EIFFEL – Te revoir : la classe et les textes

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EIFFEL – A tout moment, abricotine pour ahuris

Eiffel

En studio

Pour Eiffel, les choses sérieuses commencent avec « Te revoir » (2001), un single extrait de l’album « Abricotine » (bien que déjà présent sur le Maxi 4 titres sorti l’année précédente). Lorsqu’on recherche la signification du terme « abricotine », on aboutit à une double possibilité. Soit il s’agit d’une liqueur d’eau de vie d’abricots distillée en Suisse, soit d’un « oranais », l’autre nom d’une viennoiserie originaire d’Oran, le berceau du Raï. Avec Eiffel, donner un sens aux paroles relève toujours du casse-tête. Pour les élaborer, précisons que l’auteur semble utiliser la technique dite du « cutting ». Cette méthode, entre autres pratiquée par Bashung ou Bowie, consiste à privilégier la sonorité, l’équilibre et l’harmonie des mots plutôt que leur sens (?).

EIFFEL – Te revoir

Sur « Abricotine », les morceaux sont d’avantage ouvrés en « home studio » qu’ourdis par une bande de musiciens. Les jeunes gens ne deviennent un véritable groupe que lorsque, succès aidant, ils décident de professionnaliser leurs destins.

Ce qui caractérise Eiffel provient essentiellement de son leader : Romain Humeau. Il écrit, compose, enregistre, produit, chante et musicalise la quasi-totalité de ce que le groupe propose à l’écoute. Sa voix, surtout, est identitaire. Il pratique une tonalité assez haute et une diction/prononciation maniérées s’approchant de celles de Bertrand Cantat. Eiffel sera d’ailleurs le premier groupe à proposer au chanteur de remonter sur scène après Vilnius. Précisons qu’Humeau a préalablement participé aux arrangements musicaux sur la chanson « Des visages des figures » (2002) de Noir Désir. Sur sa lancée, il participe activement à l’élaboration de « Baron samedi » (2013) et « 5 minutes au Paradis » (2017) pour et avec Bernard Lavilliers.

J’ai poussé trop vite

En 2002, sans retentir ailleurs que sur « Oui FM » ou « Le Mouv’ », des ondes « rock », Eiffel sort un album extraordinaire de concision, de mélodies et de bruit dans un nuage d’anonymat : « Le ¼ d’heure des ahuris ». Les chansons provoquent la « boucle », la réécoute, l’impression « d’incontournabilité ». L’une d’entre elles : « Dim sum/Le plus grand nombre/L’aurore », permet à Boris Vian d’exposer une des conditions qui permettrait au « plus grand nombre » de s’autogérer. Un autre envoûte carrément, résonnant des mots dont on aimerait user pour décrire l’horizon : « Tu vois loin ». Et tant d’autres ! Treize défis au funambulisme. Cerise : les dix mille premiers acquéreurs de l’album ont bénéficié d’un CD supplémentaire contenant quatre titres inédits. Un bonheur n’arrive jamais seul !

EIFFEL – Tu vois loin

Les sollicitations sensorielles étant multiples, il arrive qu’on s’éloigne malgré soit de l’être aimé, la musique ne faisant pas exception à cet aléas. Et puis, au hasard d’un réseau social, sur une page de partages, la fiancée revient, aussi belle qu’on l’avait quittée. Eiffel réapparaît par cette porte dérobée, telle une destinée à laquelle l’amateur de rock semble lié lorsqu’il apprécie le « genre » : « A tout moment » (2009). « Ma blonde », « Minouche », « Nous sommes du hasard », « Mille voix rauques » … ouf ! Même si la première écoute peut laisser dubitatif, elle pousse encore une fois à la réécoute. Le piège ! Telle la mouche sur le ruban garni de glu, nous voilà « en-musiqués » par l’ensemble du contenu, inextricablement.

Je m’obstine

Pourtant, après la découverte en studio, le passage au live

En concert

Eiffel

Le 12 décembre 2001, le père Noël passe-t-il en avance à l’Elysée Montmartre ? Pas vraiment pour les uns, celles et ceux qui se déplacent pour la 1ère fois voir Eiffel, idéalement pour les fans énamourés. D’ailleurs, ces derniers invectivent le reste du public, lui reprochant son inertie, son absence de communion. Si les néophytes sont dubitatifs, c’est que le paramètre « voix » ne correspond pas. Les puissantes envolées aiguës qui paraphent les disques sont absentes du micro. Romain Humeau semble avoir changé de tonalité, descendant l’ensemble des titres d’une octave. Terrible déception qui n’affecte pas les adeptes.

EIFFEL – Le cœur Australie (live)

Vérification faite, d’autres groupes français assurent haut la main le passage du huis clos à la scène : Luke au même endroit en 2004, Dolly au Plan en 2005 ou, en mars 2006, lors d’une soirée de la jeune création à Houilles (Yvelines) : Mon Côté Punk, Stuck In The Sound, Hushpuppies et Romain Humeau … tiens ! En solo, le leader d’Eiffel parvient à enivrer le public où il ne fait que le distraire en groupe. Étonnant ! Les cinq années qui séparent les deux prestations ont elles permises cette transformation, cette transition de la chrysalide au papillon ?…

Romain Humeau Eiffel

Seule solution pour en apprendre d’avantage : retourner vivre Eiffel en concert. Étrangement, le tropisme généré par les albums vaut également pour le live, certes sous une forme moins virulente, un désir souterrain. Dix-huit ans plus tard, il est temps de … “Te revoir“.

Cascade (live en mai 2019)

Thierry Dauge

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