Pop Rock : au violon !

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En prélude à la sortie d’un ouvrage supervisé par notre ex collaborateur sur Cultures Co, Daniel Lesueur, auteur et directeur de collection aux éditions du Camion Blanc, permettez cet extrait revu pour les besoins du « format ». Ce futur ouvrage devrait sortir courant 2020 et traiter des instruments de musique et autres sons inhabituels dans le rock.

Pop Rock : au violon !

Pop Rock au violon

Les exemples qui vont défiler ci-dessous, sans prôner l’exhaustivité, narrent le parcours du violon dans le microcosme pop et rock. Sont-ils le reflet d’un éventuel tropisme des musiciens à son encontre ? Beatles, Stones, Bowie, Reed, Zappa ne sont pas les premiers venus, bien plutôt de sacrées références dans leur domaine d’activité. Alors, est-ce faire preuve de factualité que d’entériner l’aspect bonifiant du violon lorsqu’il s’inscrit dans un contexte électrique ?

On se pose, on vérifie ?

Mark KNOPFLER – What it is

1991 est bien loin et le dernier album de Dire Straits également. An 2000.Mark Knopfler bis  son premier essai en solo, sans plus appeler Elvis, où qu’il se trouve. En lieu et place, il décide de naviguer vers les States : Sailing to Philadelphia. Alors qu’il s’éloigne de la rudesse écossaise qui l’a vue naître, il en retrouve les parfums, les fragrances, la musique traditionnelle celtique, cette gigue qui associe les peuples du Royaume-Uni. Dans « What it is », la voix monocorde de Knopfler se reconnait à cent lieues, les entrelacs et arabesques musicaux dont il est dépositaire depuis « Sultan of swing » également, le côté celtique en sus.

La volonté du compositeur d’exprimer ses racines passe par la mélodie jouée au violon. On y trouve des images fleuries de Lochs et de landes parcourus de korrigans. Si l’intention était d’inviter au voyage, la chanson centre la cible.

The COORS – Buachaill on Eirne

Quittons l’Ecosse par Portpatric, accostons à Bangor puis filons, via Belfast, Linburn et Newry jusqu’en verte Erin : à Dundalk. Rentrons dans le premier pub qui se présente à nous et posons la question : « Have you eard about The Coors ? ». Ou comment risquer l’anathème. The Corrs, trois sœurs et un frère, sont issus de cette ville portée par les souvenir du mythique Cùchulainn, guerrier aux pouvoirs quasi divins. Mimétisme ? La musique du groupe provient, semble-t-il, des mêmes contrées divines. D’une douceur toute féminine, elle emprunte moult mélodies au folklore irlandais, charriant fraîcheur et vastes étendues sur ses épaules tachées de rousseur.

Sharon Corr, violoniste à demeure, conduit la gigue ou la ballade tout en prêtant sa voix en chœur ou en lead. Dans l’album Home (2005), la fratrie réadapte des chansons en gaélique pour le plus grand plaisir des auditeurs. « Buachaill on Eirne » en fait partie, titre envoûtant aux accents ancestraux.

MAMA »S BOYS – Runaway dreams

Remontons l’île irlandaise jusqu’au Nord-Ouest et … nous voilà en Irlande du Nord. Excepté le nom du pays, rien ne change : même culture, même folklore. Du coup, les trois frères McManus : Mama’s Boys, adeptes d’un hard rock mélodieux, vivent des réminiscences identiques à leurs cousins du Sud, ces racines celtiques. Et Comme Pat McManus, en plus de la guitare, joue du violon, l’envie d’en inclure entre deux envolées de saturation est trop forte pour y résister. Sorti en 1982, la deuxième livraison du trio au titre équivoque : Plug it in, porte « Runaway dreams ».

Après une introduction en arpèges, la chanson lâche les chevaux sans surprise pour qui pratique ce genre de rock musclé. Arrivée conventionnellement au trois quart de sa durée, un violon nous invite à battre le rythme du pied. Il entame un solo copié/collé sur celui d’une lead guitare traditionnelle. Étreint par l’engouement patriotique, il gagne en volume pour terminer le morceau à bout de souffle. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’auditeur reprend le sien.

Gary MOORE – Over the hills and far away

Autre natif de l’Ulster, Gary Moore met longtemps avant de laisser libre court à ce qui coule dans ses veines, à savoir : le blues. Passé par un hard rock racé au sein de Thin Lizzy, il entame par la suite une carrière solo dont les disques résonnent du même fracas. Avec Lizzy, le temps d’une chanson : « Rosin dubh » (1979), il transforme un air folklorique irlandais en hymne heavy, pourvoyeur de glorieux échanges de Les Paul sur fond de gigue électrifiée.

