HAMLET HALLYDAY, une relecture …
Même si on ne l’a pas lu, tout le monde a entendu parler d’Hamlet, la tragédie de Shakespeare. Dans le même ordre d’idée, qu’on l’adore ou qu’on l’exècre, tout le monde a entendu une chanson interprétée par Johnny Hallyday au moins une fois dans sa vie. Mais Hamlet Hallyday ?! Evidemment, en 1976, lors de la sortie de ce double Lps, l’acerbe critique ne s’est pas privée de titrer : Femmelette Hallyday ou Omelette Hallyday, en fonction de sa misogynie ou d’un diplôme de journalisme option « cuisine ». Combien l’ont écouté ? « Vraiment » écouté, c’est-à-dire les quatre faces et plusieurs fois ? Celles et ceux qui l’ont fait en sont ressortis pour le moins étonnés, pour le plus enchantés.
HAMLET HALLYDAY – Le Vieux Roi est Mort
Livrons ce que le Boss, lui-même, en pensait :
« J’ai demandé à Gilles Thibaut de m’écrire des textes à partir de l’histoire. Il m’a proposé huit ou neuf titres tellement forts que je pensais en faire un spectacle et proposer à Robert Hossein de le mettre en scène … La musique est de Pierre Groscolas. On l’a enregistrée à Londres avec un orchestre de cent cinquante musiciens … Dommage que ce disque n’ait pas marché, j’y avais mis toutes mes tripes »
Outre un accompagnement orchestral, qui retrouve-t-on impliqué dans ce projet dantesque ? Pour les plus connus et/ou médiatisés …
L’intégralité (!) des partitions revient à Pierre Groscolas, chanteur / compositeur qui compte un fameux one hit wonder à son palmarès : « Lady Lay », n°2 au hit-parade en février 1974. Passer d’une chanson pop à un « opéra classico-rock », quand même ! A la batterie, « Confidence pour Confidence », on découvre, ô étonnement (!), Jean Schultheis, celui qu’on « aime à genoux », autre titulaire d’un fameux one hit wonder (CF les indices du chroniqueur), 1er au hit-parade entre octobre et novembre 1981. Jannick Top usine la basse, un camarade de jeu de Christian Vander au sein de Magma, rien de moins. Aux guitares, un vieux partenaire de Mr Hallyday continue l’aventure en sa compagnie (depuis 1971), Jean-Pierre Azoulay, premier guitariste chez Variations (avant Marc Tobaly). Enfin, et non des moindres, à la direction orchestrale trône l’oscarisé / césarisé Gabriel Yared ; plus de cent bandes originales de film à son actif !
Je Suis Fou
Opéra Classico-Rock. Réaliser un comparatif entre le livret d’Hamlet Hallyday et ceux des nombreuses « comédies musicales » produites ces dernières années, outre le référencié Starmania (1979), nous amène à citer Mozart, l’Opéra Rock (2009). Hasard ? Lorsqu’on fouille la liste des musiciens ayant musicalisé ce spectacle, on identifie un certain Olivier Schultheis … le fils de Jean ! Ici, il joue de la basse et, surtout, siège à la direction musicale. Vous avez dit hasard ?
D’un point de vue esthétique, l’album renferme un splendide portfolio, un ensemble d’illustrations assez semblables à celles utilisées par Ange sur ses propres œuvres.
Mais revenons-en à Hamlet Hallyday, versus chansons. Musicalement, on oscille entre l’œuvre classique et l’entreprise rock. L’aspect « variétoche » est effacé, pilé par la qualité de l’interprétation, tant instrumentale que vocale. L’histoire inventée par Shakespeare est globalement respectée avec, comme point d’orgue, les passages voulus représentatifs par l’Idole des jeunes, notre « Jojo » national. Encore une fois, qu’on ne l’apprécie pas n’y change rien, ce mec-là avait un coffre et une voix en acier.
HAMLET HALLYDAY – Je l’Aimais
Comment clore une histoire dramatique si ce n’est par la mort d’un des principaux protagonistes ? Notre choix se porte sur Ophélie. La chanson qui narre ce passage est particulièrement bien écrite, musique à l’avenant. Et même si l’on considère que les paroles sont un rien trop « fleurs bleues » ou, plus prosaïquement, « cucul la praline », on reste sensible à cette peinture, impression hivernale, lorsque les berges des rivières se parent d’argent et que, languissamment, les feuilles de grands saules descendent scarifier la surface des eaux.
La Mort d’Ophélie
Le seul défaut de ce double 33-Tours se trouve au tout début de la première Face. Dommage pour celles et ceux qui, horripilés par cette courte introduction, stoppent nette leur écoute. Johnny parle. Il présente comment il en est venu à conduire ce projet. Honnêtement, si chanter lui va si bien, par contre, parler …
Que penser de ce disque atypique ? Produit par Messieurs Frank Zappa, Todd Rundgren ou John Cale, chanté en anglais, personne n’y aurait trouvé à redire, ou si peu que ce serait resté anecdotique. Par contre, au cœur de la discographie de Mr Hallyday … Son Satanic Majesties Request (The Rolling Stones) ? Son Yellow Submarine (The Beatles) ? Ou bien, inversement, son Paris 1919 (John Cale) ?
HAMLET HALLYDAY – L’Asticot Roi
Au final, comme le sous-tend la chanson : Aussi haut que l’on soit placé … on finit dans le système digestif des asticots. CQFD. Plat royal, sombre merde, le reste, n’est qu’une histoire de goûts. Permettez-moi d’y trouver un met de choix.
Thierry Dauge