The CORRS – “And then the music comes from nowhere”
« And then, a tin whistle, a fiddle, a piano and a guitar blow from nowhere ». The Corrs fait exactement cet effet-là. Survolant la partition doucereuse, le vent qui s’emmêle dans la bruyère, la brume saline qui naît du littoral au petit matin, la voix d’Andrea. Elle susurre avec force, exhale son haleine dans le cône des haut-parleurs, un murmure, un souffle, puis dépose sa langue sur ses dents pour accrocher l’accent, le parfait embrun. Que ce soit en anglais ou en gaélique, le charme opère. Alors, Sharon, Caroline et Jim se saisissent de la mélodie, la font voguer vers leur contrée : l’Irlande.
The CORRS – Buachaill on Eirne
Entre 1995 et 2005 : dix ans, cinq albums. Puis dix ans encore avant que ne sorte le suivant. Au centre de ces dix premières années, à la poursuite des canons d’une époque, un double « Unplugged » (1999). Bien sûr, les disques précédents contiennent de belles choses : mélodies, orchestrations mais, à un ou deux titres près : « Forgiven, not forgotten », « Runaway », « Only when I sleep », rien d’inoubliable. Sur « The Corrs unplugged », les interprétations bonifient les chansons, voire, pour ce qui concerne les reprises, les « sublimisent ».
Little wind (live unplugged)
En 2005, la fratrie, trois sœurs et un frère, décident de rendre hommage à leur pays, leur nation : la verte Erin. Comme une évidence, ils baptisent l’ouvrage : « Home ». A partir de cet enregistrement, toute subjectivité bue, nous pouvons émettre deux avis, parallèles assez semblables aux hélices d’un brin d’ADN.
Après une écoute attentive des treize chansons qui composent ce CD, la voix d’Andrea fait à nouveau l’objet de toute notre attention. C’est qu’elle en évoque une autre, celle d’un chanteur noir-irlandais. Non pas que la similitude soit flagrante mais elle laisse planer l’hypothèse d’une alchimie mystérieuse qui, tel le trèfle, rassemblerait les ressortissants irlandais autour d’un noyau, d’une cellule, d’un peuple. Le chanteur ? Philip Lynott, ex leader et membre fondateur du groupe Thin Lizzy. RIP.
The CORRS – Old town
Le second parallèle aborde le folk et la country US tels qu’exprimés par des chanteuses rattachées aux genres : Emmylou Harris ou Linda Ronstadt. Sans pousser l’analyse au-delà du raisonnable, disséquer la tonalité d’une demie-croche de silence, la présence de sons tout droit venus du folklore irlandais fait figure d’évidence dans les deux styles musicaux précités. Pour s’en convaincre, rien ne coûte d’écouter de concert ces musiques supposées étrangères. Alors naît un ballet où les elfes et les cowboys dansent ensemble, vers luisants sur la lande, braises rougeoyantes autour du feu de camp.
Heart like wheel
« Home » contient également des morceaux purement instrumentaux, réinterprétations de titres folkloriques, cousins germains d’ « Amazing grace », cantique chrétien anglophone joué à la cornemuse lors des processions policières new-yorkaises. Plus largement, ces titres musicaux résonnent de tous les tartans celtiques qu’ils contiennent, des Highlands écossais en Breizh et Mont d’Armorique.
Pour aller plus loin, quel bonheur ce serait si The Corrs invitait à leur table les spécialistes de la gigue agitée : The Pogues. Quel formidable duo ce serait que d’associer la Belle et la Bête, Andrea Corrs et Shane MacGowan !
The CORRS – Haste to the wedding (live)
Finalement, l’idéal ne serait-il pas de déguster une chanson de The Corrs en volant une lampée de Tullamore Dew, confortablement installé dans un fauteuil club, à la nuit tombée, devant une flambée dans l’âtre d’une cheminée ? Fragrances mêlant cuir et bois brûlé, Korrigans se mouvant aux A-corps « endiabl-enlacés ».
Peggy Gordon
Héréditaire, on est d’Eire comme on naît de la Terre. Et puisque nous y retournerons toutes et tous un jour, apprenons de celles et ceux qui en viennent. La planète Corrs nous y invite.
Thierry Dauge