Moons Of Saturn

— Capitaine ! Capitaine !
— Oui, quoi ?
— Comète à tribord ! La vache ! Une comac !
— On va pas s’laisser emmerder par un glaçon à la con ! Lieutenant, balancez moi un bon coup de laser là dedans et qu’on n’en parle plus…
— À vos ordres capitaine !
Le capitaine Trambor…
… arpentait fièrement la passerelle du Mégator, son bon vieux vaisseau pirate, tas de ferraille légendaire, increvable, bien qu’en vitesse lumière ça vibrait un chouille dans le stabilisateur subatomique. « Faudra que j’donne ça à regarder, un de ces quatre, à ces fripouilles de mécanos de Bételgeuse » pensa fort à propos le capitaine. Mais, baste, pour l’instant ce fidèle coucou tenait bon la rampe, compagnon séculaire de moultes briganderies et forfaitures intergalactiques.

La vue par le hublot…
… était magnifique. C’était la première fois que Trambor s’aventurait dans ce petit système solaire des abords de la Voie Lactée. Lui et son équipage croisaient pour l’heure dans les parages d’une géante gazeuse, nommée Saturne d’après le Grand Atlas Galactique, édition corrigée, dont les anneaux offraient un spectacle grandiose.
— Capitaine ! Capitaine !
— Quoi encore !?!
Pas moyen d’avoir la paix cinq minutes. Sympathique ce lieutenant Pouppor, mais un brin collant…
— Signal perçu au delà de la ceinture d’astéroïdes !
La ceinture d’astéroïdes. Le capitaine en avait entendu parler. Barrière infranchissable, à ce qu’il paraît. Redoutable même pour les plus braves et les plus expérimentés des vieux briscards des confins de l’espace profond. Même lui, le valeureux Trambor, n’aurait pas trop osé s’y aventurer…

« … Nom d’un pulsar !!! »
Le capitaine…
… soudain arraché à ses pensées, est le témoin incrédule d’une scène pour le moins étonnamment surprenante, à moins que ce ne soit le contraire… D’où ce juron délicieusement suranné encore usité, aux dernières nouvelles, sur les lunes de Sirius. En effet, le lieutenant Pouppor, d’habitude si flegmatique et posé, est maintenant debout sur son siège de copilote, les écouteurs bien en place sur ses quatre appendices auditifs, occupé à une sorte de gymnastique rythmique des plus saugrenues. Son air extatique donne néanmoins l’impression qu’il n’est en proie à aucune souffrance…
« Mais, par tous les cratères du Centaure ! que vous arrive-t-il lieutenant ? »
Celui-ci…
… absorbé dans ses contorsions frénétiques, les yeux révulsés, une écume blanchâtre moussant au coin de sa bouche tordue, n’a cure de la remarque de son chef.
« Lieutenant Pouppor ! Arrêtez immédiatement vos conneries ou je vous mets aux fers ! »

Devant l’indifférence…
… de son subordonné, le capitaine, furax, se précipite sur le possédé dans le but manifeste de lui arracher son casque manu militari. Mais son emportement est tel qu’il débranche le câble reliant l’appareil au tableau de bord.
C’est alors que tout part :
– En vrille
– En couille
– En cacahuète
À vous de choisir…
Suite à la déconnexion du fil audio…
… les alarmes du Mégator sont submergées par un torrent de décibels comme on n’avait pas entendu depuis l’explosion de la super nova au fond à droite du Grand Nuage de Magellan en partant d’Andromède. Le capitaine, saisi par le flot sonique, a juste le temps d’apercevoir, avant de basculer dans une transe neuronale sans retour et une perte totale du contrôle de ses membres, d’apercevoir dis-je, son équipage livré à une épilepsie synchrone des plus pittoresques…
Sa rétine imprimera, avant de sombrer définitivement dans l’abîme sans fond de la démence, la vision dantesque de la timonière, trémoussant, dans une nudité intégrale, le bleu phosphorescent de son généreux popotin de plutonienne.

