SPARKS : Cult’n’Kitschissime rock
1974 : « On allait au bord de la mer … »
Sparks : la partie de pêche en mer se déroule au mois d’août, dans la baie de Douarnenez. Gentiment balloté par la houle à cent coudées du port, entre les casiers de truites de mer et la plage du Ris, non loin des Plomarc’h. L’embarcation ? Un Tabur®, petite coque en plastique moulé : trois hommes à bord plus un collégien. Lorsque Jacquo largue de la « bouette » pour appâter le poisson, l’adolescent amorce au petit déjeuner de son côté. La « bouette » ? Mixture à base de poissons pourris et autres ingrédients morts, propice au délestage d’estomac, arme biologique non répertoriée.
Au retour, merlans et maquereaux garnissant le panier, les trois adultes décident d’un « verre de blanc » au bar de la criée. Installé derrière sa grenadine, l’ado philosophe sur les vertus des sucs gastriques dans l’eau de mer lorsque, venant du juke-box : « Tou, tin, tou, tin, tou, tin, tou tou – Tou, tin, tou, tin, ta, tou ». La chair de poule gagne. Une voix de tête et des coups de feu sur une musique pop, glam, heavy. Dans le giron de la boite métallique, au travers l’épaisse plaque de verre, le titre de la chanson s’illumine sur l’étiquette : « This town ain’t big enough for both of us », un roman.
Sparks – Kimono my house & Propaganda
Si ce morceau est un pur régal, mémorisable grâce à son intro à l’orgue: suite de notes ressassées d’une main sur le clavier, les autres titres du disque ne sont pas en reste, l’intégralité de l’album ne lâchant pas d’un pouce ce niveau d’excellence. Les dix titres s’enchaînent en une sorte d’opéra-rock dont les différents actes portent des noms hauts en couleurs: « Falling in love with myself again », « Here in heaven », « Thank god it’s not Christmast » ou « Talent is an asset ». La somme de toutes ces chansons hisse « Kimono my house » au rang des 33 tours incontournables. Sans parler des deux 45 tours sortis concomitamment et dont les Face B rivalisent avec leurs opposées. Avec « Barbecutie » et « Lost and found », la hotte est pleine.
Seulement voilà, ça ne suffit pas. Les frères Mael, Ron et Russel, recèlent encore bien des secrets musicaux qu’ils souhaitent livrer aux mélomanes. Alors, la même année sort « Propaganda ». Moins connu que son prédécesseur, il fait tout autant figure de coffret à bijoux. « At home, at work, at play », « Reinforcements », « BC », « Something for the girl with everything « ou « Achoo » sont autant de gourmandises pop rock à laisser fondre sur et sous la langue. Une fois ferré, l’auditeur est « foutu ». Plus moyen de s’en passer ! Sparks, une drogue dure en écoute libre! L’amateur foudroyé, cervelle saillant des pavillons auditifs, se pose alors une question existentielle: Sparks sort-il de nul part ou bien y-a-t-il un « avant », des munitions supplémentaires à centrer sur la platine ?
Sous la désinvolture, un travail d’horloger
A woofer in tweeter’s clothing (1973), bien que moins glam, contient les bases des albums à venir. Un 45 tours irrésistible en est extrait, deux titres magistraux pétris d’originalité : « Girl from Germany » et « Beaver O’Lindy ». Cette voix de fausset qui s’envole dans les aiguës, classieuse et céleste ! Cet orgue martial qui regorge de mélodies à la mécanique imparable! Ces « cinglettes » de guitares heavy intervenant en situation, à propos accrocheurs et millimétrés. Cette basse mixée droit devant qui boxe et bondit à l’assaut des tympans. Sous l’apparence d’un humour désinvolte, car le groupe n’en manque pas, se cache un travail d’horloger. Vous voulez le beurre, l’argent du beurre et le derrière de la crémière ? Here is Sparks ! Votre « soupière ».
Sparks – Les frères Mael en concert
En septembre 2006, à l’occasion du « Hello young lovers World Tour », les Étincelles se produisent en France, à l’Elysée Montmartre – Paris. Pour se faire une idée de la puissance de feu d’un groupe, rien ne vaut l’expérience live. La première partie du show est réservée à l’exécution intégrale de l’album susnommé. De vives oreilles, la partition est alléchante mais le playback sur platine se révèle superfétatoire.
Après un entracte, la deuxième partie présente bien des choses … fantastiques ! Grandioses ! Un rêve de fan éveillé ! Malheur à celles et ceux, amateurs de rock essentiel, qui ont négligé l’événement. Des classiques et encore des classiques puisés au creuset d’une discographie plurielle. La voix intacte et l’orgue virevoltant fleurissent la sono, soutenus par une rythmique puissante où la Les Paul de service, tenue par Jim Wilson, le bretteur blues heavy rock de Mother Superior, crache le feu.
Les hits sont dégainés par dizaines ! Le public frémit de bonheur, électrisé, extatique, foudroyé par l’harmonie qui le lie aux artistes. En décembre 2013, les frères se produisent en duo : voix/clavier, à l’Alhambra – Paris, pour ce qu’ils nomment : « The revenge of two hands and one mouth ». Le plaisir de les retrouver est bonifié par une prestation cinq étoiles où l’honnêteté provoque l’engouement. Même sans autres instruments, les chansons touchent le public au centre de la cible, en plein cœur. La dernière visite de Sparks en France remonte à octobre 2017, à l’occasion de la sortie d’ « Hippopotamus », le p’tit « nouveau ». Cet album remonte le temps pour proposer des chansons qui ne sont pas sans rappeler les libations de 1974. Seule différence, mais de taille, les guitares sont perdues dans le mixage, à des kilomètres du clavier. Qu’en est-il de sa relecture sur scène ?
En gras sur l’agenda
La Gaieté Lyrique affiche complet. En plus du binôme infernal et d’une paire basse/batterie, on compte un percussionniste « faiseur » de bruits et deux guitaristes électrifiés. Autant dire que, ce soir-là, l’ex pop-rock « glamisante » et heavy résonne à nouveau sous les cintres. Festival! Feu d’artifices! Explosions de couleurs et de notes surlignées de cette voix infaillible qui navigue sur le sommet des octaves sans jamais se départir de sa justesse ! Tout simplement: le bonheur !
Ladies and gentlemen, vous devez garder une place dans vos agendas où inscrire en gras le nom de Sparks pour que, s’ils passent par vos casbahs, vous ne les manquiez pas.
Thierry Dauge