Roger O’Donnell – 2Ravens
Petite chronique expresso sur le zinc
Campagne anglaise. Soleil. L’homme, longiligne, avance sur le chemin. D’un pas tranquille, profitant de la douce chaleur des premiers beaux jours. Cet homme-là a le temps. Au loin une maison qui se rapproche à chacun de ses pas. Sa maison. Belle. Aux pierres séculaires. L’homme arrive dans la cour, puis au pas de sa porte. Il entre. Se débarrasse de sa veste et des ses souliers un peu crottés. L’escalier est tout de suite à gauche. Il monte à l’étage. Le clavier est là, qui l’attend. Il s’assoit devant les touches noires et blanches. Morceau inachevé. Peut-être aujourd’hui sera-t-il terminé. Cet homme-là a le temps.
Bucolique non ?
Ne serait-ce point quelque lord de l’époque victorienne se remettant de ses frasques londoniennes ? Quelque gentleman oisif noyant avec élégance son ennui ? Que nenni…Nous sommes bien au 21ème siècle et le type qui pianote dans l’antre chaleureux de sa retraite champêtre s’appelle Roger O’Donnell.
Oui, vous ouïtes…
… de belle manière le blase du quidam. Roger O’Donnell, celui-là même qui, depuis 40 ans, arpente les scènes du monde entier, jadis au sein des Thompson Twins ou des Psychedelic Furs et aujourd’hui dans le giron de l’inébranlable Cure.
Alors quand il n’officie pas…
… dans une de ces harassantes tournées du gang de Robert Smith, sieur O’Donnell aime se ressourcer dans son cottage douillet du Devon où il peut reposer ses esgourdes, loin de l’agitation électrique. Et s’adonner à des pratiques sonores plus pastorales.
Et cela donne, entre autres…
… un album comme ce 2Ravens. Adulateurs d’électronique et de bidouillages synthétiques, passez votre chemin. Ici nous pénétrons en terres acoustiques. Piano, cordes et voix. Point barre.
Conçu à la base…
… comme un album instrumental, le cap change lorsque le claviériste rencontre Jennifer Pague, chanteuse du groupe américain Vita and the Woolf. Après avoir envoyé ses premières démos à la donzelle, l’anglais reçoit en retour 90 secondes de chant posé sur un des morceaux. Tilt. Époustouflé par l’organe de la belle, O’Donnell décide de l’inclure au projet.
Aux studios Air-Edel à Londres…
… Jennifer rejoint Roger qui ,entre temps, a convié quelques uns de ses musiciens favoris. Osmose parfaite puisqu’en cinq jours seulement l’affaire, produite par O’Donnell himself, est mise en boîte.
Clip du morceau « 2 Ravens »
Calme. Tranquillité…
… Dès la première écoute le décor s’installe. Propice à la gamberge rêveuse. On s’imagine déambuler dans un décor à la Magritte où, melon vissé sur le crâne, Érik Satie s’inviterait à une petite ballade. Car ici l’ombre du génialissime honfleurais plane sur le jeu de Roger O’Donnell . Tout comme celle de Philip Glass. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si « The Hearts Fall », qui ouvre la seconde face, était au départ une pièce écrite par l’anglais pour le maestro du minimalisme. Ambiances un peu étranges, suspendues, superbement rendues par les violoncelles et les violons du quatuor à cordes. Le style est sobre, à l’instar du chant aérien de Jennifer Pague. Voix dont la pureté s’intègre à merveille au son épuré.
Petit moment juste parfait.
Many thanks, Mister O’Donnell
2Ravens
Face A
December – An Old Train – 2 Ravens – The Haunt – On The Wing
Face B
The Hearts Fall – Don’t Tell Me… – I’ll Say Goodnight
Composé, joué et produit par Roger O’Donnell.
Enregistré et mixé par Nick Taylor aux studios Air-Edel à Londres.
2020 – 99X/10 Records
Voix : Jennifer Pague
Violoncelle : Alisa Liubarskaya, Miriam Wakeling
Alto : Aled Jones
Violon : Nadine Nagen, Daniel Gea
Pochette : Connie et Ian Wright