SYSTEM OF A DOWN – De Toxicity à Mezmerize
« Ces disques sont d’une beauté à couper le souffle », voilà ce qui vient à l’esprit après l’écoute de Toxicity (2001) et/ou de Mezmerize (2005), oeuvre de System Of A Down.
Toutes les autres fois où l’on se donne l’opportunité de les écouter, le qualificatif revient. Dans ces opus, la brutalité fait face à la délicatesse, tant dans le tressage des voix qu’entre les cordes tantôt barbelées, tantôt brodées, des rappes électriques.
Le travail sur les mélodies est énorme. Les rythmiques saccadées, rafales de mitrailleuse lourde, associées aux chants calligraphiés lorgnent du côté des drogues dures. Vous testez ? Vous êtes harponnés ; image : le cœur du pavot piqué d’un hameçon.
SYSTEM OF A DOWN – Chop Suey ! (Toxicity)
Cigaro (Mezmerize)
Manifeste de puissance, Mezmerize bénéficie d’une trempe qui l’endurcit, des rives du vinyle aux tréfonds du sillon … jusqu’à l’aura mystérieux qui conduit à notre âme. Un saupoudrage de sons incongrus parsème des grains de folie sur le vaste territoire, humour latent qui alimente son attractivité. Ainsi, des voix « cartoonnesques » croisent-elles de l’accordéon et/ou du bandonéon, lorsque ce n’est de la mandoline, comme sur « Question ». Face à cela, Toxicity est plus direct, pas moins produit, mais d’avantage centré sur les quatre musiciens : batterie, basse, guitare, chant.
SYSTEM OF A DOWN – Radio / Video (Mezmerize)
Atwa (Toxicity)
Des vagues de nostalgie énervée émergent de l’océan, vomissures torrentielles en jet spontané. Les paroles castagnent, boxent les travers d’une société élégiaque via des thèmes altermondialistes ou pro-écolo. Des bouts de slogans déchirés animent les textes, labourant au passage les saloperies issues du totalitarisme ambiant. Qu’elle est loin l’innocence de l’enfance, piétinée par les pogroms assénés au peuple Arménien. Car System Of A Down, SOAD pour les initiés, porte bien haut ses origines, jusque dans ses silences … et ses cris.
SYSTEM OF A DOWN – Toxicity
Lost in Hollywood (Mezmerize)
2001. Une fin de soirée alcoolisée, quelque part dans les Yvelines. Un appartement qui fait le malheur de ses voisins. Un milieu de nuit, deux ou trois heures du matin et System of a Down retentit puissamment dans les enceintes : « Aerials ». Je suis littéralement aspiré. Dans les chansons de Toxicity figurent déjà les ingrédients qui vont faire l’or de Mezmerize, ses diamants.
A la production de Mezmerize, Rick Rubin et Daron Malakian, « riffeur » et hurleur du clan. Pour amortir le boutoir, Serji Tankian « hamamélise » le chant. Ses fins sont harmoniques : décérébrer sans blesser. Les guitares font la part belle au médiator plutôt qu’aux cavalcades de tapping. Sous la baguette de Rubin, la batterie sonne acoustique, très loin de toutes ces boites à rythmes collant à la hype. Un pari de cet ordre fait toute la différence entre des hommes à l’œuvre et des machines programmées.
SYSTEM OF A DOWN – Aerials (Toxicity)
Violent Pornography (Mezmerize)
De ces disques émanent les fumées d’une sueur torride pendant que la concurrence enfile une gaine sous la douche. Le final de Toxicity recréé les traditions ancestrales ou celui de Mezmerize introduit Hypnotyze (2005), seconde moitié de l’aîné, plus brutal, moins mélodieux ou presque …
Hypnotize
2020 – Lorsque le contexte appelle à la nécessité, le groupe ressort du néant où il a choisi à présent d’exister.
Protect The Land
Une gousse d’ail dans la purée, un trait d’eau de Seltz dans du whisky japonais, du ketchup dans les trous de nez … il faut oser. Du Métal Arménien ? Une « essentialité ».
Thierry Dauge