En 1987, sous son propre nom, il va plus loin, adoptant carrément violons et fifres sur le titre qui introduit l’album Wild frontier : « Over the hills and far away ». La lande irlandaise apparaît alors parée de son plus bel atour, musique exaltant l’esprit guerrier des plus combatifs. Servi par ce passage, la chanson n’attend plus que la pointe de l’électrophone qui, dès leur première rencontre, sait déjà qu’il ne pourra plus s’en passer.

BLACK COUNTRY COMMUNION – The last place for my resting place

2017, trente ans après Gary Moore, un all stars band reprend le procédé. Sur BCCIV, sa dernière production en date, Black Country Communion s’offre ce plaisir. Chanté et « guitarisé » par Joe Bonamassa, derrière lequel usinent (quand même !) Glenn Hughes, Jason Bonham et Derek Sherinian, « The last song for my resting place » aligne huit minutes de pur bonheur pour les nostalgiques des 70’s.

Construit sur le mode d’une power ballade, le morceau comprend une longue ligne de violon celtisante qui revient à intervalles réguliers, comme portée par les vents du Connemara. Si le reste de l’album supporte une écoute plurielle, cette chanson marque les tympans d’une empreinte particulièrement tenace. Un bel hommage aux musiciens du Titanic.

LOUISE ATTAQUE – J’t’emmène au vent

Il y a les groupes qui rajoutent du violon dans leur mixture et il y a ceux qui, possédant l’ingrédient à demeure, cuisinent avec. Lorsqu’en 1997 Louise Attaque sort son premier Lp éponyme bien malin celui ou celle qui peut en prédire l’avenir. Le chanteur possède un accent ou un tic de prononciation marqué et un violon prend les parties habituellement attribuées aux guitares. A propos du genre pratiqué, on peut parler de nouvelle chanson française ou de chanson française réaliste, des courants plutôt underground, un rien apparentés à cette branche du rock dite « festive ».

Pourtant, nous le savons à présent, ce disque va s’écouler à plus de deux millions cinq cent mille exemplaires, une des meilleures ventes hexagonales, toutes productions confondues. Incroyable ? Pas vraiment. Un violon repousse moins qu’une guitare éprise de distorsion. Le groupe mis en repos, Gaëtan Roussel, son chanteur, prouve que dans cette aventure rien n’était dû au hasard. Il focalise toujours l’attention.

ARMENS – Ar-men et Démago (Live – Paris Bercy)

Louise Attaque étant issu de la « grande couronne », large extension de la région parisienne, des langues vipérines parlent de « parisianisme », de facilités, de favoritisme. D’autres, des musiciens, préfèrent travailler leurs compositions et tourner pour se faire connaître. Armens, des morbihannais, sont de ceux-là.

Leur rock adopte des accents folkloriques bretons par la présence et le son d’un violon croisé d’un accordéon. Qui les a vécu live, un peu partout en France, sait combien leurs chansons provoquent le mouvement, capables de faire danser un parterre de poids et altères. Six différents (1999), leur premier Lp, a vu ses titres rodés sur de multiples scènes. C’est d’ailleurs lors d’une soirée universitaire que le groupe musicalise, aux Salons Hoche, à Paris, que les représentants de Sony Music viennent les signer.

Hélas, multinationale du disque ne signifie en rien : « Le tour est joué ». Dominique Blanc-Francard pressenti à la production fait place à un « sans nom ». Au final, le son du CD est « petit bras », à des kilomètres de l’effet rendu sur scène, notamment lors du festival La Bretagne à Bercy (mars 1999), en compagnie de Dan Ar Braz, Alan Stivell, Gilles Servat et Tri Yann. Reste des chansons bien foutues et aucuns regrets : « Démago » ? Non. Bien d’avantage : « On l’a fait ».

Kate BUSH – Violin

Après « Wuthering heights » (1978), la liane anglaise Kate Bush bis son premier succès avec « Babooshka », un hit single extrait de l’album Never for ever (1980). On sait la jeune femme éclectique, notamment en matière de son et dans ses choix d’instruments de musique. Le deuxième servant le premier, elle ponctue ce disque de balalaïka, sitar, koto, psaltérion et de Fairlight CMI, un des premiers synthétiseurs échantillonneurs de sons. Amoureuse du violon, elle lui dédicace carrément un titre : « Violin ».

