Un photographe jadis mondialement réputé…
C’est comme si on l’avait sciemment effacé de l’histoire du Vingtième Siècle…
Qui était Antony Beauchamp Entwistle ? On apprend tout sur lui à la lecture du livre SEXPIONNAGE à LONDRES
Né dans le Kent en 1918, il est le fils d’Ernest George Entwistle, codirecteur d’une école d’arts plastiques, et de son élève la chanteuse et peintre miniaturiste Vivienne Mellish (1889-1982). Mariés en 1913, ils ont un autre fils, Clive, architecte, qui se fera connaître durant la Seconde Guerre mondiale en tant qu’inventeur d’une arme secrète, une fusée téléguidée utilisée pour combattre les Allemands.
En 1934, Tony Entwistle se met en tête de devenir photographe
… il a à peine seize ans. Il signe son premier portrait du pseudonyme d’Antony Roger, faisant déjà abstraction de son nom de famille. Sur son talent, les avis sont partagés, jusqu’à celui de sa propre mère :
«Lorsqu’il était au meilleur de sa forme, je n’aurais pas pu prendre de photos aussi réussies que les siennes… mais lorsqu’il était dans un mauvais jour, je n’aurais pas pu faire plus horrible que ce qu’il faisait !»
Le clic, mais pas toujours le déclic !
En conséquence de quoi sa mère se propose de l’aider au titre d’assistante-retoucheuse (« Il n’était pas très bon pour ça », dira-t-elle en 1971 au journaliste Francis Wyndham dans l’article Mother And Son) ; ils fondent le 20th Century Studio.
Presque immédiatement le fils prend ombrage du succès de sa mère
Vivienne n’avait jamais pris la moindre photo auparavant, et voilà qu’à plus de cinquante ans elle devient une star, grâce à un heureux concours de circonstances : elle était amie avec l’actrice Beatrice Lillie dite Lady Peel, et son portrait par Vivienne se retrouva à la une d’un grand magazine. Tony était furieusement jaloux, comme le confiera Vivienne en 1971 à l’Australian Women’s Weekly :
« Ça l’a mis très en colère et c’est une des périodes les plus tristes de ma vie… ainsi que de la sienne. Mais comment le blâmer ? Il était très jeune et vous savez comment sont les hommes : il ne supportait pas d’être dans l’ombre d’une femme plus âgée. »
Tony et Vivienne sont désormais rivaux, et, même si tous deux diront ensuite le contraire, la plaie est à jamais purulente : « a woman with no technical knowledge », dit-il d’elle dans son livre autobiographique « Focus on Fame », ajoutant : « my mother had apparently acquired the photographic technique from me ».
Le fils, sans en parler à sa mère, renie son nom
Il ouvre son propre studio (1939) et se fait désormais appeler Antony Beauchamp :
« Il ne m’en avait pas parlé ni demandé mon avis. Il devait penser que cela me choquerait ».
Ce pseudonyme est le nom de ses bienfaiteurs Robin et Jean Beauchamp dont la mère Margaret Duff l’a pris en estime.
Il se fait mondialement connaître grâce à ses photos de Vivien Leigh (1913-1967) qui est alors au sommet de la gloire grâce à son interprétation de Scarlett O’Hara dans Autant en emporte le vent.
Mais « Vivienne of London » n’est pas en reste, qui devient portraitiste attitrée de la haute société, immortalisant notamment cinq Premiers ministres successifs, dont Winston Churchill qui va devenir un intime de la famille Entwistle : Antony a photographié sa fille, l’actrice Sarah Millicent Hermione Churchill (1914-1982).
La mère d’Antony raconte qu’au début il ne pouvait pas supporter cette pimbêche. Or quelques années plus tard ils se marieront.
Alors, mariage arrangé ? Et si oui, dans quel but ? … était-ce une couverture ? « Comment ce type, qui venait de nulle part, a-t-il pu se retrouver dans l’intimité de Winston Churchill ?
Il n’était pas juste photographe
La photographie était une couverture pour masquer ses activités d’espion. Selon les notes de Mary Soames, fille cadette de Churchill, son père était ouvertement hostile à Beauchamp. Est-ce parce qu’il avait vu clair dans son jeu ? Beauchamp, qui s’est trouvé au bon endroit et au bon moment avant la Seconde Guerre mondiale et durant la Guerre froide, a-t-il été un agent double en jouant de ses nombreuses relations avec des communistes et des sympathisants nazi?
Lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, Antony est nommé photographe officiel de la 14ème armée britannique cantonnée en Birmanie.
A la fin du conflit il rentre à Londres
Il avait mûri, il était beau, élégant, un vrai dandy. Il allait retrouver Sarah (ils ne s’étaient pas revus entre 1939 et 1948) : durant la même période (1939-1945), elle avait servi comme officier dans l’Armée de l’Air. Mariée en 1936 à Victor Oliver von Samek, un acteur et humoriste de radio, elle l’avait quitté en 1941 et ils avaient divorcé en 1945.
Le photographe des stars (après Vivien Leigh, il avait immortalisé Audrey Hepburn), 32 ans, et l’actrice, 34 ans, se marient secrètement à Hollywood en octobre 1949.
