MOTÖRHEAD – Les derniers rugissements
Lorsqu’on évoque Motörhead, comment ne pas faire référence à la première mouture du trio, avec Philthy « Animal » Taylor à l’enclume et « Fast » Eddie Clarke au lance-flamme ? Les fomenteurs et vrais dynamiteurs de l’époustouflant Overkill (1979) sont dans toutes les mémoires. Pourtant, sur Aftershock (2013), le dernier grand album du bombardier, les deux musiciens qui entourent Lemmy ne manquent pas de souffle ! Précisons que Mikkey Dee désosse sa batterie tel que Philthy aimait le faire et que si, en 2020, quelqu’un fait perdurer l’esprit de Motörhead, c’est bien Phil Campbell au sein de The Bastards Sons ; braves fistons.
MOTÖRHEAD – Heartbreaker
Bien sûr, Bad Magic (2015) est le véritable dernier enregistrement du groupe mais, même s’il contient son lot de sensations fortes, Aftershock lui est supérieur en intensité, en originalité et en impact. Le niveau atteint tutoie celui des premières œuvres, dont Ace of spades (1980), La référence. Le laminoir façonne le même acier et la brutalité rudoie tout autant les tympans. Autre parallèle, l’eau de feu qui circule dans les veines des guerriers, leur carburant, atteint un degré d’efficacité similaire à celui d’antan. La sauvage animalité identifiée il y a maintenant presque quarante ans reste l’Alpha qui gouverne la meute.
La pochette d’Aftershock professe des terres brûlées, des fumées évanescentes au sortir de l’incendie. L’environnement après lecture du disque ? A moins qu’il ne s’agisse d’un cloaque où des sables mouvants captureraient l’auditeur stupéfait ? Certitude, les conduits auditifs scarifiés ne se sont jamais tout à fait remis après le passage de la bande à Lemmy.
Paralyzed
Lorsque les grands mammifères sentent leurs fins venir, ils retournent aux racines, au terreau de leur existence. Pour Lemmy : le blues. L’atmosphérique « Lost woman blues » ouvre une porte où le prince démoniaque du rock lourd s’immisce corps et âme. Il y dépose une partie de ses influences puis s’ouvre les veines sur « Dust and glass », un heavy blues définitif. Aftershock apparait alors comme une œuvre originale, à l’opposé d’une resucée de ce qui a fit la renommée de Motörhead : un « no speed freak limit ».
MOTÖRHEAD – Dust and glass
Tout au long de la traînée incandescente laissée par le groupe, peu de personnes semblent s’être étonnée que sa musique ait pu conquérir des millions d’adeptes avec un chanteur à la voix si particulière. Tout au contraire. Ce cri d’ours en colère parcourant l’écho des Montagnes Rocheuses, sanglantes vocalises d’un grizzly blessé, est devenu l’estampille de la horde. Seule véritable rivale à la rocailleuse avalanche, le grondement titanesque et distortionné d’une Rickenbacker pluggée dans un Marshall baptisé Murder One, Lemmy Kilmister signature !
Mauvais traitement administré au médiator, le son du rock’n’roll ! Celui de l’éternel adolescent qu’on annonce mort depuis des décennies.
Do you believe
Le rock’n’roll, mort ? Le 28/12/2015 le Dieu des forges et des métaux décide de quitter la planète … non sans avoir préalablement voyagé une dernière fois : « Après une bouteille de vodka, rien de mieux qu’une téquila ».
MOTÖRHEAD – Going to Mexico
« Jimi Hendrix, Phil Lynott, Joe Strummer, Ron Asheton … Philthy, Fast Eddie, Würzel, pour jouer du rock’n’roll, il n’y a pas meilleure compagnie que ses plus vieux amis. Croix de bois, croix de fer, si je meurs, je vais en Enfer ».
Raté Lemmy. Comme eux, tu es au Paradis.
Thierry Dauge