L’Arme Du Rêve
« L’Underground, C’est Moi »
C’est avec un retard non assumé (sorti à la rentrée 2020) qu’il convient de parler de ce livre formidable mais sans doute passé à côté de pas mal de lecteurs qui apprécieront la teneur de l’ouvrage. Rattrapage maison.
L’auteur, Patrick Bard, à l’œuvre pléthorique, aime les monographies, la photographie, les voyages et l’originalité.
Alors ici, il décide de s’attaquer à un personnage oublié et pourtant ô combien important durant une bonne dizaine d’années. Accrochez-vous, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, quand Piero Heliczer affirme que l’underground c’est lui, vous pouvez le croire. C’est la réalité au sens premier du terme. A savoir faire vœu de pauvreté pour mieux profiter, enrichir sa culture avant de la montrer, sans forfanterie. Et c’est bien cela qui va causer sa lente montée vers la gloire avant une rapide descente aux oubliettes de la littérature, de la musique et du cinéma. Oui, carrément tout cela à la fois.
Pull My Daisy (1959) de Robert Frank et Alfred Leslie (Kérouac, Ginsberg, Corso) – dsl pour la traduction en italien
Sans tout dévoiler car tout est dans ce livre précis et limpide, Piero Heliczer échappa de peu, enfant, aux camps de concentration pendant la guerre. Après avoir été une vedette de cinéma dès l’âge de 4 ans à Cinecittà, il entreprit des études qui le conduisirent à Paris au milieu des années cinquante. Là, il rencontre tous les écrivains et poètes de la Beat Génération : Kérouac, Ginsberg, Corso, Burroughs. Tous se sont donnés rendez-vous pendant ces années-là. Alors il fait comme eux, il écrit des poèmes, tordus, visionnaires, commence à toucher aux drogues. C’est à cette époque qu’il monte une imprimerie afin de publier ses écrits et ceux des autres.
Première apparition du Velvet en 1965, filmé par Piero Heliczer
Puis il part à New York au début des années soixante. Parce que « c’est là que ça se passe » comme on dit. Effectivement, l’underground est bien là via le cinéma expérimental avec Jonas Mékas, puis le rock déroutant, sombre. Accompagné de son pote Angus MacLise, il devient ami avec les futurs membres du Velvet Underground, d’autant que ce dernier restera comme le très éphémère batteur du groupe avant l’arrivée de Maureen Tucker. Inévitablement il fait la connaissance du gourou du milieu : Andy Warhol. Mais il côtoie aussi Nico et Edie Sedwick, l’égérie de Warhol qui mourra en 1971 d’overdose pour avoir quitté la Factory, lien incontournable qui relie la vie du « héros ».
Velvet Underground – Venus In furs
Après de multiples concerts et de projections cinématographiques dites « à scandale » pour l’époque (1965), la descente commence pour s’achever en France, près d’Alençon, dans l’Orne, à Préaux-du-Perche pour être précis. Il décède en 1993, seul, isolé, pauvre, oublié. Sa tombe est toujours au village.
On peut considérer à la fin de ce livre que l’underground, c’était vraiment lui.
Patrick Bard – Piero Heliczer, l’Arme Du Rêve
Patrick Bénard