Pit Samprass – Naked and Covered
Petite chronique expresso sur le zinc
Pit Samprass ?
Comme le tennisman ?
Peut-être bien mais la causerie sur les mérites comparés de la terre battue ou du gazon, ce sera pour plus tard, si vous le voulez bien. Et si là aussi c’est une histoire de manche et de cordes, on lorgnera plutôt côté guitare que raquette. Grand balèze, la casquette à l’envers éternellement vissée sur le crâne, c’est vrai qu’on aurait pas aimé se prendre un service du fond du court. Il a du biscoto sous les tatouages ce Pit Samprass. Comme le tennisman ? Oui oui on y reviendra…
Du biscoto mais pas que…
De la bosse roulée itou. À rendre jaloux l’autre difforme de Notre-Dame. Années 80. Un jeune keupon orléanais, Pierre Mestrinaro, fan de skate, monte DDT, groupe Punk Hardcore biberonné aux Ramones, Adolescents et autres Hard Ons. En 1989 il rejoint les Burning Heads avec qui il va tenir le devant de la scène jusqu’en 2018, le temps pour la bande de devenir une référence incontournable de la scène Punk internationale. Infatigable, il joue aujourd’hui dans plusieurs combos dont Monde De Merde (Punk Hardcore), Broken Roses (Stoner) ou bien encore Go Public! (Power Punk Pop).
Et Pit Samprass alors ?
Comme le tennisman tout ça tout ça…
Oui oui j’y arrive.
Un jour un pote de Pierre, le voyant toujours traîner en short, comme le font tous les skateurs car, c’est bien connu, le plancheur à roulettes aime exhiber ses mollets musculeux et velus, le pote en question, donc, commence à chambrer, du style : « Hey ! Toujours en short ! On dirait un tennisman ! Hey Pete Sampras ! » Vanne qui, évidemment, ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd mais pile poil au creux des esgourdes de ses acolytes des Burning Heads dont les tympans, bien que régulièrement soumis à du décibel couillu, fonctionnent à plein rendement. Pierre vient de se trouver un surnom qui, à sa plus grande joie… va lui coller aux basques ad vitam eternam.
Fin 2021. Ca l’a pris…
… Comme ça. Pierre attrape une guitare acoustique et s’offre une petite reprise de NOFX qu’il enregistre à l’arrache sur son téléphone et balance illico sur Facebook. Le résultat ne se fait point attendre. Des copains ainsi que sa fille trouvent l’essai plutôt concluant et susurrent qu’un album serait une belle idée. Le pari séduit l’ex Tête Brûlée qui s’attelle alors à son ouvrage unplugged. Tâche facilitée par l’acquisition d’une baraque où, grand bricoleur devant l’éternel, Pierre a décidé de monter son studio. Quand ça veut, ça veut…
L’album, intitulé « Naked », est superbe. Et surprenant…
Il porte bien son nom. La sobriété mène la danse. Jeu, arrangements, voix. Pas de superflu. Pierre a viré le gras jusqu’à l’os, dénudant, c’est le cas de le dire, les chansons pour en extirper la substantifique moëlle, comme disait ce cher Rabelais, sacré Punk Rocker aussi celui-là. Car ici les chansons ne sont pas arrivées au pifomètre se caler douillettement au creux du sillon. Pas un hasard d’ailleurs si, au verso de la pochette, le guitariste prend la peine d’expliquer le choix de chaque compo. Choix parfois étonnant, donc. Si les adaptations de « Police and Thieves »des Clash, ou de « Don’t Want To Know If You’re Lonely » d’Husker Dü sont sans surprise de la part d’un zicos imprégné de Punk Culture, la présence d’Adriano Celentano, de Tracy Chapman ou de Gainsbourg étonne au premier abord.
Pit Samprass – Don’t Want To Know If You’re Lonely (Husker Dü) – Live à l’Engrenage à Balma
Et puis on se rend compte que…
… au-delà des styles, une mélodie, un texte peuvent faire vibrer une petite fibre personnelle, au-delà des styles et autres genres. « I Want To Know » de Celentano en est un bel exemple, Pierre ayant adoptée cette chanson pour rendre hommage à son père qui, émigré italien, était venu bosser dur sur les chantiers français.
Face A
Bob (NOFX) – Police and Thieves (The Clash) – Don’t Want To Know If You’re Lonely (Husker Dü) – Save Your Generation (Jawbreaker) – Not Listening (Snuff) – Silly Girl (Descendents)
Face B
Further On Up The Road (Bruce Springsteen) – Behind The Wall (Tracy Chapman) – Bad Wisdom (Suzanne Vega) – I Want To Know (Adriano Celetano) – Script (NRA) – Prévert Song (Serge Gainsbourg)
Enregistré, mixé et masterisé à la maison au This Time Studio
Photo pochette : Pierre Wetzel
Label : Kicking Records
Belle réussite pour ce premier jet impeccable…
… qui sera défendu tout aussi impeccablement sur scène. L’expérience a, il faut croire, filer le virus à notre homme à la gapette inversée. Un deuxième opus voit le jour en juin 2024, toujours chez Kicking Records. La recette goûtue ne change pas et qui se plaindrait de se régaler à nouveau les papilles auditives avec une sélection de haute volée dans laquelle Fugazi, Canned Heat, Johnny Cash et même Cheap Trick, oui oui, revivent en mode débranché, ou presque, car, à l’instar de « Naked », quelques enluminures saturées viennent électriser le propos. Sur cet album Pierre laisse aussi le chant à sa compagne Lucie (Hurleuse dans Monde De Merde) sur la reprise du « These Boots Are Made For Walking » de Nancy Sinatra.
Face A
Sugar Man (Sixto Rodriguez) – Going up the Country (Canned Heat) – Hey Lucy (Steve Soto) – Lost in the Supermarket (The Clash) – Folsom Prison Blues (Johnny Cash) – No No No (Dawn Penn)
Face B
These Boots are Made for Walkin’ (Nancy Sinatra) – Merchandise (Fugazi) – Surrender (Cheap Trick) – Against the Grain (Unsane) – Hanging on the Telephone (The Nerves) – I’ll Be Here on the Morning (Townes Van Zandt)
Enregistré, mixé et masterisé à la maison au This Time Studio
Pochette : Tibou
Label : Kicking Records
Une façon prenante et émouvante de redécouvrir dans le plus simple appareil des standards qu’on a parfois tendance à oublier dans le placard des classiques car écoutés jusqu’à l’usure en leurs temps.
Ajouté à cela un éclectisme rare, que demander de plus mon bon monsieur…
Pour info, Pit Samprass sera en concert le 4 octobre 2024 à l’Entre Potes, 1 rue de l’Ane Rez, à Chartres.
