Lou REED Live – Rock N Roll Animal
Rock N Roll Animal et Lou Reed Live sont les deux « Faces » d’un même concert sorti à un an d’intervalle, février 1974 pour le premier, mars 1975 pour l’autre. Cette prestation live a eu lieu le 21 décembre 1973 à la Howard Stein’s Academy of Music de New York. 1973 : Voilà pourquoi les titres joués proviennent soit du répertoire du Velvet Underground, soit de Transformer (1972) ou Berlin (1973), et aucun de Sally Can’t Dance, album sorti en août 1974 et donc plus contemporain de Lou Reed Live.
Des voix s’élèveront pour préciser qu’aucun titre du premier album solo de Lou Reed ne s’y trouve également. Vrai. De quelles chansons s’agit-il alors ? Question à laquelle Lou aurait lui-même pu répondre avec la morgue qui le caractérisait : « Si vous ne connaissez pas mes chansons, accordez-moi la grâce d’ignorer vos questions ».
Lou REED Live – (Intro) Sweet Jane
Rock N Roll Animal contient cinq titres. Quatre proviennent du répertoire du Velvet Underground : « Sweet Jane », « Heroin », « White Light / White Heat » et « Rock’n’Roll », un de Berlin : « Lady Day ». De son côté, Lou Reed Live affiche six titres : « Waiting For The Man », extrait du célèbre et premier album à la banane du Velvet Underground & Nico, trois de Transformer : « Vicious », « Satellite Of Love » et « Walk On The Wild Side », ainsi que deux de Berlin : « Oh Jim » et « Sad Song ».
Étonnant : l’entame de « Vicious » ressemble à s’y méprendre au « Wild Thing » des Troggs !
Vicious
Pourquoi a-t-on laissé écouler une année entre la parution des deux albums ? Il est probable que l’artiste n’ait pas eu son mot à dire sur cet aspect plutôt commercial des choses. Peut-être s’agissait-il de mettre en parallèle et faire correspondre sorties d’albums et classements au Billboard (?).
A cet égard, en termes de réussites, Transformer atteint une modeste 29ème place. Berlin, ce chef d’œuvre, ne s’élève péniblement qu’à la 98ème marche des charts. Rock N Roll Animal fait donc office de « roue de secours », rustine destinée à colmater le panache troué du Lou. Il se classe 45ème, bien mieux, de ce fait, que le maudit berlinois. La 10ème place de Sally Can’t Dance incite RCA à capitaliser sur ce succès. Le Label sort le nouvel « ancien » témoignage en concert qu’est Lou Reed Live. Échec ! Il stagne à la 62ème place. Pourtant, que de talent au fond du sillon !
Lou REED Live – Waiting For The Man
Quel mécanisme à l’œuvre anime ces deux dynamiteurs de platines ? La voix du maître, certes parfois approximative, mais signature identitaire qui fait tout son charme, se trouve soulevée, emportée, enluminées par des guitares cataclysmiques ! A la manœuvre, une paire de bretteurs magnifiques, incroyables barbouzes, mercenaires au service quasi exclusif du producteur canadien Bob Ezrin.
Les spécialistes es Mr Reed sont alors en droit d’opposer que les deux albums sont produits par Steve Katz et non Bob Ezrin. Exact. Il faut remonter à l’enregistrement de Berlin pour que soient réunis ces protagonistes : Reed / Ezrin / Hunter et Wagner. L’association en forme de détonateur aboutie à l’arrivée sur les planches des deux guitaristes, écrin de luxe sertissant la voix du brillant parolier. « Une misère ! », s’exclament les puristes enamourés du Velvet Underground, une bénédiction pour les autres, les amateurs de rock versus heavy (!).
White Light / White Heat
« Oui ! ». Factuellement, l’interprétation flirte avec le hard rock. Lou Reed, hard-rockeur ?! Lou Reed reste Lou Reed, quoi qu’il fasse. Par contre, ses musiciens explosent leurs amplis ! C’est qu’ils n’en sont pas à leur coup d’essai, notamment Dick Wagner, consécutivement leader de The Frost puis d’Ursa Major, deux formations de hard’n’heavy. Pour Steve Hunter, les débuts se font via Mitch Ryder And The Detroit Wheels. Par la suite, le duo va officier sur un certain nombre d’albums remarquables dont Destroyer (1976), de Kiss, ou le premier album solo de Peter Gabriel (1977). Mais, à partir de Welcome To My Nightmare (1975), ils vont graver leurs plus grands faits d’armes avec Alice Cooper. Rien d’étonnant pour un binôme détonnant !
Lou REED Live – Heroin
Au-delà du son dantesque, de l’infinie profondeur musicale ressentie à l’écoute des deux disques, il y a des chansons, celles de Lou Reed. Composées la plupart du temps sur une simple guitare acoustique, elles rayonnent de justesse. Elles parlent aux auditeurs, les touchent, allant jusqu’à les émouvoir. Le reste relève de l’orchestration : Bowie / Ronson sur Transformer, Bob Ezrin sur Berlin.
Noyau dur, ADN des morceaux, les textes et mélodies s’adaptent à tous les possibles. La substance dont ils et elles sont constitués fait preuve d’un rare équilibre, fruits d’une science infuse qui fleurit l’esprit de leur concepteur. Hélas, pour en saisir les secrets, il faudrait à présent ouvrir son tombeau puis sonder son cerveau. A jamais enfouis en compagnie de l’artiste, un « taiseux » avare en péroraisons, ils relèvent désormais du domaine des esprits. Par chance, la mort ne nous a pas tout pris …
Oh Jim
https://www.youtube.com/watch?v=jxxRUXlzW08
S’agit-il d’une compromission lorsqu’il commet Lulu (2011) avec Metallica ? Lou Reed est un incorruptible. La preuve : bien qu’il ait livré tout son cœur et son âme dans Berlin, malgré l’incontestable savoir-faire de Bob Ezrin, au-delà des superbes compositions, l’album chéri est un échec critique et public (par voie de conséquence ?). Le chanteur ne pardonne pas cette flagrante injustice qu’il impute aux médias spécialisés. Il en veut aux journalistes, il en veut au monde entier !
« Pour une dent, un œil, pour un œil, toute la gueule » (G. Morris – Génération Clash – 1998 – Fleuve Noir). En juillet 1975, Lou Reed livre Metal Machine Music à la vindicte populaire, quatre Faces de larsen de guitare … à ce qui se dit. Parce que même une écoute attentive (Si, si, c’est possible !) ne permet pas d’identifier l’origine du « bruit » ensillonné. « Vous conchiez la beauté ? Voici de quoi alimenter vos cerveaux sclérosés ».
Au-delà de la subodorée « vengeance », subsiste l’œuvre éblouissante d’un chanteur et personnage unique. S’il était nécessaire de le prouver, ces deux disques seraient là pour en témoigner.
Lou REED Live – Sad Song
« Sa conscience a irrigué et illuminé le ton de notre culture. Lou était un poète, capable de mêler la poésie à sa musique de la façon la plus poignante et la plus immédiate » – Patti Smith.
Thierry Dauge