Fanzine Story 28
La folle épopée des fanzines d’Eure-et-Loir
Première partie
La photocopieuse en surchauffe. Encore un bourrage. Saloperie de bécane ! Les catalogues Letraset vandalisés au coupe-coupe pour fagoter les gros titres. Putain de magnéto qui bouffe la bande au début de l’interview. Les coins de table de salle à manger transformés en salle de rédac. Uhu Stic et cutter : Les armes des preux chevaliers de la presse pirate. Bien décidés à bricoler un canard de fortune, imprimé à l’arrache, agrafé faut voir, noir et blanc saturé comme la gratte du Punk Rocker ornant la couvrante. Des passionnés. On y croit les p’tits gars ! Le meilleur groupe du monde qui répète pas loin au bout de la rue enfin à la une. Sur 5 colonnes avec des caractères comacs bien gras.
Eh ouais ! les fanzines !
Bricole, bouts de ficelles et 50 exemplaires à la clé. Vivement le prochain numéro. Qu’on se rejoue les petits Lester Bangs du dimanche. Lester Bangs. Les Amériques, presque 50 ans à reculons en partant d’ici. À l’époque contre culture, Rock psychédélique, BD et ciné underground trouvent leurs scribes. Les feuilles de chou explosent de partout. Ca bouillonnent comme ça jusqu’au Punk qui enfonce le clou avec son mot d’ordre : Do it yourself ! Si le décor vous plaît pas, repeignez le vous-même ! Sniffin’Glue chez les britiches, Maximum Rock’n Roll chez les Yankees, bottin gravé sur gratte-cul, gavé d’infos, chroniquant les moindres démos affluant des pires trous paumés de la planète.
Et cheu nous, me direz vous ?
Ca commence à s’agiter au début des années 80. Quelques années après les angliches, les frenchouzes découvrent à leur tour les joies du joyeux bordélisme éditorial. Fanzines, bien sûr, mais aussi labels de poche, assos de concerts s’organisent et tissent la toile d’avant internet. Et L’Eure-et-Loir ? Bien que vous supputassiez le contraire, cela s’agita aussi au pays de la moiss’ bat’ éternelle.
Fanzine Story 28 est cette histoire…
… que cette chronique va vous narrer. Avec en guest stars, les protagonistes de l’affaire : Lionel, alias “Jackou le Rockant”, ardent pionner de l’odyssée zinesque, bassiste à ses heures dans quelques combos sauvageons, et inventeur de LCDV, La Chronique Du Vermifuge ; Agnès, concocteuse de la redoutable potion Arsenik ; Pascal Verdier, agitateur de La Rumeur ; Poup avec son Nestor Mag ou bien encore “Pinky” et ses Amours Étranges. Au passage, merci à eux pour toute la documentation fournie. Valeureux chroniqueurs dont la pointe Bic acérée déversa durant une poignée d’années moultes hectolitres d’encre bienfaitrice envers la cause Rock’n Rollienne du 28 et d’ailleurs.
La Chronique Du vermifuge
Né dans l’ombre de l’émission radio Le Cri Du Vinyl de Jakou Le Rockant, La Chronique Du Vermifuge (1984/1985) aura été durant 4 numéros le reflet joyeusement foutraque de ce que pouvait nous apporter, en terme de liberté non surveillée, la culture Rock ! Orientation principale : les groupes Français reconnus (Cyclope, Dogs, Nuclear Device, Les Thugs) ou régionaux et locaux (Mister Winston, New Plouc, Vendredi 13…).
C’est fidèlement épaulé par Eric “Jokari” (photocop’ et distrib’), Isabelle “Nadejda 7” (interviews et chroniques), Poup (graffitis déjà!) et Lorenzo (photos) que Jakou s’évertuera à propager la bonne parole, spirituellement guidé par l’érudit Roger “Planet Claire” (Romance Records, Juke Box Mag).
Passions et amitiés, ou comment essayer de faire bouger les choses là où il ne se passait quasiment rien…
Arsenik
Basé sur Hanches, du côté de Maintenon, Arsenik voit le jour, après datation au carbone 14, vers 1988. Cette décoction là est la création de deux fanzineuses émérites, une certaine Aurélie, alias “Really” et une certaine Agnès. Supposons que Hanches ne devait pas être ce qui se faisait de mieux pour assouvir les appétits rock ‘n rolliens des deux donzelles. Tenter l’aventure d’un fanzine ? Bon remède à l’ennui pour oublier les rues désertes dès 6 heures du soir…
Dans une mise en page bordélique assumée…
… avec rajout de dernière minute dans les coins, Arsenik se voulait éclectique, proposant les habituelles rubriques, concerts, news, disques mais aussi des nouvelles, des chroniques variées supportant des groupes locaux mais se frottant itou à de l’artillerie lourde style Iggy Pop. On trouvait même, entre le dernier Ludwig Von 88 et le prochain Roadrunners, un petit quelque chose sur Brel, personnage à la présence plutôt rare dans les colonnes fanzinesques.
Truffé de photos et de dessins…
… Arsenik donnait bien cette impression du “on aura jamais assez de papier pour tout mettre”. Ce qui semble être l’ultime numéro, retrouvé après des recherches acharnées du côté de Poitiers sur le site de fouilles dit “La Fanzinothèque”, se situe en 1991 avec un “Arsenik micro” beaucoup plus maigre que ses prédécesseurs.
La Rumeur
En voilà un chouette de fanzine eurélien !! Né d’un pari entre Pascal Verdier (amateur éclairé de Rock kangourou, du Clash, de Joy Division et de sons “garage”) et de son cousin Philippe, La Rumeur n°1 sera tiré à 21 exemplaires !
Ce sera durant 4 numéros…
… le fanzine du “Rockeur Moderne”, axé très Rock’n Roll (Inmates, The Sentinels, Fixed Up, Roadrunners, Bananatrash, David Dufresne, Ambulances, Wampas), regorgeant de radicales critiques, d’interviews solides, d’articles judicieux et tranchants… Il était réalisé avec beaucoup de goût et de passion, avec un souci évident de qualité.
Pascal, c’était aussi…
… Rave Up Records, avec pour seule et unique sortie du label, le LP des Bananatrash. Une boîte de Pandore qu’on aurait aimé ouvrir à nouveau…
Amour Étrange
Maryse “Pinky” Fouré était la vétérante du circuit local. Habitée d’une poésie loufoque et drôle, éternelle amoureuse des “beaux dieux” du Rock, déconneuse et fan de mail-art, elle se devait de publier elle aussi quelque chose. En Avril 92, elle accouche du Petit Guide Musical d’Eure-et-Loir : elle y recense groupes, zines, assos, etc…
9 octobre 93…
… Festival rock d’Orléans avec Divine Comedy, Compulsion, puis Strangelove et la belle gueule de son chanteur Patrick Duff. Grâce à lui, elle choisira Amour Étrange au milieu d’une quarantaine de noms pour baptiser son fanzine, d’abord format A4 plié A5 qui finira à 18 pages pour le numéro de janvier 2000 !
C’était délicieusement éclectique…
… foules d’adresses, de news, de conseils, de politique (un poil), d’interviews, de recettes de cuisine ! Maryse c’était aussi “Les Poissons Rouges”, cette asso créée pour la diffusion des musiques bruyantes ! Pinky nous a quitté pour un autre monde mais “l’esprit ne meurt pas de toutes façons” (Dernière page d’Amour Etrange de janvier 2000).
Cette chronique lui est dédiée.
Bientôt Fanzine Story 28 deuxième partie ! Stay Tuned !!!