LED ZEPPELIN : TOUR OVER EUROPE 1980 – Bruxelles

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Le dernier vol

LED ZEP par POUP
LED ZEP par POUP

Voir Led Zeppelin en vrai ! On en rêvait depuis des années. En 1979, il y avait eu ces concerts de retour à Knebworth, pendant l’été, en Une des journaux tel Best, mais la critique s’était montrée plus que perplexe. Il faut dire qu’à l’époque, dans cette phase de transition entre la Tabula Rasa salutaire du Punk et la New Wave, Led Zeppelin faisait partie des honnis, des honteux, de ces vieux dinosaures disait-on, qu’il fallait abattre. Ben oui, les gars, ces croulants, avaient la trentaine… Du moins c’était l’avis d’une partie des esthètes Rock. Donc il fallait arborer une moue dubitative devant ces mégas shows anglais. Pourtant, quand on voit actuellement les images de ces concerts, quelle claque quand même…

Sombre tunnel

Rappelons que l’iconique chanteur Robert Plant traversait un sombre tunnel, cassé d’abord littéralement par un accident de voiture et surtout par le décès de son fils Karac. Que John Bonham, l’un des plus grands batteurs de notre musique fétiche, trompait son ennui dans l’alcool et les antidépresseurs. Et que Jimmy Page, LE guitar hero, était lui-même devenu accro à l’héroïne. Seul l’impassible bassiste / claviériste John Paul Jones semblait indemne… Mais nous, petits fans sans internet, à part les potins des copines et des copains, des revues ou des radios, on n’en savait rien ou pas grand-chose.

Led Zeppelin – Kasmir Live At Knebworth (1979)

Décevant

Puis il y avait eu cet album inattendu In Through The Out Door, tellement espéré, mais tellement décevant, surtout la première face avec ces morceaux inutiles, à la limite de la parodie, à part le torturé In The Evening. Alors qu’on l’apprendra plus tard, avec le disque posthume Coda, Page and co avaient pourtant des titres bien plus brûlants en réserve – par exemple Wearing And Tearing – pour un autre LP plus dur… Heureusement, l’étrange et éclaté Carouselambra ainsi que l’émouvant All My Love – sur le fils disparu de Plant – sauvaient la face B. Oui malgré le solo de synthé-trompette de John Paul Jones déjà daté en 79. Là aussi, la critique n’avait pas été tendre, cette fois à juste titre. Car après Presence, leur œuvre la plus radicale en 1976, In Through The Out Door s’avérait quand même leur pire disque…

Led Zeppelin – Wearing And Tearing – Coda (1982)

Tour Over Europe

Donc l’annonce de ces dates européennes de Juin / Juillet 1980, le Tour Over Europe 1980, a été une divine surprise ! Sauf qu’encore une fois, Page boudait la France. Après des concerts désastreux en 1973 – bagarres, spectateurs sans billets -, Jimmy et sans doute Peter Grant, leur intraitable manager, avaient décidé de ne plus jouer par chez nous. Il fallait donc aller ailleurs, Belgique ou Grande-Bretagne, ou se contenter des comptes-rendus de concerts dans Best et Rock&Folk, en contemplant les photos des shows de dingues aux States.

Mais pour le meilleur et pour le pire : durées de trois heures, morceaux à rallonge – version de 30 min de Dazed And Confused ! -, lasers, écrans géants, explosions, fumigènes et costumes en velours chamarrés du leader, guitare à trois manches du bassiste, poitrail androgyne et crinière de lion du chanteur… Ou l’on pouvait se consoler en voyant au ciné le film The Song Remains The Same, tout en se tapant les digressions inutiles – les fantasmes des musicos -, mais en admirant le quatuor à son zénith de 73 justement. Or, chanceux et chanceuses que nous étions, Led Zeppelin faisait une escale à Bruxelles, à 1 heure de Lille en voiture, et l’on trouvait même les places à la Fnac du coin…

Affiche du Tour Over Europe en 1980
Affiche du Tour Over Europe en 1980

Stroll On !

Le 20 Juin 1980, nous voilà partis pour le Forest National à Bruxelles, avec dans la tête, tous nos rêves de concerts de Led Zeppelin ! Malheureusement, avec un pote chauffeur arrivé un peu tard et les traditionnels embouteillages du Ring bruxellois, on rate le début du set. Dommage car Page a décidé d’ouvrir le bal avec un vieux machin qu’il jouait déjà avec les Yardbirds dans les sixties, le fameux Train Kept A Rollin’ – transformé en Stroll On dans le film d’Antonioni – ! Led Zeppelin ne le reprenait plus depuis 1969 ! Pendant ce temps-là, on court pour entrer dans l’arène circulaire aux multiples portes d’entrée. Le quatuor enchaîne déjà avec sa version du Nobody’s Fault But Mine de Blind Willie Johnson, l’un des trésors du magistral mais incompris Presence.

