Comme un air de vent nouveau
Ah les groupes à guitares ! Depuis 1992, les Américains de Built To Spill – ils viennent de Boise / Idaho – explorent tranquillement les territoires découverts par Television, les Buzzcocks, ou le Grand Sachem Neil Young, un rêve d’architecture sonique tout en strates de cordes, fuzz et autres delays.
Built To Spill – Goin’ Against Your Mind – You In Reverse (2006)
N’oublions pas la voix de Doug Martsch, le leader de cette formation d’ailleurs à géométrie variable, Doug donc, vocalement une sorte de frérot du Loner Young et de Pete Shelley.
Sur scène justement, le gang parfois à trois guitares n’hésite pas à s’attaquer aux monuments référentiels comme cette reprise magistrale de qui vous savez…
Built To Spill – Cortez The Killer (Neil Young) – Live (2000)
Peu connus en France, les Ricains ont quand même déjà proposé huit albums et un live, des recueils souvent stupéfiants par leur aisance électrique – les gratteux se régalent – et leur acuité mélodique renforcée par la voix toujours juvénile de Martsch.
UN FANTASME D’ADO
Après sept années de silence, le LP When The Wind Forgets Your Name sort chez le mythique label Sub Pop Records, ce qui ravit Doug Martsch qui réalise ainsi un véritable fantasme d’ado.
Pour ces neuf nouveaux thèmes, le zigue a cette fois travaillé avec deux musiciens du combo brésilien psychédélique et jazz-rock Oruã : Lê Ameida / batterie et Casaes / basse. Les deux gars avaient accompagné Martsch pendant la Tournée 2018 / 2019, retrouvant le concept originel du gang avec une rotation de membres non permanents. L’album a été entrepris dans la foulée et complété, bidouillé, mixé à distance par les trois lors du confinement. Alors, sera-ce un disque sous influences des invités ?
Pas vraiment au début. En effet, dès l’ouverture Gonna Loose, l’on retrouve les éléments clefs du style de BTS condensés en 3 minutes selon toujours ces arrangements en dents de scie et ce fuzzing Power Pop !
Built To Spill – Gonna Lose – When The Wind Forgets Your Name (2022)
Pour Fool’s Gold, retour aux tempos moyens. Encore une fois les guitares en tremolo s’avèrent renversantes. On note aussi quelques bribes de claviers joués par Doug Martsch. Quant au clip, il présente un portrait de familles de la bande… Understood suit dans la même catégorie.
Fool’s Gold
Surprise, le psychédélique Elements comporte aussi des claviers et en partie centrale un étonnant échange orgue / guitare. Ça plane pour le trio, atmosphère, atmosphère. Y’a kekchose dans ce titre qui rappelle The Cure époque Wish… En tout cas, la bande renouvelle ainsi le spectre sonore de BTS.
Changement d’humeur dans Rocksteady. Doug Martsch ne cache pas son affection pour le reggae, le ska ou le dub, ça s’entend. Quelques ajouts de percus indiquent la présence de Ameida et Casaes. Là aussi solo de claviers et section basse / batterie des deux complices impressionnante, une constante de l’album.
Rocksteady
L’intro en arpèges de Spiderweb évoque le LP You In Reverse (2006) mais très vite les séquences se chevauchent (!!!). On pense encore à un Neil Young coincé dans la case piège Dinosaur Jr, des autres cousins bruyants de BTS. Le solo central nous scotche par son ascension. Bizarrement, le tout se ferme dans un souffle… Dans l’attente de longs développement en live ? C’est déjà l’un des meilleurs extraits.
Spiderweb
Never Alright et son antonyme Alright sont des titres à tiroirs, des successions de climats différents telles certaines pièces de l’Album Blanc. Le premier s’affiche costaud et plus rude, le second fragile et hésitant. Guitares bien sûr flamboyantes : ce Doug Martsch est le Guitar Hero inconnu des années 90 !
Comes A Day, le final du LP. Les trois gars retrouvent les épopées pendant plus de 8 minutes. Après un long développement vocal surgit une suite d’accords évoquant les mélodies de George Harrison. Puis survient un décollage vertical inattendu dans un délire de larsen, claviers, voix, le tout passé au phasing saupoudré de notes inversées à l’instar des glorieuses années psychées 60 / 70 ou des reconstitutions historiques des Dukes Of Stratosphear. Une conclusion vraiment étonnante et sans doute sous inspiration des deux sbires allumés d’Oruã.
Comes A Day
Les maniaques du groupe feront peut-être juste remarquer l’absence d’un autre guitariste, le Doug enregistrant toutes les pistes rythmiques et solistes, et il y en a ! Ces correspondances artificielles de 6 cordes nous font parfois regretter les riches heures des liaisons dangereuses avec Jim Roth ou Brett Nelson, des auxiliaires de riff d’une autre époque de BTS.
Mais ce disque s’avère d’une telle richesse syntaxique et harmonique qu’on peut laisser de côté de tels tatillonnages…
Terminons par la pochette haute en couleurs créée par Alex Graham : échevelée non ?
Actuellement, Built To Spill réinventé pour les concerts est constitué de Doug Martsch accompagné à la section rythmique de Melanie Radford / basse et Teresa Esguerra / batterie. Comme un air de vent nouveau…
Built To Spill – When The Wind Forgets Your Name / Sub Pop (Sortie le 9 Septembre 2022)
Bruno Polaroïd