Neil YOUNG – Harvest (1972)
Pour moi, 1972 reste, comme pour beaucoup je pense, l’année de Machine Head et de Harvest, c’est à dire deux albums parmi quelques autres que j’allais user en plusieurs exemplaires (Ah ! L’époque des sillons et des diamants !).
Le premier, bien sûr, pour « Highway star » et « Smoke on the water » avant tout, du quintet magique : Blackmore, Gillan, Glover, Paice et Lord, Deep Purple Mark II. Le second parce qu’avec son 4ème opus en solitaire, Neil Young, « The Loner », nous balance dans les tripes plus que dans les oreilles cette « moisson » de dix titres cultes. Une des figures les plus originales et énigmatiques issues des années 70, Neil Young, ex Buffalo Springfield (Le groupe qu’il regrettera le plus) et ex partenaire de Crosby, Stills & Nash (une des plus belles machines à rêver de l’époque), va œuvrer sur cet album comme l’artisan qu’il est : complet, éclectique et hyper doué (peut-être trop pour certains …).
Neil YOUNG – Harvest
En 1970, déjà, alors que sort le magnifique album Déjà vu auquel il participe pleinement avec Crosby, Stills & Nash, Neil frappe un premier grand coup en livrant After The Gold Rush. Il s’agit d’un album personnel et romantique aux ballades fragiles et aux mélodies irrésistibles sur lesquelles sa voix à la limite de la brisure fait merveille.
Harvest installe définitivement la légende du Marginal Solitaire.
«Résistant et tendre comme le roseau qui plie sans jamais rompre», le qualifiait Yves Bigot.
After The Gold Rush
Enregistré à Nashville, capitale de cette musique country tant décriée à l’époque, l’album se retrouve vite n°1 des ventes des deux côtés de l’Atlantique. Il est porté par des incontournables : « Out Of The Week-end » en intro, « Heart of Gold », avec James Taylor et Linda Ronsdadt dans les chœurs, ou « The Needle And the Damage Done », ballade désespérée sur les ravages de cette garce d’héroïne. Elle vient, après tant d’autres, d’emporter son ami Danny Whitten, guitariste de Crazy Horse qui l’accompagnait déjà sur son album de 1970.
Neil YOUNG – Heart of Gold
Crazy Horse et sa rythmique prodigieuse, formée par Billy Talbot à la basse et Ralph Molina à la batterie, sera à nouveau présent sur la plupart des albums à venir, et Dieu sait s’ils seront nombreux ! Le plus souvent superbes, comme Zuma ou Rust Never Sleep, il arrive qu’ils soient décevants, mais passionnants, entre désespoir, colère, expérimentation et tendresse. Un Neil Young toujours surprenant qui, sur Harvest, invite le London Symphony Orchestra pour « There’s A World » et s’adjoint les voix de Stills et Crosby sur le très électrique « Alabama ».
Alabama
Si ce dernier titre, évoquant le racisme prégnant dans l’Etat US du même nom, fera bondir le groupe sudiste Lynyrd Skynyrd, qui répondra à cette attaque par son « Sweet Home Alabama », c’est bien « A Man Needs A Maid » qui scandalisera certains critiques par son machisme apparent. Il ne s’agit en fait que d’une déclaration d’amour à sa compagne du moment, l’actrice Carrie Snodgress. Dix-sept ans plus tard, en 1989, c’est un Neil Young « miraculé » qui sort l’album Freedom, avec le titre « Rockin in The Free World », alors que tombe le mur de Berlin et le bloc communiste. « Miraculé » car Young sort de cette drogue qui emporte ses proches, qu’il est ravagé par la naissance de ses deux fils handicapés mentaux et épuisé par les dépressions.
Neil YOUNG – Rockin in the Free World
Lui reprochant son « inconstance commerciale », cette incohérence artistique pouvant même dérouter ses plus fidèles fans, passant allègrement du Country à la New-Wave et au rockabilly, sa maison de disques lui intente un procès. Imprévisible, certes, mais toujours intègre quant à son refus d’enregistrer des albums délibérément commerciaux, cet incident n’empêchera pas le chanteur d’ouvrir les portes de la déferlante grunge, Nirvana et autres Pearl Jam en tête d’écume. Avec ce dernier, il enregistrera Mirror ball en 1995.
I’m the Ocean
Nullement blasé, Neil Young assume aujourd’hui son statut de vieux hippie idéaliste. Toujours prêt à défendre une cause : sa liberté, son indépendance, les femmes de sa vie, ses vieilles bagnoles « eco-friendly », ses circuits de trains électriques, ses excès, ses dérives, et sa haine des MP3 qui « font perdre 95% du son original !!! », défend-il. Et pour en finir avec Harvest, cet album qu’à une époque tout le monde aurait emporté sur une île déserte (mais alimentée en électricité, rassurez-moi !), citons Philippe Labro qui en a dit si joliment un jour :
«C’est une des nombreuses lucioles de cet art mineur majeur».
Neil YOUNG – Old Man (live)
Denis Chofflet