MOTHER SUPERIOR – Sin & Moanin’
Le 27 septembre 2006, à l’occasion du Hello Young Lovers Tour, le groupe Sparks donne un concert à l’Elysée Monmartre, historique salle parisienne de spectacle – la célèbre Goulue accompagnée de Valentin le Désossé y dansaient le french-cancan. Et quel guitariste remarque-t-on sur scène aux côtés des frères Mael ? Jim Wilson, le bretteur de Mother Superior ! Remontons le temps…
Au changement de siècle, en l’an 2000, Henry Rollins, ex chanteur musculeux du combo punk hardcore Black Flag, publie un album, Get Some Go Again, sous le nom du Rollins Band. En fait de « band », il est accompagné par trois musiciens, l’ensemble du groupe Mother Superior lui-même.
ROLLINS BAND – Illumination
Impressionné par la puissance du trio soutenant le chanteur énervé, l’auditeur pose les bases d’une future relation présupposée soutenue.
En 2002, à l’occasion de la parution de Sin, la connexion se concrétise, « s’addictive ». Amateurs d’énergie racée et groupe se passent mutuellement la bague au doigt. Ce sixième album de Mother Superior faisant l’objet d’un plébiscite dans l’ensemble des revues spécialisées, concorde suffisamment rare pour être signalée, l’évènement favorise tant le flirt que l’accouplement.
MOTHER SUPERIOR – Strange Change
Le fil d’un scalpel découpant des chairs image parfaitement le son tranchant de la guitare. La distorsion érode amygdales et osselets d’un même élan, découpe les joues au passage, resculpte les visages. Inévitablement, l’auditeur adopte la moue ronronnant du Joker jouissant d’un plaisir gourmand. C’est qu’associées à une paire basse / batterie virevoltante, les six cordes modélisent « l’adoption » via une suite de partitions aux couleurs vives et lumineuses.
Rolling Boy Blues
Plus prosaïquement, les Angelinos servent un rock jubilatoire, mi hard rock, mi metal teinté de blues. Les titres sont structurés de telle façon qu’ils remontent parfois jusqu’aux racines du vieil adolescent, les fifties, si ce n’est par le son, pour le moins par l’esprit. Versus influences, ils ne réfutent rien, injectant une pinte de jus des 70’s un rien progressif par-là, un rien psychédélique par ici, tout en étant de son temps. Via l’inclusion de deux minutes de silence en queue de comète, selon le principe du CD et sa chanson cachée, ils s’affichent « contemporanéisés ».
MOTHER SUPERIOR – Fade Out, Wounded Animal
Trois ans plus tard, après un album plus consensuel, 13 Violets, volontairement garni de titres « radio diffusables », le groupe se lâche à nouveau. Moanin’ débarque comme une entité malfaisante, psalmodie une incantation à damner les mélomanes. L’ambiance est sombre, le son resserré. Le trio évolue en horde, unique projectile expulsé vers sa cible, évanescence maléfique stimulant l’exorcisme. Comme toutes personnes envoutées, l’auditeur refuse de céder, préférant et de loin la suie jubilatoire que poudroie l’inestimable « bruit ».
Erase Her
Outre asséner de virulentes saillies de guitare rythmique et lead, Jim Wilson assure le chant. Sa voix légèrement voilée colle aux autres instruments, solidaire, tout en apportant un plus parfumé southern. De fait, son expressivité saupoudre poussière et tumbleweed sur les morceaux, contrastant leur aspect heavy en les dépouillant du moindre cri, de l’attendue raucité qui sied au genre. Elle évoque des bottes en nubuck, des lambeaux de tissus rouge et usé sur la pointe des barbelés, sert de repère lorsque l’ouragan gagne, bienfaisant refuge où s’en protéger.
MOTHER SUPERIOR – Get That Girl
La Mère Supérieure, loin du repentir, catapulte une ultime malédiction en conclusion de Moanin’. « Jack The Ripper » est sans concessions. Navigant au large des remords, il s’immisce aux circonvolutions avides des cerveaux pour stimuler l’adhésion. La voix féminine qui évoque en français la femme de petite vertu qui racole, inconsciente du mal à l’état pur qui la convoite, s’étrangle au final dans des cris d’effroi lorsque la lame de l’Éventreur la foudroie.
Jack The Ripper
Après Moanin’, le groupe sortira deux autres albums – jusqu’en 2008 – sans rencontrer le succès publique mérité. Par contre, chez les aficionados, on « sait ». Avec ferveur, permettez-nous d’en témoigner.
Thierry Dauge