I Don’t Like Mondays : le tube aux accents tragiques

0
1729
POP CULTURE RADIO La Culture POP a enfin trouvé sa RADIO !
Genres : radio
La culture se partage !

Le lundi noir des Rats

Certaines chansons sont trompeuses. I Don’t Like Mondays, des Boomtown Rats par exemple. La seule composition que le groupe du philanthrope Bob Geldof a réussi à caser dans les charts américains. Celle à laquelle son nom est irrévocablement rattaché. Certes, la musique, avec ses accents parfois plus sombres, peut laisser présager qu’il n’est pas uniquement question ici d’un type qui n’aime pas les lundis pour les mêmes raisons que la majorité des gens n’aime pas les lundis, mais quand même… Porté par des notes de piano sautillantes et par un certain second degré, illustré par un clip qui ne joue pas vraiment sur la sobriété, le morceau s’inspire pourtant d’une véritable tragédie…

Black monday

Brenda Spencer est une adolescente comme les autres. C’est du moins ce qu’elle inspire et c’est de toute façon ce que l’on dit quand subitement, quelqu’un de « normal » sombre dans la folie meurtrière. Rarement les personnes interrogées après des tragédies affirment des choses du genre « je savais qu’il allait passer à l’acte » ou « ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne cherche à massacrer tout le monde ». Non, en général, les personnes interrogées disent des meurtriers qu’ils étaient biens sous tous rapports, peut-être un peu discrets ou timides mais c’est tout. Brenda elle, était donc a priori ordinaire. Si tant est que l’on puisse qualifier une gamine de 16 ans qui aime la chasse d’ordinaire.

Brenda Spencer

Quoi qu’il en soit, le matin du 29 janvier 1979, Brenda demande à son père de rester à la maison. « Je ne me sens pas bien papa. » Une fois seule, Brenda sort le cadeau que son géniteur lui a offert pour Noël, soit une carabine Ruger 10/22 semi-automatique de calibre .22, équipée d’une lunette de visée et d’un généreux lot de 500 cartouches. Brenda aurait préféré une radio mais son père a jugé bon de se rendre chez l’armurier au lieu de donner son argent au type du magasin d’électro-ménager. Bien qu’elle aime chasser, la jeune fille trouve d’ailleurs sur le moment le cadeau un peu étrange. « Je pensais qu’il voulait que je me suicide » avouera-t-elle plus tard.

« Je n’aime pas les lundis. »

The Boomtown Rats

Cela dit, Brenda n’a aucune envie de se suicider. En ce lundi de janvier, elle se poste à la fenêtre de sa maison de San Diego en Californie, et commence à tirer sur les enfants qui attendent que l’école élémentaire, située en face, ouvre ses portes. Elle parvient à blesser huit écoliers et tue le directeur de l’établissement ainsi que la personne qui s’est portée à son secours, avant de toucher (non mortellement) un policier. Quand elle estime qu’elle en a assez fait, elle se barricade. La police arrive et au bout de plusieurs heures, Brenda accepte de se rendre quand le négociateur lui promet un repas chez Burger King. Entre temps, un journaliste est parvenu à obtenir son numéro de téléphone et a appelé Brenda pour qu’elle explique la raison de son geste. Sa réponse laissera le reporter pantois : « Je n’aime pas les lundis. Cela a égayé ma journée. »

Au tribunal, Brenda plaide coupable. Malgré ses 16 ans, elle est jugée comme une adulte et est condamnée pour meurtre au premier degré, à un minimum 25 ans de prison, sans espoir de conditionnelle. Son visage est fermé. Elle ne montre aucun remord, se contentant de répéter ce qu’elle avait dit au journaliste à propos de sa haine des lundis, ajoutant néanmoins : « j’ai vu les enfants comme des canards qui marchaient près d’un étang avec un troupeau de vaches tout autour. C’étaient des cibles faciles pour moi. » Sans le savoir, Brenda Spencer a inauguré une horrible tendance qui a toujours cours aux États-Unis et qui s’est donc poursuivie avec de nombreuses tragédies comme la tuerie de Columbine. Mais son geste a aussi inspiré une chanson…

Une tragédie dans les charts

Quand la terrible nouvelle fait le tour des médias et glace la terre entière, Bob Geldof, le leader des Boomtown Rats donne une interview à la radio avec Johnnie Fingers, le claviériste du combo, au sein de la Georgia State Universtiy. À côté de son siège, le télex sonne et crache un message concernant l’affaire Brenda Spencer. Très vite, Geldof, aidé par Fingers, compose la chanson I Don’t Like Mondays.

Prévu pour figurer sur une face B, le titre se retrouve néanmoins en face A après avoir reçu l’approbation du public lors des concerts du groupe. De son côté, la famille de Brenda Spencer fait tout pour empêcher sa diffusion mais sa voix n’a que peu de poids face à celle de l’industrie du disque, alors toute puissante. S’il se défend sur le moment d’avoir sorti I Don’t Like Mondays dans l’idée d’exploiter une tragédie, Geldof déclarera plus tard regretter le morceau car il avait rendu Brenda Spencer célèbre.

The Boomtown Rats I don't like mondays

I Don’t Like Mondays a beau être boudée par les radios, en raison de ses liens avec la tuerie de San Diego, les fans la réclament. Le succès est planétaire. Sur la scène du Live Aid de 1985, que Bob Geldof a organisé au stade de Wembley, les Boomtown Rats ne peuvent pas l’esquiver. Dix ans plus tard, Jon Bon Jovi et Geldof interprètent ensemble le titre sur la même scène. Ils récidivent, notamment en France en 1996, sur le plateau de l’émission Taratata.

L’effet du temps

Le temps s’est chargé d’arrondir les angles. Si l’année 2021 pourrait bien voir Brenda Spencer sortir de prison, après de multiples demandes de libération conditionnelle rejetées, la chanson elle, sonne désormais presque de manière indépendante. Les supporters du FC Copenhague, qui en a fait son hymne, connaissent -il par exemple son histoire ? Bob Geldof a beau regretter, il est désormais bien obligé de l’interpréter. Après tout, il s’agit, et de très loin, du plus grand tube des Boomtown Rats.

En 2017, la formation se retrouvait même sur la scène du Wacken Open Air, un festival très metal. Geldof aurait-il été invité sans I Don’t Like Mondays, entre Ugly Kid Joe et Mambo Kurt ? Le regard que jette le chanteur à la foule, après avoir souligné le mot « die », 3 minutes et 20 secondes après le début de la chanson, traduit-il sa volonté, malgré l’enthousiasme de la foule, de rappeler qu’il s’agit d’un morceau grave et non pas du genre de hit sur lequel on peut s’amuser comme on pourrait le faire sur du Madness ? Allez savoir…

Did you enjoy this article?
Inscrivez-vous afin de recevoir par email nos nouveaux articles ainsi qu'un contenu Premium.

Laisser un commentaire