Le metteur en scène vient de tirer sa révérence à 90 ans
Jean-Pierre Mocky : une pelletée de films à voir et à jeter mais avec révérence
Il ne voulait pas se vieillir mais pourtant Jean-Pierre Mocky est bien né en 1929 et non en 1933 comme il prétendait l’être. Jean-Paul Adam Mokiejewski a réalisé une bonne soixantaine de films, du début des années soixante jusqu’à nos jours. Et le moins qu’on puisse dire est qu’il aura touché à tous les genres, surtout ceux qui gênent le bourgeois, comme il aimait à le dire. Oh, les films d’amour, ça n’a jamais été son truc. Il préférait aborder ce qui gênait : la politique, la religion, l’environnement, le futur, les magouilles.
Ses Débuts
Alors on va se contenter de se remémorer ses plus grands moments, dans un premier temps.
La cité de l’indicible peur (La grande Frousse) 1964 (Jean-Pierre Mocky)
https://www.youtube.com/watch?v=i5eexDTC9jM
Ses meilleurs films se situent sans conteste au début de sa carrière aussi bizarre que cela puisse paraître. Ainsi ce film culte : La Cité De L’Indicible Peur sortie en 1964, rebaptisé plus tard La Grande Frousse, on ne sait trop pourquoi. Un polar onirique mené de main de maître par Bourvil à hurler de rire (juste pour mémoire, cette scène où le maire finit toujours ses phrases par un « quoi » chuchoté. L’inspecteur, joué par Bourvil, donc, l’interroge, jusqu’à ce que le maire réponde à un moment : « qui, quoi ? ». En colère, l’inspecteur répond : « mais ni qui, ni quoi ». A lire c’est bête mais à regarder c’est formidable.
Auparavant, il sort Un Drôle De Paroissien toujours avec le même Bourvil et Francis Blanche, entre autres. L’histoire de bourgeois chrétiens obligés de pomper dans le tronc des églises pour subvenir à leurs besoins. C’est très drôle et un bon reflet de cette époque (1963).
Les Seventies
Les années soixante-dix le voient s’encanailler avec la politique extrémiste dans Un Linceul N’A Pas De Poches (1974), un polar dans la lignée de ceux écrits par Jean-Patrick Manchette ou Solo (1970) et L’Ibis Rouge (1975). Moins marrant mais très dérangeant.
Extrait de « Un linceul n’a pas de poches » ( jean-Pierre Mocky)
Cet engagement le marquera toute sa vie sans pour autant connaître le succès mis à part A Mort l’Arbitre (1983) avec Eddy Mitchell et Michel Serrault, une pochade réaliste autour des fanatiques du sport, et Le Miraculé (1987), une fanfaronnade autour de la religion orchestrée par la doublette Poiret – Serrault au sommet de leurs formes.
Suite et fin
Il perdra sa renommée à partir des années quatre-vingt dix. Sans pour autant cesser de signer un film par an, inlassablement. Aux dernières nouvelles, il venait de terminer son dernier film qui devrait sortir d’ici la fin de l’année et allait en entamer un autre avec Depardieu dans la foulée. Mocky, c’était ça. Inlassable, inclassable.
Anecdotes perso
A titre personnel, j’ai deux anecdotes. Je l’ai rencontré la première fois lors d’une projection d’un de ses films indigestes dont il avait le secret : Litan (1982). C’était à Auxerre, ville plutôt calme. Les spectateurs huaient le film au fur et à mesure du déroulement. A la fin, Mocky s’est levé, sans se démonter, et à hurlé et engueulé ceux qui n’avaient rien compris, disait-il, à son film. La discussion a tourné vinaigre mais il n’a jamais rien lâché. C’était lui.
Litan – Bande Annonce (Jean-Pierre Mocky)
Un autre soir, pour terminer, j’étais invité permanent par des amis qui animaient une émission cinéma chaque jeudi soir entre 22 et 24h. Ils possédaient le numéro perso de Jean-Pierre Mocky et ils avaient décidé de l’appeler, comme ça, au feeling (non, le portable n’existait pas dans les années quatre vingt). Coup de bol, il était là et a répondu avec une gentillesse incroyable à des animateurs qui n’étaient écoutés que par quelques noctambules mais très fidèles, il faut le reconnaître. Mocky, c’était ça aussi.
Respect à tout ce qu’il a fait et à ceux que certains lui doivent. Rappelons qu’il ne payait quasiment jamais ceux qui travaillaient avec lui mais que tous les plus grands du cinéma français voulaient au moins faire un film avec lui. Si ça ce n’est pas une reconnaissance…
Patrick Bénard
A lire également : La chienne un film de Jean Renoir