ARMENS – Rock avec “Celtitude”
L’ascension d’Armens, c’est également un peu de mon histoire. En effet, je découvre le groupe en 1996, à l’aube de son avènement, alors que je viens de reprendre des études. De fait, nous allons « grandir » concomitamment, franchissant des étapes qui nous mèneront, moi au diplôme, eux au Palais Omnisports de Paris Bercy puis aux Festival des Vieilles Charrues.
Voyons voir, combien de concerts ensembles … dans le désordre : Disneyland Paris, Quimperlé, les Grandes écoles dans les salons de l’avenue Hoch, la fois où Sony Music est venu les « signer », l’Elysée Montmartre, le Festival Interceltique de Lorient, le MCM café, à Pigalle, l’Université de Pontoise avec Blankass, la Guinguette Pirate … Je les ai raté lors de la Bretagne à Bercy en 1999 avec Stivell, Servat, Tri Yann, Dan Ar Braz, et, apothéose, la même année aux Vieilles Charrues ! Partis de Guidel Plage (56), quel chemin parcouru !
Un cinq titres auto produit de facture royale simplement titré Armens (1997), un deuxième, live celui-ci (1998), et puis Six Différents (1999), le premier album chez Columbia Sony Music. Une progression à la force des concerts, sans une once de démagogie.
ARMENS – Démago
Le clip est en rotation sur M6 mais pas aux heures de « grande écoute », tôt le matin ou plus tard le soir. Pourtant, scénario mis à part, tout y est : guitare musclée, violon et accordéon harmonisés, chant à l’avenant, rythmique percutante, de quoi soulever l’auditeur et propulser le titre sur les ondes de la bande FM. Mais ce qui fait sa force, l’apport des racines bretonnes, le violon et l’accordéon, va finir par les desservir.
Cette avancée musicale régionale en territoire national va rapidement devenir un mouvement, dit « Rock celtique », assimilable à un phénomène de mode. Véritablement extrait de la lande par Matmatah et son premier essai, La Ouache, sorti sur un gros Label dès 1998, et porté par l’incontournable « Lambé An Dro », la hype dure deux années puis retombe dans la bruyère et les genets. Et tout le talent du monde n’y pourra rien changer.
Live MCM Session
Avec Alex, chanteur de son état, nous sommes sur la plage de Guidel. Une baignade, un jeu de raquette et, depuis son petit enregistreur numérique, il me fait écouter certains titres de l’album à venir, Une Ombre (2001). A partir des mélodies et de la gnaque toujours présentes, je lui fais partager mon enthousiasme. Si Six Différents a trouvé quatre-vingt milles preneurs, celui-ci doit pouvoir doubler la mise. Ce en quoi je me trompe.
En cette année + 1 du siècle nouveau, The White Stripes, The Strokes, Muse, System Of A Down, l’anglophonie rafle la mise et même Matmatah, plus exposé médiatiquement, prend la mer, son Rebelote finissant en « dix de der ». C’est fini, le rock celtique regagne l’ombre de sa province. Le titre de l’album était-il prémonitoire ? Ce qui compte, c’est de rester sur sa ligne, ne pas céder aux dictas.
ARMENS – Je Suis Mon Envie
Sony Music s’en va ou, plutôt, laisse tomber le groupe : « 20 000 de vendus ? C’est peau de balle : Exclu ! ». On imagine la déception. De fait, il semble que cette défection ait coupé les ailes du groupe. C’est Ainsi (2004), l’album suivant, est … transparent. Le son de la Les Paul de Gwenn, une Black Beauty ’76, s’est évaporé à l’identique du violon de Ben et de l’accordéon de Youn. Le rock celtisant prend la forme d’une pop asexuée. Alex décharge son spleen via des textes teintés d’amertume, de presque regrets, pour le moins de questionnements laissés sans réponses.
Il faut patienter cinq longues années pour retrouver nos gaillards requinqués, au meilleur de leur forme. A Tort Et A Travers (2009) assume un retour à ce qu’Armens fait de mieux, guitare surboostée, bois et clés harmonisée, l’ensemble sonnant comme aux plus beaux jours du sextette.
Une Place Pour Moi
Au-delà des déboires discographiques, qui a vécu Armens live s’en souvient longtemps. Il s’agit d’une vague mélodique gonflée d’énergie qui emporte le public avec elle au cœur de ce que le rock à de plus convivial. Les musiciens sont tout sourire. Ils partagent leur entrain et leurs refrains sans autre prétention que celle de la festivité.
« Hey, garçons, moissonnez-vous encore, de temps à autres, les terres chaudes de notre pays ? ». Si, quelque part, sur une affiche ou dans un programme, vous voyez apparaître le patronyme du groupe, ne vous privez en aucun cas d’une pareille Gouel (fiesta) !
ARMENS – La Bretagne à Bercy (live)
Ar-Mens est là ? Depuis 2009, pas de nouvelles : « Hey, il y’a si longtemps, si longtemps qu’on attend ! » (Armens – « Longtemps » – Six Différents – 1998)
Thierry Dauge