Le Bestiaire Pop Rock

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En prélude à la sortie de l’ouvrage : « Pop Rock – Les instruments de l’ombre », supervisé par notre ex collaborateur sur Cultures Co, Daniel Lesueur, lui-même auteur et directeur de collection aux éditions du Camion Blanc, ci-joint un extrait revu pour les besoins du « format ».

Le Bestiaire Pop Rock

Bestiaire pop rock

« La danse des canards ». Ce 45 tours détient le record des ventes de singles en France avec deux millions cinq-cents milles exemplaires vendus en 1983 ! « Le chasseur ». En 1974, Michel Delpech remise son fusil au vestiaire et regarde passer les oies sauvages. Problème : ni dans la première, ni dans la seconde de ces chansons ne figure le moindre cancanage ou cacardage, en fonction de l’oiseau concerné. Curieusement on n’entend pas non plus de bestioles s’exprimer dans « The zoo » de Scorpions, en Face B d’Animal magnetism (1980). Si ce n’est au zoo, où peut-on bien entendre des animaux ?

The BEATLES – Blackbird

Sur « Blackbird », composition intimiste de paul McCartney, les gazouillis d’oiseaux respirent le grand-air et les arbres feuillus. Mais quels sons ou quels bruitages peuvent bien être absents du fameux Album Blanc (1968) des Scarabées ? C’est à se demander … Une voix, une guitare acoustique, Paul McCartney. Beaucoup lui préfère Lennon, le frère ennemi. « Blackbird », moment de douceur bucolique, ruralité urbaine, aurait tout aussi bien pu être chantée par John. Et si ce titre peut passer pour une « variétoche » au pays de la pop, l’approche avifaune propose un autre horizon … plus naturel.

NEW YORK DOLLS – Stranded in the jungle

En 1973, Todd Rungren produit le premier Lp d’un groupe outrancier, tant au niveau du look que musicalement : New York Dolls. Après ce premier essai éponyme quasi punk’n’roll, l’engouement tourne gaudriole, beaucoup ne prenne pas au sérieux cette bande de « jeunes filles » qui se poudre d’avantage l’intérieur du nez que les pommettes. Du coup, le second album, Too much too soon (1974), trop bien produit par Shadow Morton, le promoteur des Shangri-Las, ne convainc pas. Pourtant, il aligne de sacrés canons dont « Stranded in the jungle ». Introduit par une ambiance amazonienne où les cris de singes … erreur ! Il s’agit en fait des vocalises d’un kookaburra, drôle d’oiseau qui s’exprime tel un primate. Un drôle d’oiseau pour des drôles de « piafs », il fallait y penser.

ADAM And THe ANTS – Stand and deliver

La « révolution punk » a permis l’éclosion d’une multitude de groupes et artistes, tous plus originaux les uns que les autres, la démarche artistique n’en n’étant pas une, uniquement sur le postulat du « do it yourself ». « No future » scandaient les Sex Pistols, et ce fut le cas. En 1978, tout était déjà fini. Du coup, Adam and The Ants est arrivé avec la deuxième vague, celle du post-punk hyper looké.

A mis chemin entre l’indien et l’officier napoléonien, les rythmes tribaux autour du wigwam, les roulements de tambour en tête de régiment, Adam Ant mène sa troupe à la hussarde. Sur Prince charming (1981), il s’imagine bandit de grands chemins, se couvre d’un tricorne et chante « Stand and deliver ». Une trompette sonne la charge, des chevaux hennissent et sa voix caractéristique, à la limite du yodle, entame un air pop en diable, de quoi truster la tête des charts.

PINK FLOYD – Pigs

L’intention première des punks, annihiler les dinosaures en place, notamment les groupes de rock progressif, n’a pas eu de prise sur le « Gratin ». La preuve : Pink Floyd sort Animals (1977) et met le monde à ses pieds, à ses animaux devrions-nous plutôt écrire. Ce disque porte bien son titre. On peut y entendre des aboiements de chiens, des grognements de cochons et des bêlements de moutons : toute une ferme en mouvement.

Ne négligeons pas non plus la musique du Floyd, long fleuve tranquille charriant une suite honorable au magnifique Wish you were here (1975). Si ce dernier est un hommage à Syd Barret, et le suivant : The Wall (1979), le concept album de Roger Waters en réaction à la proximité « inquiétante » du public, qu’en est-il d’Animals ? Pour reprendre l’idée première, la vision « retournée » d’un groupe de rock progressif sur les punks qui les agressent ? Hypothèse osée.

TALK TALK – Such a shame

Mark Hollis, décédé il y a un an (février 2019), compose « Such a shame » en 1983, titre qui sera inclus à It’s my life, album de Talk Talk publié en 1984. Le barrissement d’éléphant que l’on entend dans son introduction, en fait recréé artificiellement, associé au titre de la chanson laisse à penser qu’elle traite du massacre des pachydermes africains. Ce qui est faux. Si ces tueries pour l’ivoire sont bien une honte, le morceau est librement inspiré d’un roman intitulé L’homme-dé (1971). L’histoire raconte comment un psychiatre joue son avenir à l’aide d’un dé. Mark Hollis avait-il décidé de cloner sa vie sur ce modèle ? Disparu à 64 ans, peut-être eu-t-il mieux valu qu’il se livre au vampirisme ? Auquel cas, pour qu’il continue à chanter, nous l’aurions volontiers laissé boire un peu de notre sang.

