Radio Caroline 27 mars 1964
Elle est née à Pâques 1964… mais l’idée était dans l’air dès 1962
Le livre RADIOS PIRATES De Radio Caroline à la bande FM revient sur cette passionnante aventure…
Avant de commencer à lire notre article, ne manquez pas de mettre RADIO CAROLINE en fond sonore…
Radio Caroline est née à Pâques 1964 mais l’idée d’une radio pirate était dans l’air, en Angleterre, dès 1962. A cette date des rumeurs circulèrent. GBOK, radio au format musical proche de celui de la BBC, devait commencer à émettre le 28 février. Un bateau-phare désaffecté ancré dans l’estuaire de la Tamise, juste à la limite des eaux territoriales britanniques, devait permettre aux responsables de la station d’enfreindre impunément les accords internationaux sur les télécommunications.
Le projet, qui devait rapporter à ses promoteurs deux millions de livres sterling chaque année, ne vit jamais le jour. En revanche Radio Veronica, ancrée à la limite des eaux territoriales hollandaises, forte de ses réussites financières grâce à la publicité récoltée auprès des annonceurs néerlandais, avait commencé à poser des jalons auprès du public britannique, prouvant l’existence d’un vaste auditoire potentiel en Grande-Bretagne.
Un bateau ancré non loin des côtes anglaises
L’idée d’un bateau ancré non loin des côtes anglaises est à l’origine de Project Atlanta. La fermeture de la station pirate suédoise Radio Nord met à la disposition de l’Australien (et d’un groupe de financiers qui l’assistent dans cette démarche) un bateau-radio déjà tout équipé, le Bon Jour, rebaptisé Magda Maria puis finalement Mi Amigo. De la Baltique, le vaisseau se rend, pour sa remise à neuf, à El Ferrol en Espagne.
Radio Caroline : 14 septembre 1962
Il quitte le port ibérique le 14 septembre 1962, direction Douvres, puis s’ancre dans l’estuaire de la Tamise. Il est probable que des test-transmissions sous le nom de Radio London ou Radio-LN aient été effectuées sur 306m ondes moyennes (les archives officielles britanniques ne peuvent cependant en attester). Mais l’on apprend alors la saisie de la station pirate danoise Radio Mercur et les financiers, qui jusqu’alors appuyaient le projet de Crawford, prennent peur. La première radio pirate britannique cesse ses tests et reprend la mer.
Projet en gestation
L’année 1963 est consacrée à l’amélioration et à la transformation du navire à Brest, Las Palmas et Galveston. Allan Crawford, alors âgé de 42 ans, n’a pas renoncé au projet, malgré la défection de ses premiers partenaires. Il est maintenant épaulé par l’ex-major Smedley et l’agent artistique Kitty Black. Deux noms qui reviendront tragiquement dans l’actualité trois ans plus tard, en raison de leur rôle dans le meurtre qui jeta à jamais le discrédit sur les radios pirates. Crawford a perdu beaucoup de temps à chercher des capitaux puis à légaliser l’entreprise en la faisant enregistrer au Liechtenstein. Autant dire qu’il a perdu l’avance qu’il avait sur O’Rahilly qui, lui, a monté en Suisse sa société Planet Productions.
Ronan O’Rahilly
Fougueux et rebelle dès son plus jeune âge, il est maintes fois renvoyé des écoles et collèges où il passe son temps à rêver de devenir cinéaste. Il envisage sérieusement de quitter l’Europe pour s’installer aux U.S.A. Le seul pays où il pense pouvoir se faire un nom rapidement dans le monde du cinéma (grâce au succès de Radio Caroline, certaines portes s’ouvriront ; Ronan pourra notamment réaliser le film « Girl on a Motorcycle » avec, pour principaux acteurs, Alain Delon et Marianne Faithfull). Il sera également l’agent artistique de l’acteur George Lazenby, le James Bond de « Au Service Secret de sa Majesté ».
Au moment où son avion va décoller, Ronan est informé que, de par sa double nationalité, il sera tenu d’effectuer son service militaire dès qu’il posera le pied en Amérique. Du coup, son billet d’avion Irlande-USA se transforme en un billet pour Londres, capitale où le début des années soixante est propice à la création de pop music, un domaine où un jeune loup comme lui doit pouvoir faire son trou. Ronan se lie d’amitié avec, entre autres, les Rolling Stones, les Beatles, les Animals et les Move.
Début 1964…
O’Rahilly et Crawford sont en concurrence directe. Chacun est sur le point d’aboutir. L’union fait la force, paraît-il. O’Rahilly propose à Crawford de venir effectuer ses derniers ajustements dans le port de son père. En échange de quoi Crawford prêtera ses studios londoniens pour l’enregistrement des futurs programmes de Caroline. Hélas, la nature humaine a ses faiblesses. Les marins de Greenore mettent nettement moins d’ardeur à travailler sur le bateau de Crawford que sur celui d’O’Rahilly. Comble de malchance, le mât d’antenne de Radio Atlanta est livré en retard. En contrepartie, les soi-disants techniciens du studio d’enregistrement d’Allan Crawford mis à la disposition d’O’Rahilly sont tout à fait inexpérimentés. Bref, personne n’est satisfait de cet échange de services qui ressemble fort à un marché de dupes.
Début mars, le bateau de Caroline, sous pavillon panaméen, quitte le port de Greenore. Il est suivi à bonne distance par celui d’Atlanta. Celui-ci effectuera un périple d’un mois avant de retrouver Caroline.
Radio Caroline : direction la Manche !
Début mars 1964, surmonté d’un gigantesque mât-antenne, le bateau de Caroline prend position au sud de l’Angleterre. Il s’installe face au port d’Harwich, de manière à couvrir l’agglomération londonienne. Dès lors, tout va très vite. Le 27 mars (Vendredi Saint) elle envoie ses premiers signaux sonores, historiques, et démarre officiellement ses programmes, sur la longueur d’onde annoncée de 199m Ondes Moyennes, le dimanche de Pâques à midi.
Le tout premier disque diffusé sur Radio Caroline et choisi par le Disc Jockey Chris Moore est « Not Fade Away » par les Rolling Stones. Et non pas « Can’t buy me love » par les Beatles comme on l’a longtemps cru. La légende prétend que cette date du 27 mars a été choisie afin que, profitant du repos des autorités pendant ce week-end prolongé, la station puisse acquérir une telle popularité qu’il soit impossible de la saisir sans déclencher un tollé de protestations de la part des auditeurs.
Radio Caroline
Pâques 1964…
Il avait fallu à Ronan deux années d’efforts, de prouesses et de malice pour mettre à flot sa propre station de radio, seul moyen de faire connaître les jeunes talents. Le gouvernement aura beau clamer que « les radios pirates, c’est la mort des musiciens britanniques« , ces stations non autorisées seront à l’origine d’une véritable explosion artistique.
A l’époque, encouragée par le succès des Beatles, l’Angleterre est véritablement en ébullition. Les radios pirates sont le catalyseur d’un mouvement musical qui aurait sûrement eu bien du mal à s’exprimer sans elles. Les grincheux prétendaient au contraire que le fait de passer de la pop music à longueur de journée inciterait les jeunes à acheter moins de disques ! Cette lutte contre toute forme de monopole durera tant que dureront les radios pirates et permettra de découvrir des artistes brillants.
22 avril 2020, Ronan O’Rahilly le fondateur de radio Caroline nous a quittés des suites d’une longue maladie. Il avait 79 ans.
Daniel Lesueur