THE BLACK CROWES – The southern companion
Histoire de pressages
J’achète quatre fois The southern harmony and musical companion (1992). Une première fois au format CD puis trois fois en vinyle. Le premier vinyle est une réédition de 2009 et le deuxième… La même chose. Sur les deux pressages, la tête de lecture de la platine zappe au beau milieu du solo ravageur de Sting me. Même problème même endroit! Décidément, les défauts de pressage des vinyles récents sont récurrents. Conclusion: à la recherche d’une édition originale!
Dans ce cas de figure, pour peu que vous passiez par Internet et un site de vente aux enchères, il faut faire preuve de patience et d’enchérissements stratégiques avant d’entrer en possession d’un pressage « Def American », made in USA. Chose faite, l’harmonie musicale de votre nouveau compagnon vous baigne enfin.
The Black Crowes – Sting me
The southern harmony
Picorer leur album précédent, et 1er Lp, permet d’identifier la voie musicale suivie par les Crowes: un blues rock soul sublimé sur ce second enregistrement. Pourtant, des voix s’élèvent qui crient au plagiat et décrient l’œuvre à ce titre. Qui, que, quoi vomit cette anathème? La vile jalousie d’un blues-rock band délaissé? Le débinage d’individus incapables d’autres choses que d’empreintes médiocrement grasses sur le manche d’une copie d’ES 355 désaccordée? Même si leurs influences musicales ressortent, évidentes, l’objectivité passe par le respect. Et puis, ces indéniables emprunts ne proviennent-ils pas de solides références? The Black Crowes? Vingt ans plus tôt, le groupe se serait appelé Humble Pie !
La chanson Sour grain, extraite de Rock on, merveilleux Lp de Marriott and Co, peut soutenir l’allusion à elle seule. Poussant plus loin l’avanie, des provocateurs certifient que toute l’œuvre des Black Crowes sort de ce titre. Au-delà du domaine purement musical, même les quelques photos des musiciens dégingandés au dos de la pochette de Rock on provoquent le rapprochement avec le visuel de The southern harmony and musical companion.
Réflexion: le mode «à la manière de» en référence à l’excellence n’est-il pas préférable à une originalité sans intérêt? En dernier ressort, que reste-t-il de la polémique? La filiation au Maitre du genre via le témoignage d’une jam incestueuse avec Dieu le Père: Live at the greek, triple album de reprises de Led Zeppelin approuvées par et en compagnie de Zoso lui-même.
The southern harmony and musical companion, album plébiscité
Ces types exsudent le génie. The southern harmony… est plébiscité mais, dans leur discographie, on peut tout aussi bien citer By your side (1998) ou Lions (2001) comme autant d’autres perles. Ces deux derniers albums sont de facture musicale et émotionnelle pour le moins d’un niveau supérieur. Le grain soul dans la voix de frère Chris associé aux harmonies sudistes des doigts de frère Rich génèrent une alchimie rare où le blues rock transpire ses racines.
Que le tempo soit middle ou hot, un parfum suranné de Sécession enveloppe les chansons: des camélias sur des vérandas à colonage, du gospel dans des champs de cotons. Magnifiant l’électricité, des chœurs soul de femmes noires accompagnent le voyage vers les terres du paradis perdu. The Black Crowes? L’Amérique profonde est leur terreau. Faire ressortir une chanson parait difficile, toutes étant de qualité égale dans leurs particularismes. De fait, face à ses détracteurs, le groupe nécessite-t-il d’être défendu? Remedy .
The Black Crowes and Jimmy Page – Heartbreaker
Il existe des groupes à grand spectacle: pyrotechnie, show laser, effets spéciaux en tous genres voire recours à des bandes enregistrées. D’autres organisent sur les planches une «teuf» à tout casser, avec acrobaties et pyramides humaines. J’adore ces deux types de prestations.
en live, ça donne quoi ?
Au Zénith de Paris, le 4/02/1995, à l’occasion de la sortie du Lp Amorica, The Black Crowes proposent tout autre chose. La relation de proximité qu’ils créent avec le public s’apparente à celle des orchestres de jazz envers le leur. La scène devient un quartier noir d’Atlanta, Géorgie. De cette terre natale, ils nous font savourer une soul hard rock pulsatile et organique «dans la chaleur de la nuit». Des grappes de notes «groovy» s’échappent des amplis comme des émanations évanescentes montant de la terre chaude après la pluie. Il est fort probable que feu Miles Davis aurait aimé tresser des harmonies sur les gammes de ces hommes-là.
«Hier», le 27/06/2013, 18 ans et 4 mois après cette première expérience, ils reviennent dans une salle de proximité, à la Cigale – Paris. Ce coup-ci, ils n’ont rien à vendre: une tournée pour le plaisir de jouer. L’énergie soul/blues mâtinée hard rock psyché dont ils nous gratifient emplit les spectateurs de cette même félicité, ce sentiment précédemment éprouvé. Sur le visage des musiciens, les sourires entendus fleurissent à satiété. Les frères Robinson s’aiment/haïssent par vagues cyclothymiques. Ce soir-là, l’amour de la musique qui les unit, nous emporte avec eux très loin dans la nuit.
Thierry Dauge
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