Carole KING – Tapestry
Seconde moitié (ou première, selon qu’on soit misogyne ou féministe) du duo Goffin / King, miraculeux faiseur de tubes pour l’ensemble du microcosme pop, en 1971, Carole King décide d’écrire pour elle-même. Le résultat ? Tapestry, un album rare. Les chansons et le style à l’œuvre adoptent les courbes de Laurel Canyon, communauté de musiciens apparentée à Neil Young, Joni Mitchell, Eagles, The Mamas And The Papas ou Crosby, Stills and Nash. Les mélodies sont jouées au piano, lit sinueux où Carole pose sa voix, un ensorcelant mixe entre Joni Mitchell et Alanis Morissette.
Carole KING – So Far Away
Divers instruments viennent se couler autour des ivoires du clavier : Batterie, guitare un rien électrifiée, flute ou saxophone. Sur les ballades folk rock, on imagine Linda Ronstadt au micro, moins pour la voix que pour les mélodies plutôt nostalgiques. Parfois un rien jazzy, parfois écrites telles celles d’un Elton John au féminin, les partitions ne font pas l’objet de productions enluminées. Elles portent une simplicité attachante, réponse à une probable interprétation « live » en studio. Nonobstant, une pointe d’orgue ou le léger phrasé de cordes ont pu faire l’objet de pistes supplémentaires sans pour autant envahir les silences ouvragés.
You’ve Got A Friend
Chanté par Aretha Franklin, dont-elle fit un succès en 1967, « (You Make Me Feel Like) A Natural Woman » revient en boomerang chez celle qui l’a créée (en compagnie de Goffin et Wexler). Parfaitement interprétée, comme un témoignage à l’être aimé, Carole rajoute une question témoignant de son anxiété sur la réciprocité des sentiments : « Will You still Love Me Tomorrow ? ». Mais ce ne sont certainement que des mots qui servent des chansons (?), à moins que, passant de l’anonymat d’une signature à l’exposition d’un visage, aux fragrances d’une voix …
Carole KING – (You Make Me Feel Like A) Natural Woman (live 1972)
Interrogeons-nous sur la signification de ce titre : Tapestry, « Tapisserie ». L’artiste souhaite-t-elle illustrer la finalité de toutes ces broderies tissées au cours des morceaux ? L’album représenterait ainsi une « tapisserie », chaque titre à sa place pour former un tout. Ou bien, en compagnie de son chat, Carole ferait-elle « tapisserie », attendant son « homme » seule at home ? Cet ensemble « sépia » peut laisser place à toutes les interprétations, d’une femme amoureuse à une autre délaissée. Peu importe, l’ivresse est ailleurs. Elle naît du camaïeu de notes voyageuses qu’elle offre, souffle d’air frais sur les vicissitudes du quotidien.
Tapestry
« Tapestry, un album rare », avons-nous écrit plus haut. Physiquement présent chez les disquaires, généralement à moindre prix, sa « rareté » est le fait des sensations qu’il provoque. Apaisement, bien-être, plénitude, des sentiments rares par les temps qui courent…
Thierry Dauge