DEEP PURPLE – Mark I & II
Deep Purple est un des initiateurs du Hard Rock à une période où Black Sabbath, de son côté, défriche le Heavy Metal. En effet, le premier album éponyme de Black Sabbath sort en février 1970 alors que Deep Purple « In rock » voit le jour en juin. Niveau singles, c’est l’inverse. « Black night » du Pourpre Profond conquiert les charts anglais avant « Paranoid » du Sabbath Noir. Mais cessons cette comparaison qui, à n’en pas douter, pourrait générer des échanges partisans. Car, dès 1968, Deep Purple fait résonner sa singularité avec « Hush » …
DEEP PURPLE – Hush
Mark I
Entre 1968 et 1969, Deep Purple sort trois Lps. Outre Ritchie Blackmore à la Fender Stratocaster, Ian Paice aux futs et Jon Lord à l’orgue Hammond, le groupe compte Rod Evans au chant et Nick Simper à la basse. La musique du quintette oscille alors entre une pop typée 60’s condimentée d’un zest de psychédélisme et des partirions éprises de classicisme. Précisons que chacun des musiciens est expert dans le maniement de son instrument. Il n’est qu’à écouter « The book of Taliesyn » (1968) ou l’album qui lui fait suite : « Chasing shadows » (1969), pour s’en persuader.
Chasing shadows
La reconnaissance tardant à poindre, l’environnement musical durcissant le ton, Deep Purple envisage d’introduire quelques barbelés dans ses chansons. Evans et Simper, plus modérés et, surtout, souffrant d’une incompatibilité d’humeur avec l’atrabilaire Blackmore, s’en vont tenter leur chance dans d’autres formations.
Simper forme Warhorse avec un certain Rick Wakeman aux claviers. Leur premier essai éponyme sort en 1970. S’il fait, de nos jours, le bonheur des collectionneurs, à sa sortie, il suscite une quasi indifférence. Par contre, dès 1971, Wakeman s’en ira naviguer sur des fleuves au courant plus populaire avec Yes. De son côté, Evans attendra 1972 et le premier album éponyme de Captain Beyond pour frôler les sommets. Malgré l’excellence qui le caractérise, originale pièce-montée de hard rock mélodieux, cet Lp sera, hélas, noyé dans la « masse ».
Mark II
A l’opposé, chez Deep Purple, avec la venue du sur-hurleur Ian Gillan au micro et de l’imaginatif Roger Glover aux quatre cordes, c’est l’avènement. Après un concerto pour « Group and orchestra » que nous tairons (1969), « In rock » (1970) élève le niveau jusqu’à la reconnaissance publique. Dès le titre d’ouverture, il soumet l’auditeur à une secousse sismique !
DEEP PURPLE – Speed king
On passe d’un siècle à un autre en une seule et simple année. « Child in time », bien qu’incorporant une suite d’accords puisés au Boléro de Ravel, aligne un panaché de cris dignes du chant d’une sirène en rut ! La Face B, quant à elle, présente quatre morceaux imparables aux pourtours d’ice cream dégoûtant de raisiné. Une pure merveille dont l’unicité du son, fruit d’un travail de studio méticuleux : « Mais dans quels locaux ont-ils joués et où pouvaient bien être placés les micros ?! », le rend immédiatement identifiable.
Pour faire suite à cette pièce de muscles saillants, plutôt que tenter l’escalade sonore, Deep Purple choisit l’apaisement. S’il rugit toujours, c’est par places. « Fireball » (1971) contient même une sorte de balade country, prouvant par là même qu’il n’est pas qu’un artisan du chaos.
Anyone’s daughter
1972 arrive et les anglais grave leur manifeste : « Machine head ». Ce disque aligne quatre des futurs chevaux de bataille scénique du groupe, dont le fameux « Smoke on the water », bien connu de tous les aspirants guitaristes. L’enregistrement de cet ouvrage, initialement envisagé dans les salles du Casino de Montreux, a finalement lieu dans les couloirs d’un grand hôtel. La cause ? Le Casino prend feu la veille où Deep Purple doit en prendre possession, lors d’un concert de Frank Zappa & The Mothers of invention.
En conséquence du calfeutrage des murs avec des matelas, la prise de son de « Machine head » est dépourvue d’écho naturel. Les chansons présentent donc une certaine « matité », production à des kilomètres du résonnant « In rock ».
DEEP PURPLE – Smoke on the water
Alors vint « Made in Japan » (1972), la Référence en matière de live meurtrier. Un ouragan, un typhon, le souffle de Vulcain sur Terre, le hard rock en son état le plus étincelant. Ça canarde : « Highway star », ça rivalise : « Strange kind of woman », ça tricote un heavy rock jazzifiant : « Lazy » et ça se termine par une odyssée spatiale : « Space truckin’ ». En apnée pendant quatre faces, l’auditeur peut enfin prendre une goulée d’air lorsque la dernière ovation du public épouse un fade out salvateur. Rien à écrire, tout à écouter.
Highway star (live Made in Japan)
Les tournées s’enchaînent et l’animosité se déchaîne entre Gillan et Blackmore. Avant la rupture, la formation Mark II livrera un ultime album, le mésestimé « Who do we think, we are » (1973). En effet, outre des chansons admirablement compoz-interprétées, le fond du sillon émet une sonorité des plus parfaite. Ampleur, rondeur, nervosité et précision boxent le tympan au juste emplacement. A son écoute, la béatitude gagne, cette sensation de bien-être, cette adéquation musicale.
DEEP PURPLE – Rat bat blue
Lassés par la cohabitation délétère voulue par le tyrannique Ritchie Blackmore, Ian Gillan et Roger Glover s’en vont ensembles vivre des aventures séparées. Pour combler le vide, et laisser la mouture du groupe Mark III prendre naissance, Purple Records sort une double compilation justement intitulée « Mark I & II » (1973). Elle ne vaut que par la présence de deux titres jusqu’alors uniquement disponibles en singles : « When a blind man cries » et « Black night ». Ce dernier fera l’objet d’une autre publication dans une autre compilation : « 24 Carats Purple » (1975), interprétation sans pareille enregistrée live au Japon (1972).
Une « nuit noire » s’abat alors sur le groupe, dissolvant dans les ténèbres l’épisode Mark II.
Black night (live)
Ce coup de projecteur sur la carrière de Deep Purple se présentant sous la forme d’un « triptyque », un dernier mot : à suivre ….
Thierry Dauge