La légende méconnue d’un artisan du rock
Steve Conte est un cador du rock ayant grandi dans l’ombre de Michael Monroe, des groupes New York Dolls, Company of Wolves, Crown Jewel, et d’une multitude de collaborations. La publication de Concrete Jangle, son dernier album, rappelle qu’une trajectoire atypique est souvent truffée de trésors insoupçonnables.
L’esprit rock est un concept mal défini que l’on a tendance à associer à des figures autodestructrices. L’un n’empêche pas l’autre, mais l’essence de cette expression réside surtout dans une propension à agir librement. Pas de plan de carrière, ni d’image travaillée, juste du style et l’envie de créer, peu importe le nombre d’auditeurs. Voilà pourquoi, l’esprit rock s’éteint souvent avec la célébrité.
Steve Conte a conservé le sien, et n’a rien perdu de son talent. Un compositeur d’hymnes rock ne devrait jamais rester dans l’ombre. Surtout lorsqu’il reçoit le concours de Andy Partridge (XTC), et le soutien dans les chœurs de Glen Matlock (Sex Pistols), Ian Hunter (Mott The Hoople), Danko Jones, et tant d’autres venus célébrer le rock’n’roll…
Steve Conte – We Like it
Comme un certain Bruce Springsteen, l’âme de rocker de Steve Conte a vu le jour dans le New Jersey. Au sein d’une famille d’origine italienne. Fils d’une chanteuse de jazz (Rosemary Conte), il démarre la batterie à sept ans. Avant de s’initier à la la guitare avec son frère. Ce dernier opte finalement pour la basse. Rapidement, les deux garçons enregistrent leur premier album dans le salon familial. Steve tient les rôles de batteur, chanteur, guitariste et producteur. Par ailleurs, il accompagne fréquemment sa mère dans ses tournées. Inscrit à la Rutgers University, il en sort avec un diplôme en guitare-jazz, et file en direction de New York, pour vivre de sa passion.
Dotée d’une allure de guitariste-rock, son physique n’est pas sans rappeler des références comme Ron Wood (The Rolling Stones) et Steve Stevens (Billy Idol). Steve fait ses débuts sur scène en 1986 avec son frère John au sein de la formation de jazz-rock Blood Sweat & Tears. Puis la fratrie forme le groupe de blues The Hudson River Rats en compagnie de l’harmoniciste Rob Paparozzi. En résidence dans un club de West Village, il font leurs armes aux côtés de Charlie Musselwhite, Etta James, Cyndi Lauper, ou encore Carole King.
Les années 90 voient Steve Conte mener deux carrières en parallèle. Musicien de session sur des albums de Peter Wolf (J Geils Band), Suzy Quatro et Maceo Parker. Auteur-compositeur et guitariste au sein des groupes Company of Wolves et Crown Jewels.
Crown Jewels – Dark Desire
Mais son talent nomade l’incite aux expériences les plus inattendues. Au début du troisième millénaire, prêtant sa voix et sa guitare à des jeux vidéos et de nombreuses œuvres télévisuelles et cinématographiques, il est sollicité par la compositrice japonaise Yoko Kanno. Cette dernière se montre très intéressée par sa large palette de genres. Associé au collectif Seatbelts créé par Kanno, Steve Conte participe à la bande originale des séries et films animés Cowboy Bebop et Ghost in the Shell.
Steve Conte – Diggin’ (Cowboy Bebop)
Entre 2004 et 2009, c’est sans doute là que son nom marque les mémoires de rockers, puisqu’il intègre les New York Dolls lors de leur reformation.
On ne peut être guitariste des Dolls sans réveiller le fantôme de Johnny Thunders. D’autant que comme son illustre prédécesseur, sous ses allures de prince noire, Steve allie grâce, sauvagerie et mystère, avec un style fascinant.
New York Dolls – Dance Like a Monkey
Par la suite, Steve Conte apporte ses talents de guitariste et vocaliste sur des albums de Michael Monroe, leader du groupe finlandais de glam-punk Hanoi Rocks. Tout en démarrant une carrière solo…
A ce stade, Steve possède un tel bagage, ses albums ne peuvent être que dignes d’intérêt. Il suffit de démarrer l’écoute du dernier, Concrete Jangle, pour comprendre que derrière cet artisan de studio et son CV discret et bien rempli, sommeille une rock star…
Steve Conte – Hey hey hey (aren’t you the one)
Si son cursus de jazz et son parcours chevronné peuvent intimider, on en apprécie d’autant plus sa faculté à ensoleiller une musique aussi populaire que le rock. Sur ce nouvel album célébrant les vibrations de la jungle new-yorkaise, l’hymne We Like it, titre coécrit avec Andy Partridge (XTC), n’est pas une prouesse isolée.
Steve Conte – Motor City Love Machine (Concrete Jangle)
Il redonne même une certaine crédibilité au courant power pop tombé en désuétude. Riff de guitare entêtant et envolée mélodique maîtrisée. Le bougre possède un talent tout terrain.
Steve Conte – All Tied Up (Concrete Jangle)
Lorsqu’un album dégage autant d’ondes positives, et qu’il célèbre de manière aussi intègre le rock minimaliste et la pop sincère, il se doit d’adresser un clin d’œil aux Beatles. Le titre suivant y parvient avec élégance, et n’est pas sans rappeler un certain Lenny Kravitz. Du temps de sa grandeur (album Let Love Rule)…
Steve Conte – Decomposing a Song for You (Concrete Jangle)
La majeure partie des grands artistes ont cette capacité à cerner leur époque, à saisir l’air du temps. Quel que soit leur âge. Certains se chargent de décrire le quotidien de chacun. Tandis que d’autres, à l’image de Steve Conte, tentent de leur fournir l’oxygène dont ils ont besoin. En cette fin d’année 2024, une inhalation prolongée de Concrete Jangle est fortement recommandée.
Serge Debono