WIRE : l’album The Ideal Copy

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Le groupe WIRE
Wire dans les années 80 : Newman, Gilbert, Lewis, Grey aka Gotobed

Inattendu ! Voilà un mot qui semble inventé pour le groupe Wire tant les Anglais se sont toujours évertués à briser les conventions. Les quatre, Colin Newman chant / guitare, Graham Lewis chant / basse, Bruce Gilbert guitare et Robert Grey aka Gotobed batterie, sont quand même les auteurs d’une trilogie Punk / New Wave originale et fondamentale aussi importante que les albums du Velvet Underground de par leur impact : Pink Flag (1977), Chairs Missing (1978) et 154 (1979). En témoignent les gens de REM, Blur, Sonic Youth ou les Hard Coreux à l’instar des Minutemen ou Hüskur Dü

Wire – I Should Have Known Better – 154 (1979)

Plus radicaux que Punk, plus arty que New Wave, les quatre agitateurs s’essoufflent pourtant aux portes des années 80 et se séparent, sans doute par manque de reconnaissance du public et de soutien de leur maison de disques. Chacun part dans des directions particulières. Colin Newman en solo produit une poignée de LP riches en pépites, qui marqueront entre autres un certain Bashung au point qu’ils travailleront ensuite ensemble sur l’excellent Novice. Lewis et Gilbert se lancent dans des projets plus expérimentaux comme Dome où ils créent des paysages sonores déroutants, et même une collaboration avec Daniel Miller, le fondateur du label Mute, au sein de Duet Emmo, alors que Gotobed bosse avec Fad Gadget. Plus personne ne parle de Wire, sauf les fans inconsolables… Jusqu’en 1985.

BEAT COMBO

Au milieu de la décennie 80, les gars se revoient et évoquent le possibilité d’une réunion. Mais pour eux, hors de question de refaire du neuf avec de l’ancien. Bruce Gilbert parle même de  « Year Zero ». On ne joue rien du passé et on travaille différemment, et pourquoi pas en remuant plus encore la formule guitares / basse / batterie. Ça tombe bien, depuis ses albums en solo, Newman s’est essayé aux séquenceurs, aux boîtes et aux synthétiseurs, même si la technologie de l’époque reste contraignante. Et puis ils n’ont jamais caché leur admiration pour Can, Kraftwerk ou Neu!. Un EP 4 titres de ce nouveau Wire, Snakedrill, paraît en Novembre 1986 sur le label Mute.

Wire – A Serious Of Snakes – The Snakedrill EP (1986)

Certes, l’électronique y est encore discrète, on trouve des nappes de synthés par-ci, sur A Serious Of Snakes, des lignes de séquences par-là sur Advantage In Height, et le son de batterie de Gotobed s’affiche aussi plus martial et en avant. Les rythmes d’ailleurs se font plus dansants, dans l’esprit Beat Combo diront les gars ou carrément discoïdes sur Drill, un morceau qui deviendra un emblème de Wire de par ses multiples déclinaisons. Demeurent les constantes de leur son : la basse inventive de Lewis, les guitares décalées et imprévisibles de Gilbert et Newman, enfin, les voix, ironiques ou Pop de Colin, plus grave de Graham. Bien accueilli, cet EP sera la porte d’accès à l’album du gang en renaissance, The Ideal Copy.

Drill

THE IDEAL COPY

Présenté le 1r Avril 1987, sous une pochette au dessin énigmatique créée par Sven, ce premier LP du Wire en mutation comporte 8 titres en vinyle (16 avec les bonus sur le CD). Il a été enregistré au fameux Hansa Tonstudio à Berlin.
Ouverture The Point Of Collapse. A partir de strates rythmiques, le quatuor s’amuse de la confusion entre les machines et le jeu métronomique du tambour Gotobed. Au chant, Colin Newman développe une mélopée douce-amère sur un probable effondrement. Basse et guitares en retrait, les chorus de synthé incarnent la mélodie orientaliste, des traces peut-être du long séjour du chanteur en Inde. Jamais Wire n’a sonné ainsi.

Wire – Point Of Collapse – The Ideal Copy (1987)

Le choix radical de ne pas évoquer leur première période trouve son apogée dans la seconde plage : Ahead. Après une courte intro en power chords de 6 cordes, l’infernale boucle des séquenceurs commence, accompagnée par le quartet, notamment la basse souterraine de Lewis. Des sonorités de chœurs à la Radioactivity apparaissent pour soutenir la voix de Newman de même qu’un leitmotiv presque naïf de guitares. Si les paroles s’affichent encore cryptées, c’est l’un des morceaux les plus Pop de Wire. Une merveille.