Dans celui-ci, les quatre cordes de l’instrument envahissent la partition de bout en bout, livrant un assemblage de notes quasi « free », quelque part entre jazz et psychédélisme, sans abscisse ni ordonnée. Même le plus sociopathe des auditeurs ne peut rester insensible à cet ouragan. Jouée telle qu’elle, au-delà du j’aime ou je n’aime pas, la musique suscite de grandes émotions.

Bob DYLAN – Hurricane

Bob Dylan fait précéder la parution de Desire (1976), son dix-septième albums (!), d’une protest song : « Hurricane » (1975). Mr Zimmerman y disserte du sort réservé à « Hurricane » Carter, boxeur noir américain accusé de meurtres et dont la culpabilité prête à confusion. La presse musicale spécialisée gifle Dylan à ce sujet, prétextant son manque d’objectivité. Avec ce morceau, qui occupe tout de même les deux Faces du 45 tours, le chanteur peut se vanter d’avoir « soulevé un lièvre », publicité qui lui sera favorable, ce single faisant partie de ses meilleures ventes.

Dans le brouhaha médiatique, la critique du titre pour ce qu’il est musicalement passe au second plan. C’est navrant car il s’agit véritablement d’une très bonne chanson portée par des chorus de violon crument délivrés. Dylan « chante », ce qui n’est pas négligeable, et la mélodie se retient facilement. Si le boxeur sera finalement libéré quelques années plus tard, Dylan, de son côté, peinera à retrouver une épée de cette taille.

HOT TUNA – True religion

Aux débuts des 70’s, l’influence musicale de San Francisco s’amoindrissant, les combos qui s’en réclament suivent la tendance : ils perdent de l’audience. Chez Jefferson Airplane, digne représentant de cette catégorie, Jorma Kaukonen, guitariste, et Jack Casady, bassiste, ont pressenti la régression venir. Prudents, ils se réunissent pour créer un autre groupe qui passera de porte-flingue à première gâchette au fil du temps, jusqu’à devenir leur principale occupation : Hot Tuna.

A la suite d’une paire d’enregistrements live (!), ils sortent un premier album studio épris de blues et de folk. Plutôt acoustique, il est néanmoins traversé de fulgurances électriques. Pour l’occasion, de 1970 à 1973, les compères s’acoquinent avec un violoniste afro-américain : Papa John Creach. Sur Burgers (1972), le « crincrin » favorise une atmosphère intimiste dans un climat de quiétude apparent. « True religion », qui ouvre le disque, en est un parfait exemple.

T REX – Cosmic dancer

Avec Electric warrior (1971), T Rex ouvre le bal du glam rock anglais. Rock nerveux sans être violent, le glam de T Rex est basée sur des petits riffs de guitare électrique joués « hot » et sertis dans un écrin de basse/batterie « cocooning ». Au-delà des talents de compositeur de Marc Bolan, âme damnée du groupe, le producteur à l’ouvrage n’est pas dépourvu d’une certaine responsabilité dans ce succès naissant.

Tony Visconti, puisque c’est de lui dont il s’agit, a déjà laissé son empreinte sur The man who sold the world (1970), de Bowie. Sa façon de traduire la musique des autres comprend des phrases d’orchestration à cordes, du violoncelle et du violon. Bolan sait la richesse mélodique qu’il peut en tirer, d’autant plus que les deux hommes travaillent ensemble depuis 1968 et, déjà, cinq Lps. Le violon présent dans « Cosmic dancer » lui donne raison.

David BOWIE – Life on Mars ?

L’année où paraît Electric warrior, 1971, David Bowie commence son long chemin brodé d’or, de platine et d’argent en livrant Hunky Dory au jugement populaire. La machine et en route, moins rapide que pour son ami Bolan, mais tout de même aiguillée sur des rails au chrome apparent. Ziggy Stardust n’attend plus que le coiffeur qui raccourcira puis teintera de rouge sa toison capillaire. Celui qui participera activement aux enluminures sonores des albums à venir, est déjà à ses côtés : Mick Ronson.

Bien sûr les compositions sont signées David Bowie, bien sûr, outre le démiurge lui-même, la production est créditée à Ken Scott, mais quid de certaines parties orchestrales ? Mick Ronson au tison. N’ayons pas peur de l’affirmer : « Life on Mars » est l’une des plus belles chansons jamais écrites. Elle est parcourue des interventions majestueuses d’un quatuor (?) à cordes. Non contentes de donner de la profondeur à la chanson, les grappes de notes élèvent le propos à des hauteurs vertigineuses et insoupçonnées.

