François Hadji-Lazaro est décédé… hommage pour un album devenu incontournable
Regards Affligés Sur La Morne Et Pitoyable Existence De Benjamin Tremblay, Personnage Falot Mais Ô Combien Attachant
Un nom à rallonge pour ce deuxième album du groupe de François Hadji Lazaro : Pigalle sorti en 1990. Un nom qui ne cesse de laisser planer le mystère d’un album concept. En réalité, il n’y a pas de profond fil conducteur autour de ce titre mystérieux. Tout au plus, une certaine idée de la noirceur de la condition humaine, largement dépeinte au travers des textes au combien poétiques de François Hadji-Lazaro. Pigalle n’est-il pas au fond une entité faisant écho en version soft aux Garçons Bouchers?… A peine effleurée, cette idée nous revient tel un boomerang.
Pigalle a apporté à son époque, l’ouverture vers une chanson française affirmée, nourrie d’une poésie urbaine, née des ruelles parisiennes, de l’univers de la nuit, des marginaux et laissés pour compte, et combinant adroitement des influences rock à une instrumentation traditionnelle.
Ce n’est plus une découverte, François Hadji-Lazaro est un brillant multi-instrumentiste spécialisé dans les instruments d’antan. Il manie avec aisance violoncelle, violon, vielle à roue, accordéon, banjo, dobro et autres outils à façonner la musique, sans jamais pour autant apporter une touche de désuétude. La rythmique « boîte à rythme », ancre malgré tout l’ensemble dans cette univers électro-punk, typique de cette scène alternative des 90’s.
Pigalle – Marie la Rouquine
https://www.youtube.com/watch?v=n3SZVzzdEb0
L’album dégage une très belle cohérence dans son unité, la musique au parfum mélancolique et désabusé, sert mystérieusement les récits des bas-fonds. Un univers dans lequel s’échafaudent les histoires glauques de personnages perdus, errants de bars en bars et pourtant tellement attachants. Une vision neurasthénique du Paris des oubliés. Vous y croiserez, Marie la Rouquine, Sophie de Nantes ou Angèle. Beaucoup de femmes dont François Hadji-Lazaro nous dévoile l’intimité parfois de façon très crue, mais toujours dans la justesse et le respect. Un personnage, cet artiste, Boucherie Productions, les Garçons Bouchers, Los Carayos (avec Manu Chao), et là où on ne l’attendait pas forcément, il nous dévoile la face Pigalle de son art.
Pigalle – Dans la salle du bar tabac de la rue des Martyrs
L’album et le groupe connurent une véritable notoriété, notamment grâce au succès inattendu de cette chanson Dans La Salle Du Bar-Tabac De La Rue Des Martyrs qui impose aujourd’hui comme passage obligé, la balade dans cette rue en pente qui mène au cœur du village de Montmatre. Assez drôle lorsqu’on a connaissance des doutes qu’entretenait alors Hadji-Lazaro lors de la composition des chansons de l’album. L’homme, également acteur est alors en tournage en Pologne pour le film d’Eric Barbier: Le Brasier. Il s’interroge sur les bien-fondés de continuer une telle aventure. Le succès estompera toutes ses incertitudes.
Et comme pour ajouter une touche finale au caractère artistique de l’oeuvre, la pochette est signée Jacques Tardi (Adèle Blanc-Sec). Un illustrateur de bande dessinée connu pour son univers tortueux et ses atmosphères austères…
Un album au nom interminable, émouvant, parfois drôle, le plus souvent mélancolique, voir même ténébreux. Un univers touchant, s’il devait n’en rester qu’un dans la trilogie Pigalle, je choisirais volontiers celui-ci.
Dans la salle du bar tabac de la Rue des Martyrs, y a des filles de nuit qu’attendent le jour en vendant du plaisir… »
Une ritournelle talentueuse qui ne nous a jamais vraiment quittés… Rip l’artiste.
François Hadji Lazaro a rejoint les étoiles, rendons lui ce dernier hommage en réécoutant ses chansons, toujours poignantes, vivantes, expressives et dont les textes et l’interprétation avaient l’étrange pouvoir de d’illuminer ces personnages de l’ombre qu’il aimait tant.
Regards Affligés Sur La Morne Et Pitoyable Existence De Benjamin Tremblay, Personnage Falot Mais Ô Combien Attachant
Auguste Marshal
Citations François Hadji Lazaro
Je dénonce la fainéantise des journalistes qui ne vont voir les artistes qu’à Paris ou sur les gros festivals comme les Charrues ou Bourges (Longueur d’Ondes, 2006).
La révolution est une réaction vis-à-vis de la mort de tout ce qui est idéal et de l’individualisme. Elle n’est pas faite pour changer la vie, mais plus pour changer les têtes. C’est un besoin qui disparaît et c’est dommage car cela engendre une autre vision plus romantique que l’intérêt de la réussite individuelle. (1994)
Le rap est un problème grave. Les mômes qui croient s’y intéresser sont moins branchés par la musique que par certains aspects revendicatifs… Si un style de musique est un cri de ralliement, ok, mais pourquoi renient-ils tout le reste ? (1993)
Les slogans comme «La jeunesse emmerde le Front National» c’est bien, politiquement je suis d’accord, mais je pense que ce n’est pas à l’artiste de le dire, mais plutôt de le suggérer (Longueur d’Ondes, 1994).