Quand on eut mangé le dernier chien – Justine Niogret

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Quand on eut mangé le dernier chien – Justine Niogret

Quand on eut mangé le dernier chien

Petite chronique expresso sur le zinc

17 chiens. 3 hommes. 2 traîneaux…

… Nous sommes en 1912. L’Antarctique est encore une terre à découvrir. Douglas Mawson, géologue et explorateur polaire australien, Xavier Mertz, alpiniste suisse, et Belgrave Edward Sutton Ninnis, lieutenant dans le régiment britannique des Royal Fusiliers, partent du cap Denison pour une mission de cartographie aux confins du continent.

Douglas Mawson
Douglas Mawson

Le début du périple se passe bien…

… Le trio progresse régulièrement. Mais bientôt les conditions météo se dégradent. À tel point qu’il faut bien se rendre à l’évidence : abandonner le but de la mission et rebrousser chemin. Plusieurs centaines de kilomètres à parcourir qui vont virer au cauchemar.

C’est d’abord la mort de Ninnis…

… qui tombe dans une crevasse avec les meilleurs chiens et le traîneau transportant l’essentiel de la nourriture et du matériel. Mawson et Mertz continuent vaille que vaille, obligés de tuer les chiens restants, un par un, pour subsister et avancer dans un froid et une météo de plus en plus terribles.

Belgrave Ninnis
Belgrave Edward Sutton Ninnis

La sous-alimentation et le blizzard…

… ralentissent la progression des deux hommes. La chair des chiens, trop musculeuse, est pratiquement immangeable. Le foie reste la seule nourriture exploitable mais les portions sont bien maigres. Mertz va de plus en plus mal et commence à manifester des troubles du comportement. Son état physique et mental empire jusqu’à ce qu’une nuit Mawson le découvre mort à ses côtés.

Xavier Mertz
Xavier Mertz

L’australien continue seul…

… dans une lutte de chaque instant. Il arrivera enfin, totalement épuisé et gelé, recueilli et sauvé par les hommes restés au camp de base qu’il avait quitté avec ses deux compagnons trois mois plus tôt.

Mawson Ninnis et Mertz
Mawson, Ninnis et Mertz – Dessin : Poup

« L’histoire écrite ici est-elle vraie ? Oui. L’histoire écrite ici est-elle vraie jusque dans les moindres détails ? Non. »

L’autrice, Justine Niogret, dans une note en fin de livre, annonce la couleur au lecteur. Ce récit n’est pas un journal de bord mais bien un roman inspiré d’une trame historique.

Thème nouveau pour Justine Niogret…

… elle qui s’était déjà fait connaître brillamment dans le style fantasy et science-fiction. Le récit est court, 200 pages, mais intense. Tout comme les chapitres, numérotés à rebours dans un décompte implacable qui commence à 17, le nombre des chiens au départ, infortunés compagnons loin de se douter de leur sort.

Douglas Mawson

Côté écriture…

… Justine taille dans le gras, laissant juste ce qu’il faut de muscles, d’os et de tendons pour entretenir la tension. Pour le grandiloquent on repassera. Faut dire que le décor ne s’y prête pas vraiment. Dans le genre désolé on tutoie le chef d’oeuvre. Moins trente au dessous de zéro. Plus frisquet que votre congélo. Le vent assourdissant en permanence. Et puis ce blanc. Partout. Aveuglant. Pas de végétal. Pas de minéral. De la glace et que de la glace. Dure comme du béton armé jusqu’au dents. Glaciers immenses. Redoutables sastrugi, crêtes de neige acérées comme des lames de rasoir. Gouffres sans fond jouant sous chaque pas à un cache-cache mortifère. Les vêtements trempés en permanence, aggravant la morsure du gel. Hostile ? Faudrait trouver un autre mot.

Xavier Mertz
Xavier Mertz devant des falaises de glace

Mais attendez…

… dans ce buffet froid nous n’en sommes qu’au hors d’oeuvre. L’autre menace est là. Intérieure. Niogret, par petites touches, nous emmène dans les méandres des neurones de Mawson, Ninnis et Mertz. Pas vraiment la joie. Au programme nerfs à vif et coups de gueule entre les compagnons, désespoir et doute face à la faucheuse qui rôde. Elle n’a pas froid, elle, elle s’en fout et ricane du fond des crevasses.

Quand on eut mangé le dernier chien

Sans compter…

… le physique qui lâche, jour après jour. Description clinique, brutale mais qui évite le piège d’ un gore complaisant. Là aussi le style épuré de l’écrivaine fait mouche.

Et puis, pour finir…

… en crescendo, la solitude terrible de Mawson, en proie jusqu’au dernier mètre à l’angoisse de ne pas s’en sortir.

Un beau roman de survie et de courage, âpre et même parfois violent qui régalera tous les gourmands d’épopées glaciales dans la lignée de « L’odyssée de l’Endurance » d’Ernest Shackleton.

Justine Niogret

Justine Niogret

Née en 1979, elle se tourne vers la littérature de Fantasy, de SF et de roman noir.
Elle est également traductrice.
Elle a remporté plusieurs prix littéraires dont le Grand prix de l’Imaginaire en 2010 pour son roman « Chien du heaume ».

Bibliographie :

Romans :

– « Chien du heaume » chez Mnémos. 2009.
– « Mordre le bouclier » chez Mnémos. 2011.
– « Gueule de truie » chez Critic. 2013.
– « Mordred » chez Mnémos. 2013.
– « Coeurs de rouille » chez Le Pré aux Clercs. 2013.
– « La viande des chiens, le sang des loups » chez Fleuve Noir. 2016.
– « Le syndrome du varan » chez Éditions du Seuil. 2018.
– « Bayuk » chez 404 Éditions. 2022.
– « Quand on eut mangé le dernier chien » chez Au diable vauvert . 2023.

Nouvelles :

– « Un chant d’été » chez L’Oxymore. 2004.
– « Je suis un soir d’été » chez Ténèbres. 2007.
– « Et toujours, le bruit de l’orage… » chez Éditions du Calepin Jaune. 2008.
– « Échanson, je boirais même ta colère » chez Parchemins et Traverses. 2008.
– « L’argent terni de mon gobelet » dans le magazine Elegy. 2009.
– « T’humilierai » chez Mnémos. 2010.
– « Vers le pays rouge » chez Rivière blanche ». 2018.

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