Les quelques notes de piano présentes sur le Fade out du titre sont survolées par l’image du guitariste blond. On ne le remerciera jamais assez pour ça.

Lou REED – Perfect day

A défaut d’être la meilleure, « Perfect day » est certainement un des plus belles, si ce n’est « la » plus belle chanson de Lou Reed. Première constatation, laissant de côté son ânonnement habituel, un parlé-chanté calé dans les médiums, le Lunatique chante ! Sans doute est-il porté par la mélodie dont il a fleuri tout autant ses couplets que son refrain. Cette chanson provient de Transformer (1972), l’album de son plébiscite.

A la production, on retrouve David Bowie aux arrangements, Mick Ronson. La remarque à propos du travail de ce dernier sur « Life on Mars » vaut également pour « Perfect day », les nappes de violons qui l’habillent transcendant la chanson. Aurait-elle été moins addictive en leur absence ? Chacun son idée. « Que celui qui n’a jamais pêché me lance la première pierre » … que celui ou celle que la chanson n’a pas charmé prenne cette dernière dans la théière.

John CALE – Paris 1919

Au sein du Velvet Underground, deux fortes personnalités se partageaient la composition des morceaux : Lou Reed et John Cale. En 1973, alors que Lou Reed s’apprête à faire paraître son chef d’œuvre, Berlin, l’ami Cale n’est pas en reste avec Paris 1919, son troisième forfait en solo. Bien qu’originaire du Pays de Galle, ses études l’ont mené jusqu’aux States dans le but d’assimiler la composition contemporaine. Pianiste émérite, rédiger la partition d’un ensemble orchestral n’a donc pas de secret pour lui. Et cet album le prouve.

Les neufs titres qui le composent relèvent d’avantage du « classique » que du rock ou de la pop. Pourtant, à l’écoute, les sensations ressenties prennent un chemin électrique plus qu’acoustique. L’alchimie à l’œuvre, notamment ces enluminures de cordes, enivre le fan de « poprock » tout autant que le mélomane tous terrains.

Warren HAYNES – Is it me or you

Le cas Warren Haynes est particulier. Ce lead guitariste voué à la cause du blues sous toutes ses formes intègre le Allman Brothers Band en 1989. Gage d’intégrité, son jeu de guitare parvient à évoquer celui du défunt Duane Allman, notamment lorsqu’il glisse en slide. Sans pour autant quitter le groupe, Haynes fonde son propre combo en 1995 : Gov’t Mule, projet plus expérimental bien que déterrant une nouvelle fois les racines du blues. Boulimique insatiable, il enregistre un nombre incalculable d’albums, tant studio que live, auquel on peut rajouter ceux sortis sous son propre patronyme. En 2015, sous cette casquette, il finalise Ashes and dust.

Le disque démarre par une ballade : « Is it me or you », où un violon cajun, un banjo et une guitare électrique unissent leurs notes autour d’un feu de camp. La voix de ce violon renvoie aux champs de coton, à la peine émise par des hommes au labeur. Une musique capable d’évoquer de telles images est transcendante. Il semblerait que le violon ait ce pouvoir-là.

Frank ZAPPA – Willie the pimp

Parce qu’il faut bien clore ce chapitre, citons une dernière chanson, l’œuvre d’un provocateur doublé d’un redoutable compositeur, Frank Zappa. Avec Hot Rats (1969), il aborde une sorte de jazz rock expérimental tout en laissant libre court à ses talents de guitaristes, foisonnement parfois méconnu par celles et ceux qui ne voient en lui qu’un trublion. Par camaraderie, Zappa invite son vieil ami Don Van Vliet, alias Captain Beefheart, à venir chanter sur « Willie the pimp ». Et pour faire bonne mesure, tout en justifiant par là-même son propos musical, il convie également le violoniste de jazz français Jean-Luc Ponty à exposer son savoir musicologique au côté du sien.

Tel que pressenti, l’association des trois émet de saveurs uniques, parfois déroutante mais toujours élégamment mise en mouvement. Œuvre à part dans la discographie de Frank Zappa, Hot rats n’a pas fini d’étonner et charmer celles et ceux qui, dans les générations futures, lui accorderont une écoute. Quant à Jean-Luc Ponty, toujours vivant, l’interviewer sur cette expérience vaudrait à coup sûr un carton de Don Pérignon.

Le violon, instrument rock ?

S’il vivait de nos jours, quel serait le statut de Niccolo Paganini (1782-1840), ce violoniste/guitariste virtuose dont les récitals faisaient se pâmer ces Dames ? Celui d’une Rock Star, évidemment !

Thierry Dauge

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