Michel MAGNE – L’Amour de Vivre

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Michel MAGNE – L’Amour de Vivre

Michel Magne ? Si l’on vous parle de ce « personnage » et qu’interloqué vous vous demandez : « Mais qui cela peut-il bien être ? », écoutez certaines bandes originales de films. Ci fait, nul doute que vous en connaissiez au moins une (CF les liens inclus dans la chronique) – même si ces films remontent aux années 60/70, ils sont quasiment rentrés dans la mémoire collective française, si ce n’est sauvegardés au sein du Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Michel Magne en est le compositeur.

Toujours rien ? Alors, plongez dans votre discothèque pour y puiser quelques albums. Honky Chateau (1972) d’Elton John, The Slider (1972) de T Rex, Obscure By Clouds de Pink Floyd, Camembert Electrique (1971) de Gong et bien d’autres ont été couchés sur bandes dans un mythique studio d’enregistrement qui lui appartenait alors : le Château d’Hérouville.

BO Angélique Marquise des Anges (1964)

Dans L’Amour de Vivre, publié en 1980, Michel Magne se raconte. Avoir choisi ce titre et se suicider quatre ans plus tard peut paraître paradoxal. Mais, tout au long de sa vie, cet homme n’a pas été à une aporie près. En effet, comment marier « activité professionnelle », censée vous enrichir ou, pour le moins, vous assurer des revenus suffisants, et dépenser sans compter ? Au Château, vous pouviez non seulement enregistrer mais également « vivre » : chambres aménagées royalement, restauration – Chef cuisinier et meilleurs Grands Crus classés – piscine, court de tennis, le « tout en un » au service de la musique. Pour ne rien gâcher, Dominique Blanc-Francard puis Laurent Thibault usinaient aux manettes, des ingénieurs du son / producteurs cinq étoiles.

Michel Magne, oniomane ? Promoteur d’achats compulsifs pour combler un manque ? Ou bien plutôt perfectionniste, à la poursuite du meilleur dans tous les domaines ? Ainsi, soigner une BO « vernis sur ongle », que le film aborde un thème dramatique ou « rigolo », pour être reconnu et remercié « rubis sur ongle » ? Dans son cas, méticulosité ne rimera pas avec comptabilité.

BO Fantômas (1964)

Miche Magne rencontre Marie-Claude en 1970, elle à 16 ans, et l’épouse en 1972 avec l’accord de ses parents – la majorité civile à 18 ans date de 1974. Peu importe les « on dit » et les vingt-quatre années qui les séparent. Ils s’aiment et s’épanouissent dans cette union ; Magne comblant au passage le manque qui l’habitait, cette « unité » qui lui faisait défaut. Par contre, la même année, dix ans après son achat (1962), le Château en tant qu’entreprise se trouve en faillite. L’environnement dispendieux et fastueux qu’il accorde à ses « invités » lui coûte tant – et si mal – qu’à la fin il se brise. Le fait de devoir quitter Hérouville lui coûtera également son âme.

BO Les Tontons Flingueurs (1963)

Dans l’Amour de Vivre, le musicien relate sa jeunesse, période saupoudrée des farces et canulars qu’il organise dès qu’une occasion se présente. Qu’il devienne chef d’orchestre n’y change rien, fomenter un mauvais coup, une blague, fait partie intégrante de sa personnalité. Anecdote : il promeut une écoute grand public d’une partition « spéciale » qu’il a écrite. Dans celle-ci, il a inclus des infra-sons couvrant des fréquences que l’être humain ne peut consciemment distinguer. Par compte, le cerveau les interprète et provoque immanquablement une réaction physiologique : la colique ! Dans l’auditorium, bas appareil digestif sollicité, une grand majorité de l’assistance cherche à rejoindre les WC, refoulée par des rugbymen embauchés pour les en empêcher ! Un commentaire ? « Well done !!! ».

Dans cet état d’esprit où « on peut rire ou se moquer de tout », pas étonnant que Michel Magne se soit lié d’amitié avec Jean Yanne, autre impénitent joyeux drille.

BO Tour le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil (1972)

Les humoristes et apparentés, ces « mecs marrants », souffrent souvent de blessures sous-jacentes inavouées, font l’objet de crises dépressives, troubles psychiques camouflés derrière un je-m’en-foutisme de façade. Que leurs démarches se retrouvent confrontées à l’incompréhension, qu’ils se sentent victimes d’injustice et leurs masques d’Arlequin se fissurent.

Michel Magne, musicien talentueux, homme joyeux et généreux, amoureux des plaisirs terrestres pour lui-même et ceux qui l’entouraient, aura été trahi par ce qu’il avait de plus grand : le cœur. Après la perte du Château, son enfant, sa « chose », il sombre dans le dépit. Seul, peu sollicité par les gens du métier, étranglé par les dettes, il dépérit. En 1984, outre les larmes, ne lui reste plus que l’arme pour se tuer. Des barbituriques feront l’affaire. Après tout, quelle affaire…

BO Réveillon chez Bob

L’Amour de Vivre aux Editions Alain Lefeuvre, comprend un 45-tours reprenant deux compositions instrumentales de l’auteur. Son tirage est épuisé depuis longtemps et il n’a jamais été réédité. Pour le déterrer, il vous faudra creuser. A cette image, tristement victime d’une amnésie générale, à défaut d’un château le dernier domicile connu de Michel Magne se trouve être une niche – numéro 1239 – au columbarium du Père Lachaise.

Thierry Dauge