Drones, épitaphe heavy loud de MUSE ?
Après trois albums, certes superbes mais assez consensuels, partitions cheminant à l’orée d’une « world music » variétale, surtout comparés à la triplette initiale, Muse décide de revenir au « gros son » avec Drones (2015). Dans cette optique, avant de parler compositions, le choix du producteur s’avère décisif. Qui pour exploser les boomers, déchirer les mediums, vriller les aiguës ?
Le plombier infernal de Back in Black du Z’Dess, du 4 de Foreigner ou de l’Hysteria du Leppard semblait tout désigné pour le boulot. Ainsi soit-il ! Robert John « Mutt » Lange, l’autre sorcier du son canadien après Bob Ezrin, œuvre donc à la console. Et ? Même si la batterie sonne « un rien » synthétique, sans doute en lien avec le vouloir de Matthew Bellamy et le concept futuriste de l’album : ça pulse !
MUSE – Dead Inside
De suite après l’ouverture du bal, ce « Dead Inside » plutôt martial, « Psycho » reprend une thématique assez similaire à celle de Status Quo dans « In The Army Now » (1989) ou Kate Bush avec « Army Dreamers » (1980). Pour la musique, malgré quelques bruitages et sons de synthétiseurs malvenus insérés çà et là, Muse met les bouchées doubles. Pour preuve, l’enchaînement « Psycho » / « Mercy » envoie une sauce tabasco pimentée susceptible de cramer les muqueuses de l’auditeur, de la bouche au rectum. Mais ça n’est qu’une prémisse du tempétueux carré qui suit !
Psycho
« Reapers », et son tapping infernal, « The Handler » « (JFK) Defector » et « Revolt » crèvent les blindages les plus épais, dissolvent les matériaux insolubles, rayent le diamant, percent des trous de balles dans les cerveaux, en chassant par là même le fécal au profit du musical. Une fois purifiée, la matière grise s’écoule virtuellement pour venir tapisser le visuel « décérébré » du fruit de notre questionnement.
MUSE – Reapers
On retrouve la même bellicosité dans « Kill or Be Killed » et « Won’t Stand Now » sur Will Of The People (2022), la dernière livraison en date du trio. Le souci (?), c’est que ces assauts se noient au milieu d’un gaspacho de gastéropodes sans coquilles. D’où la question initiale : Drones, épitaphe heavy loud de Muse ?
The Handler
Bien sûr, cette interrogation, sorte de critique négative sous-jacente, ne vaut que pour les fans « hardcore » du groupe, celles et ceux qui apprécient la saignée pendant et après l’écoute. Tous les autres, et ils et elles sont des millions, se baignent enjoués dans les cascades de sucreries déversées par les « garçons de plage » de Teignmouth ; cité balnéaire du Sud de l’Angleterre dont ils sont originaires.
MUSE – (JFK) Defector
Osons un parallèle. Les riffs entrelacés de « Defector » présentent une façon évoquant un autre géant des stades, tout autant victime d’une détestation journalistique que notre trio : Queen. A partir de quel album, la Reine s’est-elle défait des éléments plombés de sa cuirasse ? Idem pour d’autres compatriotes. On pense à Def Leppard, tout de chrome et d’électricité vêtu avant que ses membres perdent leur énergie primale sans plus savoir y revenir.
Revolt
Concession 1 : Avec Muse, même ripolinées, les griffes persistent. Lorsque la surface d’une musique trop lissée amène l’auditeur à bayer, ils dégainent un arc électrique détonant. Drones, « épitaphe », parce que les amateurs de bruits savamment orchestrés aimeraient qu’ils le fassent plus souvent. Des avis différents ? On en cause ?
Concession 2 : D’accord, les volutes de voix épurées n’ont jamais nui aux salves barbelées.
MUSE – Drones
Au fait, Muse, glam ou pas glam ? Le chroniqueur est toujours partant pour des échanges « drones » et « a-Muse-ants » !
Thierry Dauge