SUNNY, le soleil inoubliable de Bobby Hebb

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Quand la souffrance et l’optimisme génèrent un tube lumineux

Bobby Hebb est l’auteur et l’interprète du titre Sunny publié en 1966. Un standard délicieux de rhythm & blues maintes fois repris depuis, et dont on a tendance à oublier l’origine. De sa création à nos jours, voici son histoire, suivie d’une sélection de reprises, célèbres ou méconnues.

Bobby Hebb - Sunny

“Sunny, hier ma vie était gorgée de pluie…”

Quand Bobby Hebb écrit ce titre en novembre 1963, il a toutes les raisons d’être malheureux. Il vient en effet de vivre deux événements traumatisants. L’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, le 22 novembre à Dallas. La communauté noire ayant foi dans le jeune président américain, espérait notamment qu’il mette un terme à la ségrégation raciale. Mais surtout, le lendemain, le 23 novembre, le frère de Bobby Hebb est assassiné à la sortie d’une boîte de nuit de Nashville, leur ville natale.

Bobby cherche alors dans la musique et l’écriture une manière de chasser les nuages obscurcissant ses pensées. Dans un premier temps, il trouve un peu de réconfort dans ce titre du trompettiste et chef d’orchestre Gerald Wilson…

Gerald Wilson – You Better Believe It

Bobby Hebb sent le gout de vivre l’extirper des abîmes, mais le mal est profond, et seule la création pourra en venir à bout. Malgré son aspect doux et ensoleillé, c’est donc dans les ténèbres de la souffrance que va naître le titre Sunny. Un titre amoureux et résolument optimiste qu’il dit avoir écrit « en espérant de jours meilleurs ».

« My life was torn like a windblown sand

And the rock was formed when you held my hand »

Bobby Hebb

Curieusement, la toute première version n’est publiée qu’en janvier 1966 par la chanteuse japonaise Mieko Hirota. Une petite merveille méconnue, d’élégance et de sobriété…

Mieko Hirota – Sunny (1966)

Quelques mois plus tard, Bobby Hebb l’enregistre à son tour dans les locaux de Bell Sound Studios à New York.

Bobby Hebb & The Beatles
Bobby Hebb & The Beatles

Le succès est immédiat, et Sunny devient un tube aux Etats-Unis durant l’été 1966 (2ème au billboard). Cette soudaine notoriété permet à Bobby Hebb d’assurer la première partie des Beatles lors de leur ultime tournée.

Bobby Hebb – Sunny (1966)

Unique tube de Bobby Hebb, Sunny n’a jamais été oublié. On compte aujourd’hui environ 500 versions instrumentales enregistrées et plus de 250 chantées. Un titre plébiscité par les genres soul et jazz, mais pas uniquement.

On démarre avec l’époustouflant Wilson Pickett. Tempo ralenti et batterie pesante. Guitare et piano blues, et le chant déchirant du Wicked

Wilson Pickett – Sunny (1967)

On raconte parfois que Dusty Springfield, membre éminent de la british invasion, est l’artiste ayant introduit la soul en Angleterre. Cette version swing-jazz porte la marque de sa classe à toute épreuve, et permet à Bobby Hebb de faire connaître son œuvre hors de ses terres.

Dusty Springfield – Sunny (1967)

Sur la suivante, Johnny Rivers fait parler son feeling imparable. Sur un tempo relevé, il en fait un titre merveilleusement obsédant et frénétique.

Johnny Rivers – Sunny (1967)

L’année suivante, deux boss du jazz décident de se l’accaparer. L’orchestre de Duke Ellington déroule un décor des années 40 avec trompette et sourdine, pour le grain sublime et le chant divinement minimaliste de Frank Sinatra.

Frank Sinatra & Duke Ellington – Sunny (1968)

A la fin des sixties, avec son chant soul et ses accompagnements faits de guitare espagnole et de violons, José Feliciano était un expert en covers. Beatles, Doors, Mamas & Papas, tout était dans ses cordes…

José Feliciano – Sunny (1968)

La version smooth jazz de James Brown et Marva Whitney est un pur délice. Groove et piano, chant suave et satiné. Quand on sait à quel point The Godfather of Soul rechignait à taper dans le répertoire de ses concurrents, on mesure la dimension de l’hommage rendu à cette composition de Bobby Hebb.

James Brown & Marva Whitney – Sunny (1969)

Mais ce n’est pas fini. Au début des seventies, la grande Ella Fitzgerald se permet quelques excentricités. Après une version délicieusement groovy de Sunshine of Your Love (Cream), elle encanaille le titre Sunny de fort belle manière.

Ella Fitzgerald – Sunny (1971)

Méconnu chez nous, Ray Fernandez et sa petite famille réunie au sein de Ray & His Court, est un groupe de Miami ayant fait danser la Floride durant les années 70. Ils maîtrisaient tous les styles des caraïbes, de la salsa aux rythmes afro-cubains, en passant par le reggae. Leur version de Sunny dans la langue de Cervantes est assez savoureuse…

Ray & His Court – Sunny (1973)

En 1976, la carrière de Bobby Hebb est en chute libre. Le courant disco anime déjà le cœur et les nuits de Los Angeles. Il cède donc à la tentation de réactualiser son standard…

Bobby Hebb – Sunny 76’

La même année, le groupe Boney M surfe sur le succès colossal du titre Daddy Cool. Le producteur Frank Farian, qui possède autant le sens de la musique que le sens des affaires, sent qu’il y quelque chose à exploiter dans le titre de Bobby Hebb. La version disco de ce dernier manquait de corps et d’énergie. Avec un motif d’intro accrocheur et un mixage plus punchy, le faiseur de tubes trouve la bonne recette…

Boney M – Sunny (1976)

Jamiroquai a pratiqué un funk et une soul vintage, à une époque (90’s) où le rock tentait de refaire surface. Son talent pour écrire des tubes, ou des titres parfaitement ancrés dans le genre force le respect. Quant aux standards, il les régurgitent toujours avec beaucoup d’inspiration…

Jamiroquai (Live at Covent Garden – 2000)

En 2013, Ayo s’approprie le standard de fort belle manière. La chanteuse allemande d’origine nigériane, dont le nom signifie joie en yoruba, semble redonner une certaine fraîcheur à ce titre des 60’s.

Ayo (2013)

Quelques années plus tard le collectif de Footprint Project et sa chanteuse Rokhaya, démontrent que ce standard n’est toujours pas rincé…

Footprint Project (2016)

En 2020, en plein confinement, c’est le petit ovni de la pop américaine, Billie Eilish, qui s’attaque au standard.

Billie Eilish (2020)

Le titre Sunny fêtera bientôt ses 60 ans d’existence, et de toute évidence, sa popularité ne faiblit pas. Si Bobby Hebb a publié de nombreux albums et singles entre 1960 et 1975, tel un auteur de One Hit Wonder, son nom reste éclipsé par le succès du titre, et de ses reprises.

Sunny

Sa disparition le 3 août 2010 n’a pas fait grand bruit. Pourtant, combien d’artistes peuvent se targuer d’avoir embelli le quotidien de millions de personnes avec une seule chanson ? Alors, la prochaine fois que vous entendrez Sunny à la radio, dans un bar, ou au supermarché, et qu’il viendra ensoleiller votre journée, pensez à remercier Bobby Hebb.

Serge Debono

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