment à penser que le texte évoque la fin imminente de la relation entre Joan Baez et Bob Dylan. Hypothèse peu probable, leur histoire non officielle s’étant écrite en pointillés, au fil des ans. La même année, la chanteuse new-yorkaise a d’ailleurs repris le titre sur son propre album.

Joan Baez – It’s All Over Now, Baby Blue (1965)

D’autres évoquent ses amis, le folk-singer David Blue, ou encore Paul Clayton et sa dépendance aux amphétamines. Certains critiques avancent l’idée que le texte serait destiné au public folk de Dylan, qui à l’époque, l’accuse d’avoir cédé aux sirènes du rock et de la gloire. D’autres penchent plutôt pour un dédoublement de personnalité, où le nouveau Dylan, rock et cynique, adresse le message à l’ancien Dylan, folk et contestataire : “It’s all over now ! (Maintenant c’est terminé !)”. Au final, toujours aussi énigmatique, voici ce que le Zim a accepté de révéler :

« J’avais cette chanson dans la tête depuis longtemps et je me souviens qu’en l’écrivant, je m’étais souvenu d’une chanson de Gene Vincent. Une de mes préférées, “Baby Blue”. ’Quand j’ai rencontré mon bébé pour la première fois/elle m’a dit comment vas-tu/elle m’a regardé dans les yeux et a dit/je m’appelle Baby Blue.’ C’était l’une des chansons que je chantais au lycée.”

Gene Vincent – Baby Blue

De nos jours, compte tenu de son aura, on pourrait penser qu’il en a toujours été ainsi pour Bob Dylan. Mais au cœur des années 60, hormis les artistes et certains critiques, ils étaient nombreux à considérer ses compositions comme une œuvre inaudible et incompréhensible. Dans ce contexte, les Byrds ont souvent servi de décodeur.
Il serait bien injuste de les réduire à un tribute band, néanmoins, sans leurs nombreuses et excellentes reprises, Bob Dylan n’aurait jamais été adoubé comme il le fut durant les sixties.

The Byrds – It’s All Over Now, Baby Blue (1965)

Van Morrison raconte comment il a découvert Bob Dylan…

“Il me semble avoir entendu son deuxième album chez un disquaire de Smith Street. Je trouvais ça incroyable que le gars vende des disques au mois de juin, sans chanter des trucs sur la lune ou le temps, et tous les sujets habituels de la pop musique. Cela ouvrait le truc.”

Lorsqu’il entend It’s All Over Now, Baby Blue pour la première fois, l’irlandais fait encore partie du groupe Them. En froid avec son label, il tourne en solo dans les clubs, et inclut le titre à son répertoire. Il devient une véritable obsession et sera finalement inclus sur l’album Them Again.

Il faut dire que le niveau de la reprise atteint des sommets. Le groupe Them en fait une ballade hypnotique façon Stones, dans laquelle une guitare et des claviers tournoyants soutiennent le chant habité de Van Morrison. Une version qui connaît un énorme succès auprès des groupes garages de la côte ouest américaine.

Them – It’s All Over Now, Baby Blue (1966)

Comme les californiens de The Chocolate Watchband. Le groupe de Mark Loomis, très influencé par les Rolling Stones, publie une version plus inspirée par Them que par Dylan. Le son rock sixties et la voix éraillée en font une reprise touchante, et particulièrement réussie.

The Chocolate Watchband – It’s All Over Now, Baby Blue (1968)

Les texans du 13th Floor Elevators en livre une reprise dont les sonorités oscillent entre le blues psyché et le surf rock. La production n’est pas aussi léchée que pour Them, mais la voix de Roky Erickson fournit son lot d’émotions…

13th Floor Elevators – It’s All Over Now, Baby Blue (1968)

En 1971, Marianne Faithfull en livre une version bluesy aux accents désespérés, qui ne verra le jour que 14 ans plus tard…

Marianne Faithfull – It’s All Over Now, Baby Blue (1971)

Les premiers singles de Manfred Mann Earth Band avaient été publiés en 1968. Et l’une des premières réussites des sud-africains se nommait The Mighty Quinn, un titre inédit de Bob Dylan.

Cinq ans plus tard, le claviériste Manfred Lubowitz embarque à nouveau sa troupe sur les traces du Zim…

Manfred Mann Earth Band – It’s All Over Now, Baby Blue (1973)

En 1977, alors que le punk-rock et le disco éclipsent toute velléité d’emprunter des chemins de traverse, The Animals tentent une improbable reformation et publient l’album Before We Were So Rudely Interrupted. Mauvais timing pour un opus de reprises très honorable.

The Animals – It’s All Over Now, Baby Blue (1977)

Alternant carrière solo et formations diverses (The Marbles, Rainbow, Alcatrazz), le chanteur anglais Graham Bonnet rencontre le succès en 1977, en Australie, avec cette reprise “framptonienne” de It’s All Over Now, Baby Blue

Graham Bonnet – It’s All Over Now, Baby Blue (1977)

Il faut toujours un courageux, pour venir déglinguer l’intouchable, le sacré. Contre toute attente, c’est Link Wray, pionnier des guitar-hero et du power chord, qui se charge de la besogne. Sans doute influencé par la vague punk, il amplifie la pointe de mépris déjà présente dans le titre, pour en faire un rock énergique et agressif. En bon soliste, il s’éternise un peu sur le final, mais c’est le privilège des légendes…

Link Wray – It’s All Over Now, Baby Blue (1979)

En 1983, le grand Jerry Garcia et le Grateful Dead font dans la simplicité, et ça fait du bien. Le titre devient une ballade aux accents country, enivrante, comme les petits soli du guitar-héro ponctuant le refrain…

Grateful Dead – It’s All Over Now, Baby Blue (1983)

Autant la version studio du groupe Echo & The Bunnymen peut sembler morne et trop sage, autant cette version live possède une élégance chevrotante du plus bel effet. Ian McCulloch dans un grand soir…

Echo & The Bunnymen – It’s All Over Now, Baby Blue (1985)

En 1998, la reprise du groupe Hole a le mérite de réactualiser celle de Them et son motif hypnotique. Tout cela sous des airs gentiment grungy…

Hole – It’s All Over Now, Baby Blue (1998)

Véritable ambassadrice du répertoire de la chanson américaine, Bonnie Raitt et ses talents de guitariste livrent une version du titre pour la bande originale du film Steal This Movie (biopic consacré à l’activiste Abbie Hoffman).

Bonnie Raitt (2000)

Deux ans plus tard, sur un tempo plus relevé, Bryan Ferry passe une couche de peinture fraîche sur ce standard. L’éternel dandy s’en sort plus que bien…

Bryan Ferry (2002)

Charlyn Marie “Chan” Marshall, plus sous connue sous le nom de Cat Power, a consacré tout un concert aux reprises de Bob Dylan. Son style épuré et sa grande sensibilité d’interprétation ramènent à des artistes comme Nick Drake… ou Bob Dylan !

Cat Power (2023)

On peut voir Bob Dylan comme le père spirituel des sixties. Ou bien comme celui ayant doté le rock d’un cerveau. Une chose est certaine, tel un barde semant des graines fertiles sur son chemin, il a contribué à nourrir l’histoire de la musique par le biais d’une quarantaine de titres incontournables. Stimulant au passage la plume de ses contemporains, comme personne ne l’avait fait jusque-là. En 1965, Bob Dylan chantait « c’est terminé maintenant », pourtant, il n’était encore qu’aux prémices de sa légende.

Serge Debono

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