James ELLROY – Le Quatuor de Los Angeles

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James ELLROY – Le Quatuor de Los Angeles

James Ellroy

Lorsque James Ellroy s’attaque à la rédaction du quatuor de Los Angeles, tétralogie qui lui demandera cinq années de travail entre 1987 et 1991, on compte déjà un nombre conséquents d’ouvrages « déchiquetés » par sa plume, dont la trilogie Lloyd Hopkins. Sans pour autant relever d’une spécialité, on l’associe souvent à ce mode de publications, des « sérials » qui se suivent à la poursuite d’histoires où certains personnages sont récurrents. Constante : la noirceur, l’introspection et la violence des relations humaines mises en présence.

« En remontant dans le passé, en ne cherchant que les faits, je l’ai reconstruite, petite fille triste et putain, au mieux quelqu’un-qui-aurait-pu-être, étiquette qui pourrait tout autant s’appliquer à moi. J’aurais souhaité pouvoir lui accorder une fin anonyme, la reléguer aux quelques mots laconiques du rapport final d’un Inspecteur de la Criminelle, avec copie carbone pour le Bureau du Coroner, et quelques formulaires supplémentaires avant qu’on ne l’emmène à la fosse commune » (Le Dahlia Noire).

Pour qualifier les relations qui unissent citoyens, flics et malfrats, les « mots » d’Ellroy évoquent des « maux » : Collusion – Extorsion – Intimidation – Corruption – contrainte – Cooptation – Rétorsion – Proxénétisme – Rédemption – Voyeurisme – Coercition – Torture, des rapports frontaux.

De la tragédie initiale du Dahlia Noir à l’explosion finale de White Jazz, Ellroy change de style d’écriture. Il passe de la narration à la première personne du singulier, « je », à une lacération du texte au scalpel, relatant souvent les faits via les titres et articles d’un « torchon » de la presse à scandale. Les coups de poing – américains bien sûr – se succèdent, les écoutes licencieuses ouvrent aux matraquages, les couteaux découpent les chairs, les prostitués servent de cendriers.

« Ça empira – les vraies chocottes. Meeks déposa son arsenal sur le rebord d’une fenêtre et bourra ses poches de munitions : balles pour le .38 et chargeurs de rechange pour l’automatique. Il fourra le cran d’arrêt dans sa ceinture, couvrit la fenêtre arrière avec le matelas, entrouvrit la fenêtre de façade pour un peu d’air » (L.A. Confidential).

A une époque où je bosse du « matin » ou du « soir », me voilà sur les champs Elysée, direction feu le Virgin Mégastore. En mal de sens à donner à ma vie, je vais chercher de quoi vivre celles des autres. Un bouquin, un disque, des histoires musicales ou sur papier imprimé. Le Virgin se situe à l’emplacement d’une ancienne banque. J’aime bien la porte du coffre-fort qu’ils ont laissés au sous-sol, au rayon « livre ». Je descends l’escalier et … mais … c’est lui ! Tout seul, penché au-dessus d’une table où s’empilent des exemplaires de son dernier ouvrage, James Ellroy, un américain à Paris.

James Ellroy

Il griffe d’un stylo la première page de Ma Part d’Ombre (1996), l’enquête qu’il a réalisée concernant l’assassinat de sa mère en 1958. Pour un auteur de thrillers, du vécu … Comme pour beaucoup, lorsqu’on se trouve face à un type qu’on admire pour son art, je reste tout con. Je me démerde pour lui baragouiner en anglais que j’ai lu l’intégralité de ce qu’il a produit jusque-là, il me demande mon prénom et dédicace l’exemplaire dont je m’empare. Fin de la séquence. Sa signature ? J’aurai pu la faire moi-même. Peu importe. Après ça, à chaque fois que j’ouvre un de ses livres, les mots jaillissent de sa bouche.

« Les hommes de la morgue chargèrent le corps, firent demi-tour et s’éloignèrent sans sirène. Un principe de Vollmer lui revint en mémoire : ‘Dans les meurtres de passion exacerbée, l’assassin trahit toujours sa pathologie. Si l’enquêteur accepte de faire la part objective des preuves tangibles et ensuite réfléchit de manière subjective en se plaçant du point de vue de l’assassin, il réussira fréquemment à résoudre des crimes dont le côté hasardeux et aléatoire est déconcertant de prime abord’ » (Le Grand Nulle Part).

On dit d’Ellroy que ses récits témoignent de la comédie humaine. En cela, on l’identifie comme le Balzac du vingtième siècle. Est-il sensible aux boniments, aux flatteries, à la « lèche » ? Lorsque vous regardez ce type, il apparait tel un bloc de granit, grand, droit, sévère, le prof de littérature anglaise qui va vous bassiner avec Joyce, Blake ou Pope. En fait, sans certitude, il relève plutôt d’Orwell, de Chandler, de ces écrivains qui soulèvent les pierres pour observer ce qui se passe en dessous, conteurs du monde interlope … le nôtre.

« Pete qui s’accroupit. Chick qui tremble, de la tête aux pieds, il y a de quoi : des poings géants, serrés devant les yeux. Son baratin tout prêt – Pete le joyeux :
– Le gauche, c’est l’hôpital, le droit, la morgue. Le droit supprime l’existence, le gauche te coupe le souffle. Ces mains-là, c’est des porte-malheur, mon gars, c’est la guigne et le guignon, c’est les dents du démon qui te raclent la couenne quand y dévale le tuyau de poêle » (White Jazz).

Si son style narratif peut ne pas plaire, ne pas négliger Ellroy au prétexte que : « Quelqu’un m’a dit … ». Depuis quand l’avis d’un pékin vaut-il pour toi-même ? Je vais te dire, t’as intérêt à tracer chez le libraire, te sortir les doigts du cul et te payer un exemplaire. Lequel ? Te fous pas d’ma gueule, t’en as quatre dessinés plus haut. T’as pas de blé ? T’as qu’à le voler …

Thierry Dauge

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