Winston Churchill est en rage
Il a appris la nouvelle par les journaux avant de recevoir le télégramme des deux tourtereaux lui annonçant leur union.
A Los Angeles, Sarah tourne une comédie musicale en compagnie de Fred Astaire, « Royal Wedding », tandis qu’Antony photographie Greta Garbo, Grace Kelly, Leslie Caron et deux débutantes, Elizabeth Taylor et Marilyn Monroe dont les clichés feront le tour de la terre.
Beauchamp photographie aussi la femme du président des Etats-Unis, Margaret Truman ; il dîne chez madame Roosevelt, papote au 10 Downing Street avec Pandit Nehru, Premier ministre de l’Inde dès 1947 (et père d’Indira Gandhi)… Il compte parmi son cercle d’amis intimes Anthony Eden, ministre des Affaires étrangères puis Premier ministre conservateur en 1955 en remplacement de Winston Churchill.
Pourquoi, après un tel parcours et de telles relations, nul ne connaît-il aujourd’hui son nom ?
C’est comme si on l’avait effacé de l’histoire du Vingtième Siècle…
Le couple Antony – Sarah bat de l’aile. Chacun ne vivant que pour sa propre carrière, il leur arrive de rester des mois sans se voir. Anthony est un chaud lapin et Sarah boit beaucoup (elle est arrêtée à plusieurs reprises pour trouble à l’ordre public et fera un séjour en prison après leur retour en Grande-Bretagne). Les Entwistle se séparent néanmoins sans divorcer. En 1954, Tony réalise une célèbre série télévisée policière ainsi qu’un long métrage pour le cinéma dans lequel tourne Sarah : Fabian of the Yard.
Ensuite, la chance semble quitter le photographe désormais cinéaste…
Un gros projet avec un chouette casting d’acteurs sur qui il pouvait compter…
… et puis la catastrophe !
Un financier américain -dont Vivienne tait le nom- le laisse tomber ! Il a d’ailleurs d’autres soucis : en 1956 il a engrossé l’actrice Vicky Page. Vicky veut porter plainte pour obliger Antony à lui verser une pension… Elle se voit répondre par tous les avocats qu’elle consulte qu’elle a intérêt à passer l’éponge : en tant que gendre de Churchill, il est intouchable. Et même si elle essayait d’alerter les médias, l’affaire serait étouffée dans l’œuf.
La petite Carey-Ann naîtra le 26 février 1975, son père mourra quatre mois et demi plus tard. Antony était sans doute très affecté par le décès prématuré, à cinquante ans, de son ami le célèbre photographe attitré de la famille royale Sterling Henry Nahum Baron qui, comme lui, avait photographié Marilyn Monroe alors qu’elle était encore presque inconnue.
Beauchamp est retrouvé sans vie, tôt le dimanche 18 août 1957 dans son appartement du quartier de Hyde Park.
Selon le Glasgow Herald, les seules personnes présentes à l’ouverture de l’appartement ont été l’inspecteur de police Charles Hamer, un chimiste, un pathologiste et la mère du défunt à qui il a laissé une lettre… Une lettre dont la justice n’aura pas connaissance puisqu’il n’y aura pas d’enquête approfondie, le médecin légiste ayant conclu, selon toute vraisemblance, à un suicide, ce que confirme Vivienne qui met son geste sur le compte du surmenage dont il s’était plaint la dernière fois qu’elle l’avait vu, le mercredi précédent : “Tony n’en pouvait plus, il aura avalé tous ses somnifères en une seule fois», conclut-elle. D’autres disent tout simplement qu’il a été acculé à la mort par l’état catastrophique de ses finances. Il mettait la touche finale à son autobiographie, Focus on Fame, qui paraîtra de façon posthume en 1958.
L’inspecteur Charles Hamer rapporte qu’il a été prévenu à quatre heures du matin. Dans l’impossibilité de pénétrer immédiatement dans l’appartement, il a alerté les pompiers qui lui ont permis de passer par le balcon et d’entrer en brisant une vitre :
« Monsieur Beauchamp reposait sur son lit, tout habillé, le téléphone encore à la main».
Sur la table de nuit on avait retrouvé, vide, une boîte à pilules destinée à en contenir 42. Comme elle était au nom de Beauchamp, on en déduisit qu’elle avait été prescrite par un médecin. Le docteur Colin Corby, pathologiste, indiqua qu’il s’agissait de barbituriques extrêmement puissants très rapides d’action : il avait vu des gens s’évanouir dans la rue quelques instants après une ingestion. « La mort peut survenir très rapidement », a-t-il ajouté.
Beauchamp fut incinéré le 22 août
Le fringant quadragénaire était-il vraiment stressé, au point de se donner la mort ? Ce n’est pas ce qui transparaît à la lecture des dernières pages de son autobiographie. Le texte a-t-il été remanié après son décès ?
Il prétend déborder de projets et ne savoir lequel choisir. Ce n’est pas à proprement parler du surmenage ! Etait-il aux abois, sur le point d’être démasqué ? « un gars perturbé en permanence qui ne supportait pas d’être seul ; la notion de solitude l’effrayait littéralement. Or il vivait seul, à l’époque ; il était très déprimé. Il n’y a aucun doute possible, sa mort est un suicide »…