La Dernière Journée Du Chanteur De Joy Division
Joy Division – Twenty Four Hours – Paris (1979)
Twenty Fours Hours raconte, en partie de l’intérieur, la dernière journée de Ian Curtis avant son suicide, au matin, dans sa cuisine, autour d’une corde à linge, attendant Deborah, sa femme, qui rentrait, avec sa fille, Natalie, pour lui signifier son départ final et le divorce qui en découlerait.
Tout cela pourrait se raconter au travers des paroles complexes et tellement évidentes de Joy Division. Au regard de la progression de la vie du groupe, qui grandissait lentement mais sûrement et de sa vie intime qui se complexifiait au fil des jours.
Joy Division – Heart And Soul + Shadowplay Live
Comment un gamin issu d’une banlieue glauque proche de Manchester au milieu des seventies pouvait survivre à tout ce qui allait lui tomber dessus en à peine quatre ans ? Un mariage jeune et heureux à dix-huit ans, une fille dans la foulée, un travail qui consiste à trouver du boulot là où il n’y en pas… Un groupe qui s’éloigne progressivement du punk pour créer sa propre musique (certains l’appelleront post-punk d’autres new wave, au choix). Une proposition unique, noire, sombre, ténébreuse mais tellement engagée, convaincante dans sa façon à vouloir exister, vivre et surmonter les turpitudes de la vie. Celui-ci s’affirme progressivement, étonne beaucoup de monde parce que personne ne sait que derrière se cache le mal, l’épilepsie, et une joie, la rencontre d’un amour platonique mais sincère avec Annik Honoré. Il perd alors tout contrôle.
Joy Division – New Dawn Fades
Tous les admirateurs (ou pas) connaissent désormais la courte existence de Joy Division et de Ian Curtis qui, contrairement à ce qui s’imposerait, n’était pas le leader de fait du groupe. Il en était un élément essentiel tout comme l’a été Martin Hannett, le démoniaque producteur, que personne ne pourra remplacer. D’ailleurs tous deux s’entendaient très bien, à l’inverse des autres membres du groupe vis-à-vis de leur faiseur de son.
Revenons au livre de Diego Gil qui tente de replacer tout cela dans son contexte sans y parvenir complètement. Il se réfère aux écrits de Ian Curtis autant qu’à sa vie quotidienne. Bien sûr, on peut considérer que les deux se mélangeaient (l’anecdote sur la création de She Lost Control). Il s’agit d’un point de vue que défend l’auteur, le prouvant par des extraits de titres, notamment « Twenty Four Hours », naturellement, mais aussi d’autres qui incitent à penser que le chanteur a toujours vécu du côté sombre de la vie. Ce qui semble une erreur en lisant différents articles, en regardant le film Control, mais surtout en parcourant la généreuse bibliographie de Peter Hook, le bassiste de Joy Division, de New Order puis de Peter Hook And The Lights, garant du coffre universel depuis leur création en 1976 autour de Stiff Kittens.
Control – Bande Annonce
Ceci dit, jetez-vous sur un moment de nostalgie émouvante avec ce livre court et dense où une belle panoplie s’offre une fois de plus sur un artiste qui a changé la face de la musique, sans le vouloir, sans le savoir, comme le dit si bien l’affiche du film d’Anton Corbijn. A noter la judicieuse couverture du livre où Ian Curtis porte un tee-shirt avec la mention The Sound And The Fury, soit Le Bruit Et La Fureur livre époustouflant de William Faulkner, sorti en 1929. Est-ce une image trafiquée ?… Peu importe, c’est bien vu.
Forcément, je dédie cette chronique à Hân, ma généreuse complice. Je tiens à la remercier de m’avoir suggéré de ne pas écrire le même type de livre. Certes, il était légèrement différent dans sa conception mais n’aurait rien apporté de plus. Alors, bravo à Diego Gil de l’avoir réalisé avec ses convictions et sa sincérité.
Diego Gil – Ian Curtis – Twenty Four Hours
Le Boulon – Edition du Layeur – 156 pages – 17€
Patrick Bénard