Dogs – Walking Shadows

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Dogs – Walking Shadows

Dogs Walking Shadows

Petite chronique expresso sur le zinc

Trois hommes sur un pont.

Silhouettes tendues aux regards sombres. Fougueux et fiers les mecs. Nuit rouennaise. Au-dessous coule la Seine, charriant l’hydrocarbure des raffineries de Grand-Couronne, la Pétrole City. Pas vraiment balnéaire l’ambiance. Tu trempes le pied là-dedans et il n’en reste pas plus qu’après le passage de piranhas sous amphétamines. Et ils marchent ce triumvirat, à grandes foulées élastiques. Vers où ? Peu importe. Toujours mieux que rester sur son cul vers que dalle. Quand tu bouges tu vieillis moins vite. Dixit la théorie de la relativité selon Elvis. Le reste tu t’en fous. Don’t care. Sous les réverbères leurs ombres les précèdent. Les entraînent. Nettes, découpées sur l’asphalte. Elles aussi elles déambulent, noctambules et sans but. Walking Shadows.

Dogs
Photo : Bruno le Trividic

Dogs.

Dogs tout court. Faut que ça claque. Net, précis comme un riff. Mais nous, en bon frenchy, on dit « Les Dogs ». On va pas jouer les finassiers du vocable, les petits malins de l’Académie. Ils sont de Rouen ces clébards là et le meilleur groupe de Rock’ n Roll de Normandie du monde de la galaxie. Trois p’tits gars du sept six, Dominique, Hughes et Mimi. Respectivement guitare, basse, batterie. Ca fait déjà un petit bail que leur réputation a franchi les frontières du département. Depuis « Charlie Was A Good Boy », ce 45 tours enregistré sur un quatre pistes dans la cave de Lionel Herrmani, proprio du sanctuaire des rockouzes du coin, Mélodies Massacre, ze disquaire in the city. Herrmani sans qui les Dogs ne seraient jamais vraiment devenus les Dogs. Le Parrain version électrique.

Dogs Charlie was a good boy

« Different ».

Premier album. Chez Philips. Là c’est le passage dans la cour des grands. Tournées dans toute la France, en Suisse, en Belgique. Interviews, papelards dans la presse, tout le toutim. La pochette les montre dans une pose classiquement sixties. Les 13 morceaux eux, sont une ode à leur passion de toujours, Kinks, Flamin’ Groovies, et toutes ces sortes de choses bondissantes que le trio énerve encore un peu plus en allant fourrer les deux doigts dans la prise du transfo Punk. Mais loin de se cantonner à une copie conforme, la patte et la finesse de composition de Dominique Laboubée sont déjà bien présentes. Sans compter la classe naturelle de son chant.

Dogs Different

Malgré tout…

…on va leur coller une étiquette de nostalgiques indécrottables enlisés dans le revival garagiste. Image que le trio redoute le plus et rejette en bloc. En ce début des eighties les Dogs c’est du Rock’n Roll de son temps et qui compte bien le prouver en amorçant un virage à 180°. Dans le chenil ça va montrer les crocs.

Dogs

Direction Rennes…

… au studio DB pour le deuxième album. Avec Jean-Pierre Boyer aux manettes et le fidèle Lionel Herrmani à la production. Entre temps Dominique a troqué la Rickenbaker pour une Fender et pousse le Marshall à 11. Mais attention, pas question ici d’idolâtries bourrines prêchant la pratique assidue du boucan pour le boucan. Qualité et élégance des compos sont toujours au rendez-vous et Laboubée persiste et signe en progressant encore dans son écriture.

Dogs
Dessin : Poup

Un accord plaqué…

… rageur, nous accueille dans l’antre de la bête. Et on sait d’ores et déjà que l’on ne sortira pas indemne de l’expérience. « Secret Life » annonce la couleur ou plutôt la non couleur, noire et sombre. La batterie métronomique de Mimi, redoutable de puissance et de précision, matraque un tempo soutenu. La basse de Hughes, énorme, se déroule en volutes hypnotiques et pose les bases d’une rythmique obsédante, véritable marque de fabrique de l’album. À la réécoute, aujourd’hui, on sent pointer comme du prémonitoire. Les Dogs défrichent un binaire nouveau et à venir où les Thugs et bien d’autres signeront la bande-son d’une époque propice aux ambiances noisy et élégamment désespérées.

Dogs – Walking Shadows

Dogs

Dominique…

… sur ce béton armé inébranlable, défouraille riffs et solos ravageurs, mais inventifs et maîtrisés. Au cœur du déluge le lascar tient la barre et sait où il va. Le micro, quant à lui et si tant est que les machines aient une âme, se souviendra longtemps des assauts d’un Dominique possédé comme si la faucheuse était à ses trousses. En témoigne le magnifique « The Disfigured », un des sommets, avec « Algomania », hasarderais-je tout de go, de ces deux faces survoltées.

Dogs – Algomania

Un regret…

… ne pas avoir pu se glisser dans les locaux de chez Philips le jour où un stagiaire furtif vint déposer les bandes de « Walking Shadows » sur le bureau du boss. Ne pas avoir vu sa mine se déconfire au fil de l’écoute. Moment délicieux, on imagine, mais qui restera hélas à l’état de fantasme.
Il faut bien dire qu’en cette année 1980 la tendance n’est guère aux déferlements soniques d’obédience stoogienne, les gros labels préférant un air du temps qui courtise la langue de Molière et les productions léchées. Pas certain que le boss de Philips ait eu le courage de tenir jusqu’au dernier morceau avant de prendre la décision de virer ces canidés malpropres débarqués de la lointaine Seine-Maritime.

Dogs

Mais les Dogs…

… s’en foutent. Don’t care. Toujours. Droit dans leurs creepers et avanti. Comme sur le pont cette nuit là quand Bruno Le Trividic, journaliste et critique, ami fidèle, captura le combo dans son objectif pour une des plus belles photos du Rock d’ici et d’ailleurs. La suite montrera, avec de superbes albums aujourd’hui élevés au rang de classiques, qu’ils avaient bien raison de suivre leur instinct et … Leur flair…

Dogs – ’79 (I’ve Lost My Mind In)

 

Too much class for the neighbourhood.
Que voulez vous, on ne se refait pas…

Et si vous voulez en savoir plus sur les Dogs, Catherine Laboubée, la soeur de Dominique, leur a dédié un magnifique livre. Peut-être est-il épuisé mais sait-on jamais.  Plus d’infos ICI

Dogs – Walking Shadows

Face A
Secret Life – Boy – Algomania – Walking Shadow – Disfigured

Face B
Underworld – ’79 (I’ve Lost My Mind In…) – Skin On Skin – Anna Jane – Evil Heart

Dominique Laboubée : guitare et chant
Hughes Urvoy de Portzampac : basse
Michel Gross : batterie

Enregistré au studio DB à Rennes par Jean-Pierre Boyer
Produit par Lionel Herrmani

Label : Philips – 1980

Photo pochette : Bruno Le Trividic

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