Mais je sens…
… qu’une question brûle vos lèvres gercées par cette attente insoutenable…
Mais, oui, quel est donc ce mystérieux signal venu des profondeurs de la fameuse et redoutée ceinture d’astéroïdes ? Par ici… Et n’oubliez pas le guide s’il vous plaît… Faut bien vivre… Passons cette foutue ceinture, vulgaire tas de caillasses sans grand intérêt. Franchement y a que des caves comme Trambor pour en faire tout un plat… Sur la droite une petite planète rouge. Vous savez, les petits hommes verts, les soucoupes volantes… Bon, sympa, sans plus. Un peu folklorique tout ça… Ah, tiens… le signal s’intensifie. On approche, on approche… Là-bas, voilà, un peu sur la gauche, la petite planète bleue. Voyez ? Mignonne comme tout… On arrive… Attention on descend, tranquillou, ouais ça chauffe un peu les miches, atmosphère atmosphère…

Voilà, on est tout près…
… Là, au Nord, où ça caille les meules, enfilez la p’tite laine, conseil d’ami. Donc ça s’appelle la Suède, un petit pays tout gelé. Les mecs et les gonzesses du coin, faut bien qu’ils se réchauffent la couenne, vous comprenez… Alors ils font de la musique. Mais de la musique qui réchauffe. Du Rock and Roll qu’ils appellent ça les Terriens, les habitants de la Terre, ben oui la planète elle s’appelle la Terre, faudrait peut-être suivre de temps en temps… Ah, on entend de plus en plus fort, on est au dessus du local de répétition, le labo où ils concoctent leur musique si vous préférez. Putain, c’est bon hein ? Ca envoie du stère comme qui dirait… Mais par tous les Reptiliens, qu’est-ce que vous avez ? Ah ouais, c’est vrai, la première fois ça peut… Les yeux blancs, les bras et les jambes dans tous les sens, la bave aux lèvres… Mais vous verrez, je vous le garantis, bientôt vous ne pourrez plus vous en passer…
Voilà donc enfin résolu l’origine de ce son maléfique venu d’ailleurs, doué du pouvoir d’ensorceler toutes créatures de l’infini et au-delà…

Tout commence à Stockholm…
… entre 2014 et 2020. Håkan Göstas, guitare, et Peder Andersson, basse, sévissent dans The Curse, bombe scénique Garage dont les ravages en Europe ne se comptent plus. C’est alors que Anders Gustawsson, le chanteur, sans crier gare, part fonder The Bwanas. Privé de cette enfant prodige de la scène qui incendia les planches dès l’âge de 15 ans, les Curse décident de raccrocher. Håkan et Peder, navrés d’imposer cette inactivité à leurs cordes respectives, ne tarde pas à monter un nouveau combo. Ce sera chose faite avec la complicité de Mankan Magnusson, redoutable marteleur de fûts dont l’expérience en matière de beat concis et efficace n’est plus à prouver. L’affaire sera baptisée Moons Of Saturn, certainement en hommage aux nanars SF plus kitch tu meurs que les lascars semblent affectionner. Ce n’est pas la pochette de l’album, peuplée d’entités cosmiques improbables, qui le démentira…

Moons Of Saturn – Black Velvet Roses
Car, et le contraire eut été un tantinet ahurissant…
… album il y a ! Produit par les labels Beluga Records, Ghost Hyghway recording et Stryckhnine Recordz et mis en boîte au Televinkler Studio à Göteborg, les deux faces balancent 12 irréprochables missiles de Garage Rock and Roll mâtiné d’une niaque punky de bon aloi. Tandis que Mankan bastonne sévère et juste, Håkan Göstas se colle au chant lead, excellente idée au demeurant, ses vocaux n’ayant rien à envier au punch de ses riffs. Peder Andersson, de son côté, basse en bandoulière, assure des choeurs impeccables, très mélodiques, qui saupoudrent sur un plat déjà bien pimenté une petite pincée Power Pop revigorante.

Une fois l’objet sur la platine…
… plus aucun doute n’est permis quant au potentiel à forte teneur explosive que la triplette doit dégager en live. Chaudement recommandé pour toutes nuits High Energy qui se respectent, ici ou ailleurs dans les bars à kryptonite de l’Outter Space.













