Comeback Special de 1968, le retour du roi Presley

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Le coup de maître d’Elvis. Quand l’abstinence génère l’envie…

Sans le Comeback Special de 1968, Elvis Presley aurait sans doute nourri éternellement les regrets de ses premiers fans. Si les années gâchées ne seront jamais effacées, cette émission aura au moins permis au King de revenir à une musique digne de son talent.

Elvis Comeback Special

Lorsque l’on prétend que le Colonel Parker a éteint la flamme qui brûlait en Elvis Presley en l’enfermant dans de mièvres productions hollywoodiennes, ce n’est pas tout à fait exact. En effet, à son retour de l’armée, l’idée de faire carrière au cinéma semblait séduire le King. Malheureusement ses deux plus belles prestations dans des films crédibles, Flaming Star (1960) et Wild in the Country (1961), furent aussi les moins rentables.

Éprouvant déjà les pires difficultés à se dresser contre la volonté de son manager, il céda à ses directives. Voilà comment, malgré l’envie de reprendre le cuir, notamment à l’arrivée des Beatles, le King devint lentement une parodie de lui-même.

Le 25 mars 1961, malgré un répertoire encore consistant, il donne son dernier concert à Hawaii, pour l’inauguration d’un mémorial aux victimes de Pearl Harbour. Il va falloir attendre sept longues années, et une cinquantaine de films gênants, avant de voir le phénomène refaire surface.

Le réveil du rocker

Jusqu’en 1966, ses albums et ses films, devenus indissociables, font encore recette. Mais quand la vague britonne s’associe à celle venue de Californie pour donner naissance au rock-psyché, son twist édulcoré devient soudain totalement obsolète. Et ce malgré une voix intacte et un physique ravageur. Sentant son manager dépassé par cette évolution et soucieux de privilégier un public de trentenaire, Elvis saisit enfin l’occasion qui lui est donnée de relancer sa carrière.

En 1968, le King n’a que 33 ans, et refuse de rejoindre le musée des pionniers du rock. Il commence à sortir de sa bulle, et réalise que derrière les murs de Paramount Pictures, le monde a changé. Contre l’avis de son manager, il enregistre ce titre pacifiste dédié à Martin Luther King et Robert Kennedy. Celui-ci est publié en octobre mais sera inclus dans le final de l’émission à venir. Si le costume blanc, les violons et les cuivres n’ont rien de rock’n’roll, le texte est louable et d’actualité. Mais surtout, l’implication du King façon gospel est indéniable…

Elvis Presley – If I can Dream (Comeback Special 68′)

En 1954, Elvis Presley faisait irruption dans le monde de la musique sur les ondes radio. Depuis, il est devenu un phénomène visuel, par le biais du cinéma. C’est donc à la télévision, de plus en plus influente sur la jeunesse, qu’il revient en fanfare.

L’idée est du producteur Bob Finkel. Au départ, ce dernier s’accorde avec le Colonel Parker pour un Spécial Noël. Seulement sentant le chanteur réticent à l’idée d’une énième apparition guindée et endimanchée, Finkel décide de s’entretenir seul avec Elvis. Les deux hommes tombent d’accord sur un show relax, et plus authentique. Décors et costumes seront soignés, le public trié sur le volet, et il se soumettra à des parties en playback, un peu too much et trop chorégraphiées. Mais Elvis aura droit à son cuir, et à son concert brut, collé au public. En direct, sans filet, ni violons.

Elvis Presley – That’s all Right Mama (Comeback Special 1968)

Le jour de l’enregistrement, en juin 1968, terrassé par le trac, Elvis refuse de monter sur scène. Rien d’étonnant, après sept ans d’abstinence. Sans parler de l’attente qu’il suscite. De nombreux critiques jugent ce comeback improbable, et risqué pour sa crédibilité. Du reste, c’est également l’avis du Colonel. Steve Binder, qui a remarquablement dirigé la réalisation du T.A.M.I Show, hérite de la lourde tâche, celle de redorer le blason du King. Il va s’employer à lui redonner confiance, en soulignant son aura et son professionnalisme.

42 millions de téléspectateurs pour le King

L’émission est sobrement intitulée “ELVIS”. Ce n’est qu’au fil du temps, qu’elle fut rebaptisée “68′ COME BACK SPECIAL”.

Elvis Comeback Special

Le 3 décembre 1968, 42 millions d’américains sont devant leurs postes de télévision, pour voir le retour du roi. Les fans comme les sceptiques, le musicien professionnel comme le dernier des mélomanes. Janis Joplin est devant sa télé. Jim Morrison aussi. Lui qui adule encore le King ne le saura jamais, mais l’idée de remettre un pantalon de cuir noir est venue à son altesse en regardant les Doors, au Ed Sullivan Show… Sous le cuir, symbole de rébellion, le premier des rockers renaît.

Heartbreak Hotel (Comeback Special 1968)

Sur une scène étroite et carrée, façon ring de boxe, tout de noir vêtu, Elvis entâme un peu crispé, un concert acoustique rythmé par sa Martin D-18 et trois guitares de soutien (dont celle de Scotty Moore). Pas de contrebasse, en hommage à Bill Black, décédé trois ans plus tôt. Aucun subterfuge, non plus. Le King se donne en pâture avec courage. Le son de sa guitare couvre celui des autres. Pas de choriste pour l’épauler. Pire, l’espace exigu et la position assise, limitent ses mouvements et l’empêchent de dérouler sa colonne d’air. Jouer assis, quelle drôle d’idée de la part de Steve Binder ? Techniquement seulement…

Baby What You Want Me To Do (Comeback Special 68′)

Même si les conditions obligent Elvis à des prouesses, l’atmosphère de juke joint qui émane de la scène est jubilatoire. Elvis délaisse la Martin pour une Gibson semi-électrique de 1961. On le sent avide de jouer. De revenir aux racines de son adolescence. Baby What You Want Me to Do revient à trois reprises durant la soirée. Dans ce cercle de musicos et d’amis, il se détend, et savoure l’instant. Blues, country et rockabilly, comme à ses débuts.

Son humour a toujours fait des ravages, alors il ne se prive pas pour donner dans l’autodérision, singeant notamment sa fameuse moue éculée par ses nombreux films.

Lawdy Miss Clawdy (Comeback Special 68′)

Le King semble s’épanouir rapidement au fil des minutes, jusqu’à retrouver toute sa verve. Il aguiche gentiment les spectatrices, mais ne perd pas une miette de son trip. On a soudain l’impression de le voir au naturel. Dans la confidentialité d’un bureau ou d’une chambre. Sans écho, il nous délivre ce qu’il a de plus beau. Sa voix sans pareille, et ce feeling incomparable. Durant sept ans, Elvis se serait damné pour une nuit avec son public. Le voilà exaucé…

One Night With You

Au final, Elvis Presley réussit un tour de force. Séduire la majeure partie du public, sans pour autant épouser la mode du psyché. Cette émission de TV devenue légendaire inspirera par la suite le concept du MTV Unplugged.

Elvis Comeback Special

Le temps confère au Comeback de 1968, le même crédit unanime que les célèbres Sun Sessions de ses débuts. Le spectre du has-been s’éloigne donc, au moins pour un temps. Elvis fait plaisir à voir. Elvis est de retour. Les deux albums à venir le confirmeront.

Serge Debono

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