Avant 1968, lorsque la BD était un Art mineur… on pouvait tout se permettre
Hergé : père de TINTIN, génie ou imposteur ?
Et si la grave dépression dont souffrit le graphiste venait de la crainte de chuter de son piédestal? Qu’on découvre qu’il avait « piqué » des tas de trucs à droite à gauche. Dans le cinéma et la BD, notamment.
Avant la révolution culturelle de Mai-68, il était fortement déconseillé aux enfants de lire de BD (les adultes, d’ailleurs, n’en lisaient jamais. C’était « débile »). En amener à l’école valait deux heures de retenue.
La Bd après 68
Et puis, après Mai-68, ce fut le contraire. Pas un « cadre dynamique » qui ne porte ostensiblement sous le bras le dernier Astérix. Où veux-je en venir, vous demandez-vous…
Au fait qu’après Mai-68, on a commencé à se pencher sur les BD anciennes. Et grâce à des gens comme Langlois, à la Cinémathèque, on pouvait aussi revoir (ou découvrir, pour les plus jeunes) les films du début du Vingtième Siècle.
On ne cesse de célébrer le génie de Hergé… mais on évoque rarement ce qu’il doit au cinéma… à commencer par le nom d’un de ses plus célèbres personnages, « inventé » en 1941 et qui doit son nom à un film sorti dix ans plus tôt, Le capitaine Craddock.
Les exemples sont très nombreux. « LES SEPT BOULES DE CRISTAL« : une scène évoque fortement « METROPOLITAIN » de 1938
J’en viens à me demander – mais là je vais me retrouver avec un procès au cul, paraît qu’ils sont redoutables, du côté de Moulinsart – à me demander si son grave état dépressif n’était pas dû au fait qu’au départ il avait fait de la BD en dilettante, sans s’attendre à avoir du succès, et qu’une fois devenu la star que l’on sait, il a craint qu’on découvre qu’il n’était qu’un imposteur de génie…
En revanche dans La règle du jeu de Jean Renoir (1939) on peut voir deux policiers qui sont les parfaits sosies des Dupont – Dupond. Un prêté pour un rendu !
La Castafiore dans TINTIN…
L’a-t-il « piquée » dans un film de 1931 avec Noël Noël, « La prison en folie » ?
Il est bienséant – à la limite de l’obligation – de célébrer le « génie » de l’inventeur de la ligne claire. Mais le vilain petit canard que je suis souligne ce qu’il devient difficile d’appeler des coïncidences, tant elles sont nombreuses… pendant que wikipedia va chercher de midi à quatorze heures :
« La Callas et Renata Tebaldi auraient servi de modèles pour ce personnage »
Archi-faux et stupide: la première commence à être un peu connue en 1944, la seconde après 1946. Or La Castafiore a été créée par Hergé en 1938.
Le plus troublant est le cas du professeur Tournesol. On raconte depuis une éternité qu’il fut inspiré par le professeur Auguste Piccard. C’est pas faux. Et l’on peut même dire que… la fiction a dépassé la réalité car, dans « Le Trésor de Rakham Le Rouge », notre Tournesol utilise, en 1943, un sous-marin de poche… alors que le professeur Auguste Piccard inventera son bathyscaphe seulement deux ans plus tard. Mais, foin de professeur Auguste Piccard, c’est dans le film « La pension Jonas » qu’ Hergé a piqué son professeur Tournesol. La capture d’écran ne ressemble-t-elle pas à une vignette qu’on croirait extraite d’un livre de Hergé, Tintin et Tournesol côte à côte? Le film « La pension Jonas » n’étant pas particulièrement facile à trouver, j’ai préparé pour vous un extrait révélateur.
Et… bizarre, bizarre… « La pension Jonas » est sorti en 1942, le professeur Tournesol a été créé quelques mois plus tard.
Hergé n’a jamais caché qu’il allait très fréquemment au cinéma…
Quant à son bizarre prénom, c’est celui de Tryphon Bekaert, un menuisier ébéniste de l’avenue Demey, entre Auderghem et Boitsfort. Hergé avait remarqué l’enseigne de ce menuisier lorsqu’il se rendait, dans les années 1930, au journal Le Vingtième Siècle. À la fin de sa vie, Hergé retrouvera Tryphon Bekaert un peu par hasard lors de la rénovation d’une de ses maisons. Hergé lui demandera ensuite de réaliser plusieurs meubles.
Les emprunts à la BD
Là, un livre fait le point, il s’agit de Tracé Rg – Le Phénomène Hergé de Huibrecht van Opstal.
Daniel Lesueur – Culturesco