Jim Morrison, 1968, une année entre pacifisme et révolution

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Coup de zoom sur des événements survenus entre les albums Strange Days et Waiting for the Sun. Ou comment Jim Morrison, chanteur des Doors et poète beatnik, s’est mué ne serait-ce qu’un temps, en un leader de la contre-culture américaine. Conservant ainsi à jamais, l’image d’un artiste insoumis.

Après une nouvelle soirée électrique sur la scène de New Haven en décembre 1967, Jim Morrison est arrêté et menotté en plein concert par la police du Connecticut.

casier judiciaire

Tabassé en coulisse, puis dans la voiture de patrouille, il ne bronche pas et se laisse embarquer au poste. Il devient la première célébrité arrêtée sur scène, et entre dans un tourbillon médiatique qui ne fait que commencer.

Arrestation de Jim Morrison le 9 décembre 1967 à New Haven

Jim est déçu par l’attitude du public qui n’est pas intervenu pour l’arracher aux griffes de la police. Lui qui pensait maîtriser la situation comprend que sa surenchère en matière de provocation a fait de lui un monstre. Une icone dont le public attend toujours plus, et dont le gouvernement commence à se méfier…

Jim Morrison, le pacifiste

 

Jim Morrison on stage

« Sentir au bord d’un exorcisme
Un rite de passage
Attendre ou rechercher les révélations
De la virilité dans un fusil
Tuer l’enfance, l’innocence
En un instant. » (JM)

En 1968, Jim annonce au groupe son intention d’arrêter pour se consacrer à l’écriture. Son amitié naissante avec Michael Mc Clure le replonge dans la poésie et l’éloigne un peu plus des Doors. Contre toute attente, leur troisième album “Waiting For The Sun” devient N°1 des ventes aux USA, et le claviériste Ray Manzarek obtient de Jim un délai de six mois.

Dans le même temps l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril 1968 à Memphis, et celui de Bobby Kennedy le 6 juin à Los Angeles, creusent un peu plus la tombe des espoirs pacifistes. Les Doors entament une tournée à travers le pays et le slogan “War is over !” extrait du titre “Unknown Soldier” devient celui des opposants à la guerre au Vietnam. Mais tandis que Jim conclut ses concerts par cet appel à la paix, communiant avec un public toujours plus nombreux, l’armée américaine dont fait partie son père, l’amiral Steve Morrison, grossit ses troupes de sang jeune et intensifie le combat en ex-Indochine.

Un titre que les Doors avait coutume de mettre en scène en simulant une execution avec roulements de tambour et guitare-coup de feu. Tandis que Jim Morrison jouait tour à tour le rôle du chef de peloton, et celui du mort…

The Doors – Unknown Soldier

Durant les années 50, aux Etats-Unis, l’engagement et le militantisme proviennent essentiellement de la folk-music. Durant la deuxième partie des années 60, des groupes de rock californiens comme Country Joe & The Fish ou Jefferson Airplane changent la donne en prenant position. La jeunesse américaine commence alors à percevoir dans le Roi Lézard un leader potentiel.

Son image de rebelle s’intensifie à chaque concert. Notamment sur l’incendiaire “Five to one”, issu du troisième album Waiting for the sun. Difficile de trouver trace d’un appel à la révolte aussi explicite durant cette folle époque des sixties. D’autant que si certains textes de Jim usent de métaphores et de doubles sens, celui-ci est d’une grande limpidité.

Jim Morrison, le révolutionnaire

Jim Morrison

Malgré les rumeurs circulant sur une éventuelle allusion à la masturbation (five to one = cinq contre un), il n’en est rien. Sur ce texte, le chanteur des Doors a mis le bleu de chauffe, et sa prose est incendiaire. En témoigne cette traduction tirée de son recueil poétique, “Une Prière Américaine” :

The old get old and the young get stronger,
Les vieux deviennent vieux et les jeunes deviennent plus forts,
May take a week and it may take longer,
Ca peut prendre une semaine et ça peut prendre plus longtemps,
They got the guns, but we got the numbers.
Ils ont les fusils, mais nous avons le nombre.
Gonna win yeah, we’re takin’ over, come on !
On va gagner, oui, on va prendre le dessus, allons-y !

The Doors – Five To One (Absolutely Live)

Usant de nombreux psychotropes, la double-personnalité de Jim déjà entrevue auparavant par ses proches se manifeste de façon plus régulière. Ses déboires avec son amie Pam Courson en sont presque toujours le facteur déclencheur.

Jim Morrison, le justicier

Jim Morrison

En janvier, après une nouvelle dispute, Jim file à Las Vegas en compagnie de l’écrivain Roger Gover. Des amis afro-américains de ce dernier les rejoignent à l’entrée d’une boîte de nuit, mais le groupe se voit refuser l’entrée de l’établissement. Passablement éméché et sans doute travaillé par son différent avec Pam, Jim se met à insulter le vigile.

Il reçoit de nombreux coups de matraque sur la tête. Sonné, il reste adossé au mur, le crâne ensanglanté, sans dire un mot, tandis que ses amis alertent la police du Nevada. Celle-ci est réputée à l’époque pour ses maltraitances envers les noirs et les hippies, et sa propension à tuer en toute impunité. La patrouille arrive et les agents de police ne tardent pas à coucher et violenter Jim sur le capot de la voiture, tandis qu’il leurs vomit des chapelets d’injures. Morrison et Gover sont arrêtés et conduits au poste de police où ils subissent des moqueries sur leurs cheveux longs et une fouille au corps des plus humiliantes. Les policiers vont même jusqu’à leur vaporiser de l’insecticide dans l’anus…

Roger Gover se souvient :

« Ce ne sont pas seulement nos petits ennuis qui ont attiré sur nous les foudres du ciel, ce jour-là. C’est aussi l’atmosphère de l’époque, la guerre du Vietnam, les épreuves subies partout dans le monde par des millions de personnes, aux mains d’imbéciles en uniforme, comme ceux-là. Chez Morrison, pensée et émotions se mesuraient à l’échelle de la planète. Il avait une capacité troublante à remonter le temps : on aurait dit la réincarnation d’un prêtre hérétique brûlé sur le bûcher pendant l’Inquisition, qui se trouvait là pour venger ce tort, parmi tant d’autres. Malmené par les troupes de l’empereur, il aurait préféré mourir plutôt que de se laisser humilier. Dans le cœur et l’âme de Jim brûlait une rage irrépressible, envers l’injustice. »

The Doors – Universal Mind

Bien que les Doors se soient toujours défendus d’appartenir à une quelconque tendance politique, Jim Morrison avait pour habitude de jeter le trouble en qualifiant leur musique d’érotico-politique. Avec son charisme, son intelligence, sa culture précoce, ainsi que ses dons d’orateur, il possédait la panoplie complète pour devenir le représentant d’une jeunesse avide de liberté. Finalement, en lutte avec ses propres démons, et cassé par un procès absurde à Miami (1969), le poète ne saurait être que l’inspirateur d’un rock intelligent et l’emblème d’une certaine liberté de penser. Pas si mal pour un être humain !

Serge Debono

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