André RAIMBOURG dit «BOURVIL»
Outre paraître dans le peloton de tête des plus grands acteurs français, André Raimbourg dit « Bourvil » chantait.
En matière de cinématographie, pour ses rôles les plus denses, on pense à La Traversée de Paris (1956) avec Jean Gabin, Fortunat (1960) avec Michèle Morgan, au Capitan (1960) avec Jean Marais, aux Grandes Gueules (1965) avec Lino Ventura, à La Grande Vadrouille (1966) avec Louis de Funès ou au Cerveau (1969) avec Jean-Paul Belmondo. Que du beau monde, du « beau linge ». Qui d’autres pour lui donner la réplique, quel cador capable d’exister à ses côtés ? En matière de « comique », La Causerie Antialcoolique et son « Eau ferrugineuse… » (1959) fait partie des sketchs incontournables, tous humoristes confondus.
BOURVIL – La Tactique du Gendarme (1949)
Ne serait-ce pas la danse du « Mia » que notre joyeux drille initie dans la vidéo ci-dessus ? Un précurseur. Bourvil c’est ça. Un garçon capable de faire rire tout autant qu’émouvoir. Lorsqu’on écrit cela, vient tout de suite à l’esprit le patronyme d’un autre grand chanteur / acteur comique, Fernandel. Pourtant, il me semble qu’émotionnellement Bourvil était un cran au-dessus. Dans Fortunat, sans qu’il ait fréquenté l’Actors Studio, sa justesse époustoufle le cinéphile.
Seulement voilà, comique un jour, comique toujours. C’est surtout pour ses performances dans ce domaine que le grand public le reconnait. Avouons qu’en imbécile subissant les assauts des jeunes premiers, des vedettes établies, il fait gondoler l’écran et les glottes.
Les Crayons (1945)
Côté discographie, il parvient cependant à toucher cœurs et âmes avec quelques chansons aux textes finement ciselés. La plus célèbre reste « La Ballade Irlandaise ».
« Un oranger sur le sol irlandais, on ne le verra jamais. Un jour de neige embaumé de lilas, Jamais on ne le verra. Qu’est-ce que ça peut faire ? Qu’est-ce que ça peut faire ? Tu dors auprès de moi … »
Malgré un physique « difficile », cette tendresse annoncée étreint spontanément celui ou celle qui, non seulement l’écoute, mais de surcroît le voit la chanter. Quand on pense à Bourvil, on distingue son nez de travers et ses dents en « pavés ». Lorsqu’on l’observe de plus près, sur la pellicule, en photo ou en « vrai », on ne voit plus que ses yeux : ses sentiments.
BOURVIL – La Ballade Irlandaise (1958)
Alors, qu’il se dandine sur « A Dada », « La Rumba du Pinceau » ou « Qu’est-ce Que Tu Dis ? », on sait la chaleur de l’homme. Cette gaudriole programmée, aussi bigarrée soit-elle, n’est qu’un écran de fumées. Que ce soit sous un clair de lune à Maubeuge, à Joinville Le Pont, à pied, à cheval, en voiture, lorsqu’André fait « Pouet Pouet », on pressent la force qui l’anime. L’amuseur public, personnalité tendre et paisible, retrouve sa vraie nature en privé / en famille, dans sa commune de Montainville (centre Yvelines).
Pouet Pouet (1968)
Né en Juillet, Bourvil décède un 23 septembre, à 53 ans. Découvrir ainsi qu’il était de l’été explique peut-être ce sourire ensoleillé dont il pare son visage sur la plupart des clichés. En réalité, André était surtout un être de lumière. L’infinie gentillesse au fond de son regard pour en témoigner.
Thierry Dauge