Billet du concert de Bruxelles
Billet du concert avec la première date prévue puis reportée. 350 Fr Belges (8, 68 Euros…)

Plus de flamboyance kitsch années 70, les quatre ont été relookés : John Paul Jones à gauche de la scène, près de ses claviers, avec sa basse Alembic, cheveux courts, chemise blanche, jean. Plus de redingote baroque à pompons ! Bonham, en survet, siège au centre derrière sa batterie mythique. Plant, cheveux mi longs a choisi l’option cool. Un peu trop même : jean, tee shirt, baskets. Banal. Le plus élégant demeure Page, à droite et partout, en veste claire, chemise bleu marine, cravate jaune et pantalon bleuté. Mais un Page très amaigri par la drogue. Plus d’esbroufe, plus de dragons ni d’étoiles ésotériques ! Bienvenue dans les années 80 !

Led Zeppelin en 1979 / 1980 : John Paul Jones, Robert Plant, Jimmy Page, John Bonham (Photo de promo)
Led Zeppelin en 1979 / 1980 : John Paul Jones, Robert Plant, Jimmy Page, John Bonham (Photo de promo)

Chien Noir

Jimmy Page qui annonce lui-même, c’est rare, le titre suivant, en Français : « Chien Noir ! ». Facétieux, les trois lancent l’intro du morceau Out On The Tiles avant que Plant ne reprenne cet entame célèbre :

Hey-hey, mama, said the way you move
Gonna make you sweat, gonna make you groove

Consternation : le son est mauvais ! Comment un maniaque du spectre sonore comme Jimmy Page peut-il jouer dans ces conditions ? D’où nous sommes placés, au milieu, avec vue plongeante sur la scène, sa guitare Gibson est trop forte, et surtout trop aiguë ! Et les éclairages ? Ridicules ! Le minimum ! On saura plus tard que cette tournée a été prévue à l’économie de moyens, au sec : petite sono, éclairages modestes, pas ou peu d’effets spéciaux.

Qu’importe, on est là pour Led Zep ! Justement, le quatuor débute l’un des meilleurs titres du dernier opus, In The Evening. L’inépuisable Bonham s’amuse sur ces timbales pour le début. Page use du vibrato de sa Fender Stratocaster – eh oui – tandis que Jones claviérise et soloïse sur son nouveau jouet, un imposant synthétiseur Yamaha GX-1. Et Plant ? Ben c’est l’autre surprise de la soirée : lui aussi semble au régime… De l’attitude ! Planté – sic – sur place, bien loin du félin des tournées précédentes et même de Knebworth l’année d’avant. Belle voix mais présence – re sic – en berne. Concentré peut-être sur ses feulements et rugissements ou alors une nouvelle approche de la scène, mais comme absent.

Robert Plant à Bruxelles le 20 Juin 1980 (Photo de © Guy De Maeght)
Robert Plant à Bruxelles le 20 Juin 1980 (Photo de © Guy De Maeght)

Maintenant, avec le recul des années, et les révélations des spécialistes, on sait que Robert Plant était le plus réticent pour repartir en tournée. Peter Grant et Page ont alors eu l’idée d’organiser ce Tour Over Europe pour booster le poteau, avant un grand Barnum aux States. Ça ne l’empêche pas de présenter chaque morceau, le Robert, notamment quand Page prend sa Gibson double manche pour jouer The Rain Song de Houses Of The Holy (1973), l’une de leurs plus belles ballades, inspirée par les mélodies de George Harrison. On regrette quand même que l’autre pièce du Diptyque, l’épique The Song Remains The Same, ne soit pas jouée. Un des grands moments de la soirée.

Immense et brouillon

Le thermomètre baisse un peu avec deux autres extraits de In Through The Out Door, l’inutile crountrysant Hot Dog et le douloureux All My Love, une belle incongruité Prog Rock en 1980 ! C’est alors que Page sort son trio d’As. D’abord le frénétique Trampled Under Foot de Physical Graffiti (1975), qui remue tout le Forest National, avec les ritournelles au clavinet de Jones et la Wah Wah du guitariste. Ensuite, peut-être le plus beau Blues du Rock anglais, Since I’ve Been Loving You du Led Zep III. Là, Plant et Page retrouvent leur complicité, ce fameux dialogue Guitare / Voix. Immense et brouillon, au bord de la rupture, le Jimmy cherche à placer ces centaines de notes qui lui écorchent la peau et le bout des doigts.

Jimmy Page à Bruxelles (Photo de © Guy De Maeght)
Jimmy Page à Bruxelles (Photo de © Guy De Maeght)

Et enfin, mythologique : Achilles Last Stand de Presence ! Explosions de fumigènes ! Sur la rythmique infernale de Jones repassé à la basse et de l’impérial Bonham, l’hoplite Jimmy Page, suant de mille gouttes, s’affiche partout, alternant des séquence d’accord improbables et des chorus guerriers, en traversant toute la scène. Sait-il qu’il assure le boulot de trois guitaristes ? Ce soir-là, à Bruxelles, c’est le premier véritable héros du concert… Lui et son second, le tambour major, John Henry Bonham, qui retrouve la frénésie mathématique de ce morceau sans équivalent dans le Rock. Comment peut-on frapper aussi puissamment et finement ?

