Sur mesure

Classieux et audacieux. Voilà deux adjectifs qui collent bien aux costumes des gens de Tindersticks en ce milieu des années 90. En effet, il faut oser dès leur premier et double album éponyme en 1993, proposer un patchwork – leur premier single d’ailleurs – citant aussi bien le Velvet Underground que Nick Cave ou Lee Hazlewood, pendant que le Grunge et la BritPop se disputent les têtes de gondoles. Quant à la classe, avec leurs trois pièces, un coup d’œil aux photos suffit. Et alors sur scène…

Stuart Staples, le chanteur à la voix grave toujours fatiguée raconte sa mélancolie pendant que ses complices, cinq ou six, avec ou sans trompette, oscillent entre romantisme et montées de fièvre grâce à un instrumentarium plutôt étendu : piano délicat ou bastringue, orgue poisseux (Dave Boulter), violonades (Dickon Hinchliffe), guitare plutôt discrète mais obsédante (Neil Fraser) et une section basse / batterie – percus improbable, presque bancale (Mark Colwill et Al Macauley). Plus, de temps en temps donc Terry Edwards à la trompette et au saxophone ! On se souvient encore de leur première date française, un soir d’Octobre 1993 à Lille (Lire : Tindersticks : leur premier album)… Après le succès inattendu de leur opus initial, très vite, le collectif se met à la tâche pour la suite…
Tindersticks – Patchwork – First Album (1993)
Le journaliste suisse Christophe Schenk, lui aussi passionné par le groupe de Nottingham depuis ses premières heures, nous raconte avec brio dans son nouveau livre (Collection Discogonie) les arcanes de ce deuxième opus, préparé dans l’enthousiasme. Car, pour une fois, les gars de Tindersticks ne vont pas connaître les affres habituelles après un premier album talentueux. Au contraire. Grâce à ses recherches mais aussi des entretiens personnels inédits avec les différents membres du groupe, l’auteur révèle le choix d’une orientation plus sensible, moins marquée par des scories rock.
Tindersticks – My Sister – Second Album (1995)
Cela passe aussi par une nette ambition musicale assumée, avec des arrangements plus complexes et une plus grande utilisation des cordes, au sens large, puisqu’intervient alors sur certains thèmes tout un orchestre, sous l’égide du violoniste Dickon Hinchliffe.
Tindersticks – Talk To Me – Second Album (1995)
Lors du déroulé de ce double album, un rituel chez Discogonie, Christophe Schenk en évoque bien sûr l’un des climax, le duo pour Travelling Light, entre Stuart Staples et Clara Torgerson, la chanteuse des Walkabouts, autre bande – américaine – trop peu connue. Une conversation sous influences… On signalera d’ailleurs en aparté que les Walkabouts eux-mêmes intégreront des cordes pour leur très beau disque de 1996, Devil’s Road, avec quelque chose des amis de Nottingham dans l’approche. Saluons également la part réservée aux textes, souvent énigmatiques et opaques chez Tindersticks, et ici plus clarifiés, quand c’est possible.
Tindersticks – Travelling Light / Single (1995)
Évidemment, l’analyse de la pochette, avec les photos d’essayages sur mesure comblera les amateures et amatrices de belles coupes et de beaux tissus, un développement qui en dit plus qu’on ne le pense sur l’originalité des dandys anglais. Enfin, dans le long épilogue du livre, Christophe Schenk explore des pistes pertinentes sur le parcours de Tindersticks après la sortie de ce grand œuvre en 1995, encensé chez les uns, incompris chez les autres. Une belle occasion de le découvrir ou de le revisiter !
Bruno Polaroïd
Tindersticks : Second Album par Christophe Schenk – Collection DISCOGONIE / Éditions Densité – 128 pages – 12,90 € – Disponible depuis le 7 Mars 2025