AEROSMITH – Hangman jury

Aerosmith débarque ses deux guitaristes en 1979. Chacun de leur côté, Joe Perry et Brad Whitford partent accompagner d’autres « bâfreurs » de décibels. Steven Tyler devient seul maître à bord pour un excellent disque (1982) qui, malgré cela, ne trouve pas son public. En 1985, les ego se rabibochent autour d’un album décevant. Deux années s’écoulent au cours desquelles le groupe reprend progressivement la lumière. Une première fois grâce à Run-DMC et une reprise rap’n’rock de « Walk this way ».

Sentant la résurrection proche, les musiciens s’attèlent alors sérieusement à un nouvel Lp. Ce dernier, Permanent vacation (1987), fait mouche, digne successeur des brûlots que les Toxic Twins livraient quinze ans plus tôt. Au cœur de l’embellie, un morceau surgit du bayou, chargé de croassements batraciens et des « Crcrcr/Bzzz » d’une nuée d’insectes : « Hangman jury ». Le plaisir de retrouver Aerosmith ainsi, crocs plantés dans ce que le States ont musicalement de plus profond, n’a d’égal que ce que cette chanson marécageuse provoque de jubilations.

Les INNOCENTS – L’autre Finistère

Avec un premier Lp en 1989 et un dernier enregistrement sorti en 2019, Les Innocents comptent six albums en trente ans ! La moyenne « escargot » d’un long format tous les cinq ans : « On aime prendre notre … temps ». Certes, une séparation leur a coûté quelques années, mais quand même. Pourtant, dès leur deuxième essai : Fous à lier (1992), les français accrochent trois fois l’oreille des amateurs de belles choses avec « Un homme extraordinaire », « Fous à lier » et « L’autre Finistère ».

Cette chanson « Bretagne » largue des karrs de mouettes … que nenni ! L’erreur est commune. En fait, il s’agit de goélands et de ses pleurs. Oui, les goélands « pleurent », les marins perdus en mer, certainement. Pour Les Innocents et leur premier single à succès, « Jodi » (1986), rien n’est perdu, bien au contraire. Groupe devenu duo, avec 6 ½ (2019), il propose toujours de quoi noyer l’ennui.

CORROSION OF CONFORMITY – The snake has no head

Le Stoner apparaît au milieu des 80’s. On parle de réminiscences lourdes et heavy, d’un compromis entre Black Sabbath et Led Zeppelin, une « touillure » liftée aux riffs Metal alors en vogue. A bien écouter, son de guitare sur-compressé et suites d’accords pseudo progressive rock mis de côté, l’accointance hard rock 70’s frappe aux tympans. Corrosion Of Conformity est assimilé au genre. Douze ans après ses débuts, COC livre un album atypique de ce qu’on pourrait nommer du « funk stoner » : Wiseblood (1996).

Outre une affreuse pochette affichant une tête de porc rouge, « The snake has no head », septième plage du 33, poudroie une ambiance désertique. Une sonnette, celle d’un serpent du même nom, clôt la partition. Pour l’entendre, il faut persévérer car elle ne s’exprime qu’après un silence de trois secondes. On imagine un sorcier peau-rouge agitant la queue sectionnée d’un crotale lors d’une cérémonie incantatoire. Shamanique !

JETHRO TULL – Bungle in the jungle

Pour refermer ce chapitre, nous aurions pu évoquer le chant du plus gros mammifère marin, la baleine. Mais nous l’avons déjà abordé au chapitre « Les bruits de la nature », sous-chapitre « L’océan », via « Moving » (1978), la chanson qui ouvre le premier album de Kate bush. Alors, orientons notre choix différemment. Profitons des dernières lueurs du jour pour rendre hommage à un pilier du rock folk heavy psyché, premier Lp sorti en 1968, qui usine encore et toujours son particularisme musical : Jethro Tull.

Sur l’album War child (1974), Ian Anderson et sa troupe propose un « tango rock » parcouru de violon, de flûte traversière et d’arcs électriques. Dans les premières secondes du morceau, un rugissement félin annonce le couleur de « Bungle in the jungle ». Question : S’agit-il d’un lion ou d’un tigre ? Explicitement, le texte vote pour le tigre. Et nous, sans retenu, votons pour le groupe.

ALICE COOPER – The black widow

Pour ne pas conclure …
Il manque une redoutable bestiole au tableau de chasse du bestiaire Pop Rock, une araignée, la Veuve Noire. Problème : enregistrer l’arachnide pour transférer un éventuel son dans un microsillon relève de l’impossible. Quel intérêt ? C’est Alice Cooper qui nous donne la réponse en nous livrant la solution.

Dans son album Welcome to my nightmare (1975), entre « Devil’s food » et « The Black Widow », la voix de Vincent Price, acteur anglais spécialisé dans les films d’horreur, nous présente cette jeune femme à huit pattes qui se délecte de son amant après l’accouplement. La description qu’il en fait est si précise et « vivante » que des paresthésies en forme de picotements parcourent les cuisses de qui l’écoute. Lorsque l’on sait que la piqûre de la Veuve Noire est mortelle pour l’homme, des sueurs froides vous parcourent l’échine.

Michael JACKSON – Thriller

Plébiscité, Vincent Price n’en reste par-là ! On entend également sa voix sur la plus platinée de toutes les chansons pop : « Thriller », de Michael Jackson (1982). Quel rapport avec notre sujet ? Il semble bien qu’un loup-garou s’exprime au sein des quatorze minutes que dure le titre, version clip. L’épineuse question de déterminer la nature du monstre est laissée à votre discrétion : homme ou animal ? Pour notre part, s’il figure dans ce chapitre …

Thierry Dauge

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