Marcel MOULOUDJI vs Serge REGGIANI
Plus que des chanteurs « à voix », Marcel Mouloudji et Serge Reggiani sont plutôt ce qu’il est commun d’appeler des chanteurs « à textes ». En matière de chanson française, si c’était la norme lorsque Mouloudji démarre sa carrière (1952), il en va tout autrement pour Reggiani. Après avoir sorti un disque hommage à Boris Vian (1965), le voilà confronté au « twist » et aux « yéyés » alors qu’il prend son envol. Par contre, nos deux personnalités attachantes ont entamé leur vie artistique par le cinéma et/ou le théâtre, plus volontiers acteurs pour Reggiani, davantage comédien pour Mouloudji.
Nonobstant, dans le milieu de « l’image », la comparaison est sans commune mesure. Serge compte des sommets à son palmarès : Casque d’Or (1952) ou l’Armée des Ombres (1969). Les débuts de Marcel sont plus modestes avec Les Disparus de Saint-Agil (1938). A ce propos, le saviez-vous ? Sans être crédité, Reggiani apparaît subrepticement ou Mouloudji tient l’affiche, figurant collégien à Saint-Agil. Ou lorsque des « parallèles » se croisent. Le cadet décroche donc un premier rôle avant l’aîné car, s’ils sont tous deux nés en 1922, le premier est de mai, le second de septembre.
Marcel MOULOUDJI – Un Jour tu Verras
Serge REGGIANI – Ma liberté
Outre les chansons proposées en liens par le chroniqueur, chacun des deux chanteurs a séduit le public avec d’autres pépites de simplicité comme « Les Loups Sont Entrés dans Paris » ou « Le barbier de Belleville » pour Reggiani, « Mon Pote le Gitan » ou « Comme un P’tit Coquelicot » pour Mouloudji. Ils ont en commun d’avoir interprété le « one hit wonder » de Boris Vian : « Le Déserteur ».
Peut-être leur attirance pour le communisme y-est-elle pour quelque chose ? Éventuellement. Sauf que le témoignage de Françoise Vian quant aux orientations politique de son père voyage en sens inverse : « … Fanatisme, conformisme, totalitarisme, communisme… c’est l’homme qui a le plus combattu tout ce qui se termine en “isme”. Il ne voulait pas qu’on s’installe dans un conformisme absolu. C’était un homme hors des clous qui vous mettait hors des clous ». Marcel, Serge, Serge & Marcel, hors du temps ?
Marcel MOULOUDJI – L’Amour l’Amour l’Amour
Serge REGGIANI – Il Suffirait de Presque Rien
Par contre, ce dont on ne peut douter, c’est de leur aptitude à chanter l’amour. L’un expose que s’en réclamer n’est pas toujours propice, que lorsqu’il se vit, nul n’est besoin de le dire pour le ressentir. L’autre exprime qu’il n’a pas d’âge, qu’il vous cueille comme un fruit, qu’on l’ait croqué naissant ou bien laissé mûrir.
Il est dommage qu’il ait fallu une publicité vantant les mérites d’un hypermarché pour redécouvrir ce si bel hymne si bien porté par Mouloudji. Aussi, n’attendons pas que la chanson de Reggiani suive le même chemin pour nous en saisir, Isabelle Boulay l’a bien compris qui l’a reprise en 2014.
Mouloudji vs Reggiani ? Bien plutôt Serge « et » Marcel de concert. Et de les jouer. Et d’en jouir.
Thierry Dauge