Franz SCHUBERT – Les Impromptus par A. Brendel

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Franz SCHUBERT – Les Impromptus par A. Brendel

Franz Schubert

Gérard Depardieu, face caméra, dans Trop Belle Pour Toi : « Y’en a marre de Schubert ». A ce moment du film, pour accompagner la scène, l’Impromptu Op. 90 D. 899 – n°3 en Sol bémol de Franz Schubert transcende la pellicule, magnifie le jeu de l’acteur, chavire le spectateur.

L’impromptu dont il s’agit évoque la nostalgie, précipite un état émotionnel qui exalte les sentiments les plus profonds. Ses notes descendent au cœur du cerveau reptilien, au plus près de l’âme de qui l’écoute. Il joue la partition de ce que nous fûmes, ce que nous sommes et ce que nous serons. Le bouleversant état dans lequel il plonge, fige l’esprit, comme en suspens, le charme n’étant rompu que par la volonté d’y échapper. Piège musical redoutable, addictif à l’excès, il se retrouve en but à la réalité. Se pourrait-il qu’en noircissant sa partition le compositeur ait approché le mythique chant des sirènes ?

Franz SCHUBERT – Impromptu Op.90 D.899 – n°3 en Sol bémol

Qu’est-ce qu’un « Impromptu » ? Les ouvrages de références parlent de poèmes improvisés. Schubert a donc composé ses huit morceaux tels des improvisations, dans une liberté d’esprit qui lui permit toutes les audaces. En 1827, lorsqu’il les élabore, il a trente ans. Son portfolio regorge alors de près d’un millier d’œuvres dont la plupart feront l’objet de publications posthumes. Par chance pour ses contemporains, ses Impromptus verront le jour de son vivant. Décédé l’année suivante, il s’en sera fallu d’un an.

Les Impromptus se présentent sous la forme de deux fois quatre pièces pour piano numérotées de 1 à 4 au cœur de deux Opus distincts : Op ; 90 D. 899 et Op. 142 D. 935. Réunis dans un même livret, chacun affirme sa propre singularité.

Franz Schubert

Les phrases égrainées dans la première partie de l’Impromptus Op. 90 D. 899 – n°1 en ut semblent perdues, égarées, existent en parallèle les unes des autres sans jamais se croiser. Un sentiment d’attente né chez l’auditeur, une apnée cognitive qui force son attention. Soudain, les notes se lient. Ce nouveau climat transfère l’instant suspendu vers un état d’apaisement, comme « attendu ». Le temps reprend alors son cours et nous notre souffle.

Franz SCHUBERT – Impromptu Op.90 D.899 – n°1 en Ut

Rattachés au mouvement Romantique, ces courtes pièces musicales n’évoquent pas toutes des amours évanescentes, la peau diaphane d’une jeune femme exposée à l’œil concupiscent de l’être énamouré qui, pourtant, n’osera la toucher. Ainsi, l’Impromptus Op. 90 D. 899 – n°2 en Mi bémol virevolte, papillon blanc pris dans les ailes du vent. L’après-midi se veut ensoleillée, blondie par les blés. Chevauchant une alouette, l’oreille parcoure de vastes étendues. Les lèvres rouges et entrouvertes des coquelicots lui promettent des baisés que les corolles des bleuets auront parfumés. Champêtre, ce morceau disperse les sombres pensées puisées à l’encrier du labeur quotidien. Une bouffée revigorante sur l’horizon sclérosé par l’actualité.

Impromptu Op.90 D.899 – n°2 en Mi bémol

Le plus long des Impromptus se présente en sept tableaux. Dans le premier, l’enfance est hésitante, bridée tout autant par les interdits que l’inconnu. Et puis l’adolescence survient, cette valse folle où laisser libre cours à ses envies. On se raconte des histoires, les rires fusent et les corps s’animent en un joyeux quadrille. Mais les adultes veillent et rappellent au sérieux, font fi de la frivolité, travailler, bâtir sa future existence. « Mais, père, quoi d’autre qu’apprendre la vie par l’expérience ! ».

Des cris viennent de la rue : « Viens ! Sors ! Profite ! ». J’ai des devoirs à faire. « Viens ! ». Je ne puis. « Alors, tant pis … ». Ne reste qu’à s’évader par la pensée. A moins que … La fenêtre s’ouvre et l’oiseau s’envole. L’adulte, résigné, espère alors que sa descendance trouvera le bonheur promis qu’il n’a jamais conquis.

Franz SCHUBERT – Impromptu Op.142 D.935 – n°3 en Si bémol

En musique classique, une fois l’oreille éduquée à la façon de jouer d’un artiste, il devient difficile de s’en défaire. L’interprétation des Impromptus par Alfred Brendel, ponctuée d’accents et d’un rythme qui lui sont propres, les rend particulièrement touchants. Au-delà, quel que soit celui ou celle derrière le piano, ces deux Opus appellent au plaisir, à la joie.

Thierry Dauge

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