Led Zeppelin – Achilles Last Stand Live At Knebworth / Extrait (1979)

En apesanteur

Et la suite ? Le voilà seul, Page. Assis sur une chaise avec sa vieille Danelectro blanche et noire, triturant les notes indiennes de White Summer / Black Mountain Side, comme en 69… Mais le public s’agite devant la scène, il demande donc le calme avant de partir dans une impro, suivi par son pote Bonham. On espère qu’il va sortir son archet de violon et lancer enfin Dazed And Confused à grands coups sur ces cordes au milieu des lasers mais… Non ! Brutalement débutent les accords majestueux de Kashmir. Tout la salle dérive parmi le sable du désert, l’orientalisme version Led Zeppelin. Grandiose !

John Paul Jones à Bruxelles (Photo de © Guy De Maeght)
John Paul Jones à Bruxelles (Photo de © Guy De Maeght)

Cela fait 1h30 que le quatuor joue. Jimmy Page prend sa lourde Gibson double manche puis esquisse quelques arpèges… John Paul Jones égrène des notes de flûte sur son clavier. Délire total parmi les 8000 spectateurs : Stairway To Heaven ! Un projecteur jaune doré – enfin un effort de lightshow – illumine la tête de Robert Plant. Celui-ci nuance ses paroles, interpellant le public pendant que les trois autres font monter la tension du thème, avant une seconde partie en apesanteur avec un Page cherchant encore à réinventer son solo sur ses 6 et 12 cordes. Une belle version saluée par une extraordinaire clameur ! Puis les quatre quittent la salle…

Rappels…

Pendant les bis, on se demande où sont passés les No Quarter, Dazed And Confused, le set acoustique ou le solo de Bonzo sur Moby Dick ! Économie de moyens l’on vous disait. Mais déjà Led Zeppelin revient ! Bonham lance l’une des séquences de batteries les plus célèbres de l’histoire du Rock : Rock And Roll ! La salle trépigne ! Puis, Page décoche le riff de Whole Lotta Love, annonçant une version délirante avec accélérations de Bonham et Jones, larsens et thérémine du Jimmy par sa chorégraphie de gestes saccadés, plus évidemment les cris extatiques en echo du Robert.  Qui a enfin la bougeotte ! Les quatre partent dans une impro boogie avant la reprise et les coups finals de Bonham. « C’était fantastique » conclut Plant. Deux heures, pas plus ! Atterrissage, on s’accroche aux barrières : on a vu Led Zeppelin en concert !

Nb : Le live ci-dessous a bien sûr été remixé, le son n’étant pas aussi bon ce soir-là…

Led Zeppelin – Live In Brussels (20 Juin 1980)

Épilogue

Bruxelles était la troisième étape de ce Tour Over Europe 1980. Il en comptait au total quatorze. Lors du concert à Nuremberg le 27 Juin, le batteur John Bonham s’est effondré brutalement en plein set et a été hospitalisé, pour cause d’alcoolisme et de prise de drogues racontera la presse. Le tour a repris deux jours plus tard pour s’achever le 7 Juillet 1980 à Berlin. Alors que Led Zeppelin préparait la tournée américaine, John Bonham est décédé brutalement d’overdose de médocs et d’alcool dans la nuit du 24 au 25 Septembre 1980, à l’âge de 32 ans. Fin de l’odyssée du dirigeable.

Post-scriptum

Les avis seront très partagés après le concert de Bruxelles, notamment pour le son. Mais en France, on se distinguera encore par une presse toujours aussi magnanime envers Led Zeppelin, qui démolira littéralement la performance. La Palme de … – vous chercherez le mot – reviendra à Rock&Folk arborant Jimmy Page et sa mythique Gibson Lespaul à Bruxelles en Une de couverture du numéro d’Août 1980 – une superbe photo de Claude Gassian -, évidemment pour accrocher le fan qui n’a pas pu vivre ce moment.

Rock&Folk de Août 1980
Le Rock&Folk de Août 1980

Sur huit pages – avec les beaux clichés du Claude -, l’envoyé spécial du journal, un certain Philippe Manœuvre, prend soin de démonter d’abord le public belge, puis le quatuor, un par un, notamment John Bonham et Jimmy Page ! Une erreur de jeunesse ? A la rigueur. Le problème, c’est que ce genre d’articles et de propos, hors de leurs contextes et plus que subjectifs, circulent encore chez les Rock critiques actuels qui ne vivront jamais Led Zeppelin en live. Et de dessiner l’image d’un dirigeable en perdition, avec un Page ou un Bonham à la ramasse, juste avant le crash tel le Hindenburg en 1937. On rappellera donc ici, que n’importe quel groupe du XXIe siècle ne tiendrait pas 5 (cinq !) minutes en concert par rapport au Led Zeppelin de 1980. C’est dit !

 

Bruno Polaroïd / Illustration par POUP

Remerciements à Guy De Maeght pour ses photos et Led Zeppelin Boots pour la vidéo

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