I remember
I remember
Making The Body Search…

Ahead

Madman’s Honey, plus calme, reprend la même approche pour une sorte de ballade Electro Folk déviante avec même de la guitare acoustique. Là aussi la mélodie est à tomber ainsi que le travail des voix. On comprend que les gars ne souhaitent pas un tout synthétique et mélangent habilement machines et instrumentarium habituel.

Madman’s Honey

Sur une nouvelle loop de quelques notes en panoramique, Gilbert (NDR : probablement car les notes de pochette sont maigres…) entame une partie d’accords de guitare au son INOUÏ pendant que Lewis énonce les premiers mots de sa voix grave : Feed me… Les deux se souviennent sans doute de A Touching Display, le thème le plus bruitiste de l’album 154, et surtout des expériences du projet Dome. Newman lui parcourt le titre de chorus de gratte déglingués (NDR : idem.) et de murmures. Pas de percus. Pour ceux qui pensaient Wire affadi ou trempé dans l’eau tiède, le choc électrique est garanti. Une fin magistrale de la première face.

Feed Me

Graham Lewis à nouveau amorce la seconde partie en présentant ses ambitions et cite le titre générique de l’opus, The Ideal Copy, une allusion à l’ADN. L’assise boîte / batterie / fuzz bass ne joue pas les somnambules, ça percute dans les jambes : Beat Wire. Une guitare acoustique appuie le récitatif mais soudain attrape une touquette au bottleneck pendant les ponts. Une voix trafiquée participe au déraillement général. Implacable et assez dingo.

Ambitious

Pratiquement enchaîné, Cheeking Tongues prolonge les festivités par ses riffs de guitares dans les creux des percus et des samples. Les voix à l’unisson avec Newman en dominante rappelle quand même les premières années du gang mais la correspondance s’arrête là car l’ensemble demeure avant tout inédit pour les Anglais. Peut-être le thème le plus faible du recueil.

Cheeking Tongues

Pause bienvenue, la septième plage, Still Shows. Sa construction se présente en rajouts successifs telle une poupée russe : guitare acoustique, basse, voix de Newman, percus, guitares électriques, claviers puis intervention de Lewis. Cette comptine arty prouve que les gars aidés par leur excellent producteur Gareth Jones jouent également de la table de mixage.

Still Shows

Une nappe de synthé inquiétante introduit Over Theirs, la dernière création du disque. Une cadence hypnotique accompagne l’énorme basse de Lewis alors que les guitares de Gilbert et Newman cisaillent et dialoguent. Les sons industriels se fracassent pendant le pont. Colin Newman multiplie les Over And Over jusqu’aux dernières secondes. Une conclusion fascinante qui deviendra l’un des moments clés des concerts de Wire, lorsque Lewis pour le final triturera sa 4 cordes dans un vacarme absolu.

Over Theirs

Over Theirs reste aussi l’un des rares titres de cette époque que le Wire des années 2000 joue encore telle cette réinterprétation en 2020…

Wire – Over Theirs – 10:20 (2020)

Notons que le format CD de The Ideal Copy comprend quelques bonus dont l’intégralité du Snakedrill EP, des live et cette belle version plus minimaliste d’Ahead

Ahead (II)

ENVIE D’EXPÉRIMENTATION

Le nouveau Wire et son premier vrai manifeste The Ideal Copy séduiront la plupart des critiques soulignant l’étonnante capacité de régénération du quatuor et sa constante envie d’expérimentation. Le public par contre sera plus partagé : incompréhension pour ce tournant soi-disant à la New Order chez les fans de la première heure, attrait au contraire d’un nouvel auditoire, et enfin, enthousiasme constant et émerveillement des inconditionnels / les de la bande. Devinez où se situe l’auteur… Les quatre eux-mêmes avec le recul trouveront que les chansons sont plutôt bonnes mais que le mixage et les machines sonnent pour certains titres trop datés.

Le groupe Wire en 2022
Wire en 2022 : Matthew Simms, Lewis, Newman, Grey

Wire version II produira encore 5 autres albums à tendance « Motorik » avant de se remettre en sommeil en 1992… Pour renaître une troisième fois toutes guitares devant au début des années 2000.
Une anecdote finale : lors de la tournée de promotion de The Ideal Copy aux States, le quatuor refusera de présenter d’anciens morceaux et engagera un groupe tribute, les Ex Lion Tamers – d’après un morceau du quartet – pour jouer en première partie l’intégralité de Pink Flag. Toujours sur le fil !

Bruno Polaroïd

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