JC. GRANGÉ – Lontano / Congo Requiem
Jean-Christophe Grangé, banlieusard, journaliste, reporter … Romancier, est un habitué des lieus – Les Rivières Pourpres, c’est lui ! Lesquels ? De préférence sombres, ces zones empoissées de suie qui trustent l’âme du genre humain, là où sinue le « mal », avec un grand « M ». L’assassin potentiel, le serial killer, être « parallèle » tapis dans les subconscients, n’attend que l’étincelle, l’élément déclencheur pour se mettre en mouvement. Parfois combustible, parfois comburant, en fonction de la charge émotionnelle qui étreint l’individu, déclencheur ou accélérateur d’une agressivité sous-jacente, innée, l’évènement initie des ouragans à venir. Grangé s’en saisit pour décrire ces personnages décalés – « habités » –, qui peuplent son œuvre.
Lontano représente le premier volet d’une quasi épopée familiale conclue par Congo Requiem : l’histoire des Morvan. Les parents : lui flic au plus haut niveau de l’État, elle femme au foyer, les deux fils : l’un prince de la finance, addict à la coke, Loïc, l’autre flic à la Criminelle, Erwan, et la fille : Gaëlle, anorexique, « actrice », pute. Leurs rapports familiaux basés sur la dichotomie amour / haine constituent une sorte de fil rouge tout du long des deux « pavés » « thrillerisés ». Outrageusement, l’auteur, invite l’Homme Clou – croque mitaine de chez croque mitaine – à souffler un vent d’horreur sur ce clan.
« Deux prédateurs se détestant d’instinct parce qu’ils représentaient les deux visages d’une même pourriture. »
Qu’est-ce que « l’Homme Clou » ? Qui est-ce ? Ne point trop en dire afin de préserver la lecture. Toujours est-il que l’action alterne entre Paris, la Bretagne et la République Démocratique du Congo ou Congo Kinshasa, ex Zaire, avec quelques incursions en Italie. Identifier les connexions entre ces différents pays consiste à cheminer au cœur de la famille Morvan, vivre son histoire, décortiquer les liens qui unissent ou désunissent ses différents membres.
MOZART – Requiem / Introitus
Les 800 + 736 = 1536 pages tiennent le lecteur en haleine. Se « farcir » autant de papier imprimé, inhumain ? Le croire, ce serait ignoré l’envoutement issu des mots, de leur agencement savant au bénéfice d’un suspens / soif d’en savoir davantage.
Lorsque l’action se déroule au Congo – Afrique Centrale –, le lecteur béotien en profite pour découvrir la situation géopolitique du pays tout autant que son passé historique – qui percute encore et toujours son présent. Lire dans les deux livres les chapitres concernés, c’est se plonger dans des odeurs, des fragrances, des parfums saturés, un climat tant humide que torride, transpirer avec les protagonistes et/ou saigner en leur compagnie.
« – Ma tante, patron, elle s’appelle Mouna. Elle est très respectée ici. Elle s’occupe des femmes violées qui viennent du Nord. Alors tu restes poli, d’accord ?
– Mais bien sûr, je…
– Ces femmes-là, elles sont irradiées, tu comprends ?
[…]
– Irradiées par quoi ?
– La honte, la souffrance, la souillure… (Le Noir lui saisit le bras). Le viol, c’est notre bombe atomique à nous, tu piges ? Ces victimes, elles sont contaminées pour toujours, elles meurent à p’tit feu… »
Si vous avez envie de dépaysement, si vous ne tournez pas de l’œil lorsque votre esprit traduit des mots / situations en images, si, et si, et si … Laissez-vous entraîner, lisez ces deux ouvrages. Les heures trop longues dans un contexte, défilent trop vite dans un autre. Lontano et Congo Requiem, des dévoreurs de temps.
Thierry Dauge
NB : Pourquoi un extrait du Requiem de Mozart ? Il sied à merveille comme bande son à la lecture…
Jean-Christophe GRANGÉ – Lontano (2015 – 800 pages) / Congo Requiem (2016 – 736 pages) – Éditions Albin Michel / Éditions Le Livre de Poche.
